Star Trek avait 45 ans hier: toute l’histoire de la franchise sur une seule bannière

C’est Space.com qui a eu l’idée de génie de créer cette bannière commémorative faisant l’historique rapide de la franchise, traversée de rares images promotionnelles et de faits historiques sur l’exploration spatiale.

Observez bien: sur l’image en haut de l’affiche, vous remarquerez que Spock à la couleur qu’il devait avoir dans le pilote THE CAGE…complètement vert! (cela dit, si vous regardez à nouveau l’épisode, vous pourrez constater que sa peau est couverte de fond de teint verdâtre…on le constate d’emblée sur le bluray)

C’est plus qu’émouvant…c’est cosmique!

J’ajouterais un seul détail à toute la bannière:

22 Août, 2011: Décès de Jack Layton à l’âge de 61 ans, emporté par un cancer. Politicien pragmatique et idéaliste, chaleureux et sans condescendance, grand trekker devant l’éternel. Go bodly where no one has gone before Captain Layton! Engage…

-FRANCIS OUELLETTE

Superhéroïsme gériatrique: Qui protège les vieux? C’est lui…

Il s’appelle Andreas Englund. C’est un artiste peintre suédois qui a eu l’idée particulièrement touchante de nous montrer le quotidien d’un super-héros vieillissant. Si l’idée de base peut sembler drolatique, le résultat final à quelque chose d’assez puissant.

Oui, le travail de Englund rejoint joyeusement la perspective déconstructiviste qui hante les comic-books depuis plus d’une décennie, mais il possède aussi sa propre narration et une candeur qui donne chaud au coeur. Je trouve ça particulièrement touchant. On devine que le vieux héros de Englund a encore des capacités hors du commun, mais que le temps le rattrape à grand pas. 
Comme  si les songes de cet Americana fantasmé par Rockwell avait visité les obsessions thématiques de Lichtenstein. Pour ma part, je veux un comic avec ce personnage au plus vite; je le voulais hier… Pour visiter le portfolio de l’artiste, cliquez ICI MÊME.

-FRANCIS OUELLETTE

Urgent! Avis de recherche: Les Mystérieux Étonnants cherchent des real life superheros montréalais

La fin de semaine dernière, un pote à moi, Nicolas Krief reçoit un high-five en provenance de la main gantée d’un Vrai super-héros qui patrouillait la rue Rosemont (pas loin du bar échangiste sur Christophe-Colomb, bon lieu pour épier les crimes de luxure! La luxure…huuuuuum) -Pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec le phénomène émergeant des real life superheroes, vous pouvez lire nos articles sur le sujet ICI et .- Était-ce simplement un cosplayer revenant d’une orgie, comme a eu tôt fait de le souligner mon pote dans un truculent échange facebook, ou un véritable épris de justice en uniforme?

Ce n’était qu’une question de temps avant que ces chevaliers nocturnes ne se manifestent plus ouvertement dans les rues de notre belle métropole.

Les MYSTÉRIEUX ÉTONNANTS veulent rencontrer, discuter et, qui sait, recevoir à la radio pour une entrevue celui qui sera le premier Super-héros montréalais à sortir de la proverbiale cabine téléphonique. Notre dessein n’est pas de nous moquer, mais bel et bien de parler de ses idéologies et de ses méthodes, de ses influences et de la puissance des symboles. Nous ne voulons  pas non plus simplement célébrer et exposer publiquement l’individu, mais bel et bien parler de l’importance du phénomène de l’hérotomanie.

L’individu pourra garder son costume et son identité secrète en studio. Pour la pérennité, nous nous proposons même d’être les chroniqueurs des exploits du héros en question, ses Jimmy Olsens en quelque sorte.

Si vous avez quelconques informations sur un individu s’adonnant à ces activités, si vous êtes un fan de notre émission connaissant un ami qui porte le costume ou mieux, si vous êtes vous même un real life superhero, vous pouvez nous contacter en tout temps pour nous fournir des informations sur le sujet ici même sur notre site ou par le biais de notre page Facebook.

Nous t’attendons, protecteur nocturne. Montréal t’attend…

-FRANCIS OUELLETTE

Greg Rucka et son opinion éclairée sur les films adaptés de comics

Sur son blogue, The Lady Sabre & The Pirates of Ineffable Aether, Greg Rucka publiait cette semaine un texte d’une pertinence considérable sur le traitement Hollywoodien des comic-books. D’entrée de jeu, il rappelle à ses lecteurs que si il est un auteur facilement associable au genre du grim n’ gritty (le réalisme narratif sombre et violent qui fut la marotte des comics durant les années 90), il est vital de faire une distinction entre le réalisme et l’intelligence d’une histoire, tout simplement. Le réalisme sombre n’est pas synonyme de profondeur.

Il parle du plaisir qu’il a eu en allant voir CAPTAIN AMERICA avec son fils et de l’hypochrisie des excuses prodiguées par les studios quand un film adapté de comic de fonctionne pas. Je vous le traduit librement; ça en vaut la peine

Captain America était amusant. C’était pure, c’était aussi sincère, et n’avait pas à s’excuser d’être fait de la sorte. En fait, c’est précisément ces traits de caractères qui font de Steve Rogers le premier Super-soldat dans le film.  Ce sont aussi ces facteurs qui ont fait du film un succès, à mon avis.

Voilà le topo: je suis exaspéré des super-héros qui ne sont plus du tout « super » ou même des héros mais encore plus, je suis exaspéré d’entendre Hollywood nous blâmer de leurs échecs. Je suis exaspéré d’entendre des producteurs totalement déconnectés de la vie américaine actuelle expliquer l’échec de leur mauvais produit en nous blâmant tous de ne pas avoir payer pour voir leur déchet en assez grand nombre.

Le problème de Green lantern est qu’il n’était pas assez sombre? Je ne penses pas!

L’art-même lorsqu’il  est commercial, produit pour le divertissement- s’alimente et est alimenté pas la société qui le consomme. Je pose la question, en ce moment, en regardant autour de vous, quelle saveur cherchez vous dans vos divertissements? Dans une époque d’alertes rouges, de dysfonctions partisanes, de haine et d’intolérance grandissantes, d’échec économique, de chômage et de récession, c’est vraiment de réalisme sombre dont nous aurions besoin?

(…)

Pour ceux d’entre vous qui trouvent ridicules Superman, Wonder Woman et Captain America, ces icônes qui représentent, dans leur essences, le sacrifice de soi pour le bien commun, et qui justifient cette opinion en affirmant que ça manque de réalisme, que personne ne peut être aussi noble: il est temps de vieillir. Sérieusement. Le cynisme n’est pas un signe de maturité.

En bref, les films n’ont pas à être sombres. Ils n’ont qu’à être sincères et pourquoi pas, intelligents. C’est pas bête…

-FRANCIS OUELLETTE

Yoda a les « blues »: En CGI, il sera, sur le Blu-ray de PHANTOM MENACE

Personnellement, chers frères et soeurs geeks, j’adore la colère qu’arrive à déclencher George Lucas auprès de ses hordes de fans quand il modifie ou ajoute quelque chose au canon de ses films. J’adore les débats qui s’ensuivent, les déclarations de trahison et les accusations de souvenirs d’enfances souillés. C’est ça la véritable saga, en ce qui me concerne.  Greedo tire en premier, les midichlorians permettent l’Immaculée conception et guérissent les infections urinaires...Jabba s’est vraiment laissé allé en l’espace de quelques mois.

Je suis de cette génération qui n’éprouve absolument rien en écoutant les préquelles et qui préfèrent les marionnettes au CGI ajouté. Cela dit, comme plusieurs d’entre vous, je me suis toujours posé la question: pourquoi est-ce que la marionnette de Yoda de Phanthom menace avait-elle l’air d’un rejeton consanguin entre une iguane et Joe Pesci????? Elle n’avait absolument rien à voir avec les versions CGI qui suivront, beaucoup plus fidèles à la marionnette originale.

Lucas a décidé de remédier à la situation avec sa baguette rabougri de sorcier de l’image. Mais si (et je dis bien seulement si) c’était une bonne chose de se débarrasser de la risible marionnette dans ce cas bien précis?  Comparons!

Marionnette:

VS

GGI:

Que les débats commencent! Que les colères s’élèvent! Que le sang coule à flot dans les rues!

Pour ma part, je veux le retour de Yaddle, la jolie petite Yoda femelle qui se tient les jambes croisées parce qu’elle est coquette dans la salle du conseil de PHANTOM MENACE. Elle est mignonne avec ses petits cheveux bouclés et son regard vicieux de femme d’expérience. Francis Martin AKA James K Field AKA KAYA le Jedi en sait quelque chose!!!

-FRANCIS OUELLETTE

Avec votre animateur Benoit Mercier, maintenant chroniqueur bédé à l’émission de Denis Talbot, Mr. Net!!!

Bientôt six ans que Benoit travaille comme un forcené à faire des Mystérieux étonnants une émission de qualité. En six ans, il a en tout et pour tout manquer 3 émissions (et dans deux des cas, je suis persuadé qu’il était mourant dans son lit).

Écrire des papiers de blogue, animer une émission et l’occasionnel segment de télé, couvrir des événements, abdiquer aux plaisirs de la chair sous toutes ses formes durant les longues périodes au front: l’énergie du gars n’a d’égale que son obstination à faire un show qui soit unique en son genre.  Il fut accusé d’irascibilité, d’obsession…de DESPOTISME!!! Mais vous savez quoi? Vous l’aurez sans doute remarqué, Benoit est un vrai. Totalement authentique, sans détours, sans prétention et animé d’une véritable passion pour la culture populaire.  En fait, sa volonté de faire reconnaitre les moindres formes d’expressions culturelles comme des modes d’expressions qui se valent tous tient de l’apostolat.

Benoit, tes potes des Mystérieux Étonnants et tes nombreux auditeurs te félicitent de cette nouvelle opportunité qui s’ouvre à toi. Tu y seras excellent, nous en sommes convaincus et tu seras une addition de taille à l’équipe de Denis Talbot. Tu fera découvrir des trucs de taille à bien des néophytes et les exégètes t’apprécierons, c’est certain.

Godspeed, live long and prosper, may the Force be with you, so say we all et faster pussicat kill kill!

Bon…

C’est assez.

On va célébrer toute la bande dans un bar échangiste…j’ai un bon spot…

-FRANCIS OUELLETTE

Conan le canonisé: une émission du 7ème antiquaire sur le plus grand des barbares

C’est sous l’égide du tâcheron Marcus Nispel (Pathfinder, les remakes de Texas Chainsaw massacre et Friday the 13th) que le barbare reviendra brandir son  glaive au cinéma dans quelques jours. Les attentes ne sont pas élevées et la bande-annonce en a découragé plus d’un. Pourtant, Nispel semble s’être fait un devoir de devenir LE réalisateur de films où de très grosses brutes tranchent du monde avec leur gros engin contondant. On verra bien…

En attendant, posez vous la question: que savez vous de Conan?

Le personnage est omniprésent depuis les années 30 dans tous les médiums narratifs, du cinéma à la télé, des comics aux jeux vidéos. Il est LA figure de proue du sous-genre de la  Heroic fantaisy. Pourtant, aucun de ces médiums (exceptés quelques uns des comics récents) n’a adapté la moindre histoire de son créateur Robert E. Howard. Le Cimmérien tel que vous le connaissez est un amalgame d’une multitudes d’influences. Les Conans se suivent mais ne lui ressemblent pas. Il faut rectifier tout ça.

Cette semaine au 7ème antiquaire, une émission complète sur le personnage: sa genèse, son créateur et ses différentes incarnations. Vous êtes un néophyte? C’est un must! Si vous êtes un geek qui a fréquenté Conan en dilettante, c’est un devoir! Si vous êtes un fin connaisseur, on va vous surprendre quand même.

Conan est l’affaire de tout le monde.

CLIQUER SUR LA PHOTO du bas pour lire notre papier sur le sujet et pour écouter notre émission… ou alors, au nom de Crom, nous vous maudirons jusqu’aux confins de l’Hyborée, gringalets bons pour la pitance et les becs de corbeaux.

-FRANCIS OUELLETTE

http://www.youtube.com/watch?v=6PQ6335puOc&feature=related

Fantasia 2011: critique de SMALL GAUGE TRAUMA: Une dégustation qui sustente

J’ai complètement oublié plusieurs des films que j’ai vu à Fantasia depuis 97. Je n’ai cependant jamais oublié le moindre court métrage. Fantasia a toujours mis une énergie louable à débusquer de brillants courts, souvent juste avant le moment où la carrière des réalisateurs prend son essor: les courts de Nacho Cerda, I zombie, la Chambre Jaune, Abuelitos, The separation. Bref, j’ai de très bons souvenirs de toutes les sélections de Small Gauge Traumas.   
Cette année, les programmeurs se sont permis quelques digressions qui étaient les bienvenues. Ce ne sont pas les courts métrages d’horreur qui sont les plus surprenants mais bel et bien ceux à caractère dramatique. Une thème ressort subtilement de cette sélection: la consommation, celle des aliments comme celle de la chair.

Survol du menu offert (Cliquez sur les photos pour voir les bandes-annonces):

 SOPHIE GETS AHEAD

USA 2011 | 10 min, en anglais et en gémissements, Damien Pari 

Une dame franchement bandante reçoit une bonne séance de coups de langue dans son  verger. Faudrait que sa mère (au téléphone) et un petit gars slasher qui gambade par là (avec un masque de gimp) lui crisse patience pour qu’elle jouisse. Dans ce monde suintant de fertilité, les appétits se conjuguent. C’est aussi lumineux que c’est drôle et jamais un titre n’aura été à ce point le but, la cause et le moyen en même temps. Il est question de se faire manger dans tous les sens du terme.

 PICNIC 

Espagne 2011 | 13 min, en serbe et en silences, Gerardo Herrero
Une famille unie va manger dans un bois idyllique. Les cicatrices d’un guerre passée couvrent encore le sol sous la forme de mines tout à fait fonctionnelles.  Nous sommes en Bosnie. La tension et le drame que parvient à générer PICNIC en moins de 15 minutes tient du prodige. On carbure ici à grands coups de puissants archétypes. Il n’y a qu’une seule famille, une seul bois et une seule guerre. Les horreurs sont légions et peuvent se multiplier infiniment.

WAFFLE

USA 2011 | 5 min, En anglais et en chialages, Rafael De Leon Jr.

Il faut bien choisir ses camarades de classes avant de faire ses travaux d’équipe. Quand une jeune fille se lie d’amitié avec une étudiante brillante mais défigurée pour profiter de son talent, il est mieux que cette dernière ne le sache pas. Surtout, il est préférable qu’elle ne l’apprenne pas à sa propre table pendant le repas. Sympathique petit slasher culinaire qui nous laisse un peu sur notre faim après les deux substantifiques entrées précédentes.

GOOD MORNING, BEAUTIFUL, USA 2011 | 20 min, en anglais et en larmes, Todd Cobery

Un homme a de la difficulté à surmonter le deuil de son enfant. Sa douleur et sa tristesse transforment peu à peu sa perception de la réalité. Le cauchemar du quotidien prend alors des dimensions lynchéenes. C’est la grosse bouchée de la sélection, en durée comme en technique, en contenu comme en substance. Bien joué, réalisé avec flair, GOOD MORNING, BEAUTIFUL est à la fois absurde, angoissant et traversé de pathos. Comme le MESHES OF THE AFTERNOON de Maya Deren, le monde où tente de vivre le protagoniste et traversé d’onirisme et de mélancolie. Une touchante descente aux enfers, pertinente et audacieuse.

DEVOURMENT

Mexico 2011 | 6 min, en espagnol et hurlements irritants, Lex Ortega

Après le dévoration, c’est souvent l’indigestion. Indigeste, DEVOURMENT l’est au plus haut point. L’idée de base du court, a priori excellente, n’a pas les moyens de ses ambitions; montrer la courte vie d’un zombie en caméra subjective. Malheureusement, on se croirait dans un mauvais clip de métal mexicain et le burritos regorge d’effets bruyants et cheaps. Dommage pour l’idée de base. Quelqu’un d’autre la reprend s’il vous plait?

INCUBATOR

USA 2011 | 7 min, en anglais et cris de douleur, Jimmy Weber

 Tu te réveilles paniqué dans une baignoire pleine de glace. Tu es dans une chambre d’hôtel barricadée. La bonne nouvelle: la cicatrice sur ton flanc suggère de prime abord qu’on t’a peut-être volé un rein. La mauvaise: On t’a rien volé du tout. Dans les petits pots les meilleurs onguents? C’est exactement ça: INCUBATOR est un peu comme du Tiger Balm…que tu utilise comme lubrifiant. Même si l’éjaculation est dramatique est rapide, elle te saisie jusqu’aux tréfonds du trou de graine. Ça brûle en crisse le gréement…


FALLING

Australia 2011 | 7 min, en anglais bavard, Christian Doran

Un intéressant exercice en noir et blanc, avec trois split-screens, nous montrant la chute (au sens véritable et figuré) d’un petit criminel. En nous montrant simultanément le passé et le présent, les impressions intérieures du personnage et les mondes possibles de ses choix, il va sans dire que FALLING est ambitieux et chargé. Le ton très Noir du court voisine la métaphysique et avec ses trois écrans, on se croirait dans un épisode expérimental du comic SIN CITY. 

BIRDBOY

Spain 2010 | 12 min, en espagnol triste sous-titré en anglais, Pedro Rivero

 Après un désastre nucléaire, le monde idyllique d’une société de jolies petites créatures animales anthropomorphisées devient un désert idéologique. Il en revient au freak de service, Birdboy, de donner du sens à la vie d’une souris pour laquelle il en pince un peu. Magnifique film d’animation se situant entre Tarkovsky et Tim Burton, autant au niveau du style que du propos, BIRDBOY est…dévastateur.


PLAY DEAD

USA 2011 | 18 min, En anglais et…jappements quoi!, Andres Meza-Valdes, Diego Meza-Valde  

Deux court-métrages de morts-vivants cette année, deux excellentes idées: montrer une attaque du point de vue du zombie et selon celle de… chiens domestiques. Là où la réalisation de DEVOURMENT ne faisait pas le poids, celle de PLAY DEAD est un triomphe.  L’idée est traitée généreusement à une multitude de niveau. Les zombies sont terrifiants et l’attaque est brutale. Or, nous ne sommes pas directement concernés par la menace; c’est la survie des chiens qui nous intéresse. Qui n’a jamais voulu savoir ce qui allait advenir à nos compagnons dans cette situation? N’allez surtout pas croire que leur survie est chose facile: trouver à manger, traîner partout son maitre récemment contaminé qui ne lâche pas la laisse, enjamber des corps, tenter d’oublier sa maitresse. La cruauté des humains survivants est aussi un facteur à considérer. Je rêve déjà d’une probable extension en long-métrage pour PLAY DEAD; le DVD de ce film pourrait trôner fièrement dans votre collection entre HOMEWARD BOUND et SHAUN OF THE DEAD. Coup de cœur total. Vous aurez même droit à de désopilantes fiches explicatives pour chacun des personnages canins.

 ANIMAL CONTROL

Canada 2010 | 16 min, en anglais muet, Kire Paputts
Je vais devoir paraphraser l’introduction en salle de Mitch Davis pour ce court; c’est simplement un des meilleurs films que j’ai vu à Fantasia cette année, toutes catégories confondues. La performance de notre Nosferatu national Julian Richings, muet et froid comme la mort, est toute empreinte de subtilité et de tristesse. Employé cadavérique d’un centre de contrôle animalier, taxidermiste à ses heures, notre protagoniste se lie d’affection pour un chien malade. Tout est maîtrisé dans ce court; le rythme, la profondeur du propos, le choix des couleurs, les silences. Kire Paputts est une réalisateur qui va s’imposer, c’est une évidence. C’est à en pleurer.-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011: Critique de COLD FISH: Arnaques, barbaque et compagnie

Sion Sono. L’autre enfant terrible nippon du Festival. C’est à croire que les gens ne se sont jamais remis de son Suicide club.  Après la consécration nécessaire de  Strange Circus et le choc de Love Exposure l’an passé, son film fleuve de 237 minutes, on aurait pu croire que les gens seraient du rendez vous pour voir la prochaine expérimentation du poète. Ce serait oublier la bande annonce outrageusement mensongère qui aura attiré un public nullement outillé pour supporter ce qu’il allait voir.
 Difficile donc de dire si Sono est l’enfant chéri des cinéphages ou s’il est simplement attendu par des hordes de macaques venues pour lancer les fientes de leur commentaires ineptes dans toutes les directions, surexcitées par un autre de ces « films japonais étranges et déviants ». Dans la salle où je me trouvais, les deux groupes semblaient à part égale. Le pire mélange possible (ou le meilleur). Fantasia, c’est aussi l’atavisme de la foule qui hurle pour un bout de sein et un meurtre. Ça peut aller. Parfois, ça fait même partie du plaisir. Pendant Cold Fish cependant, les réactions du public étaient plus que consternantes. Elles étaient aussi morbides et fascinantes qu’un prêtre à la garderie. Elles doublaient d’une ironie bien involontaire les propos du film de Sono.  Un peu comme un condamné à mort qui hurle de rire parce que le gars pendu avant lui a chié dans sa culotte…et qui ne se rend pas compte que la merde va lui tomber dans les yeux. Ce qui fera rire l’autre groupe, bien entendu.
 Cold fish n’est pas une comédie. Le terme comédie noire ne lui convient même plus. C’est une toute autre créature. C’est une tragicomédie grand guignolesque, deux genres que Sono possède à merveille. C’est aussi une atomisation systématique des valeurs japonaises, une volonté d’exposer au grand jour l’horreur sousjacente de ses hypocrisies. Un autre thème qui est cher à Sono. C’est aussi une histoire « vraie », comme la plupart de ses films.
On y raconte l’histoire de Shamoto, propriétaire effacé d’une modeste boutique de poissons tropicaux. Il a une fille rebelle énervante et une femme-trophée à la voluptueuse poitrine. Le détail est de taille quand on sait qu’elle est interprétée par Megumi Kagurazaka, une célèbre « gravure  idol ».

 Les « gravures idols », ce sont ces mannequins aux gros seins qui font fureur au Japon et qui perpétue l’idéal local de l’ingénue soumise mais vicieuse. Le symbole qu’elle représente dans le film est important et n’est pas simplement un argument commercial.  Elle est la femme-objet et la victime par excellence.
Notre famille  sans histoire croise le chemin de Murata. Ce dernier possède tout ce que Shamoto ne pourra jamais espérer avoir: du charisme à revendre, une boutique parfaite, des jeunes employées sexys et obséquieuses et une femme libidineuse. Sans qu’il puisse y redire quoi que ce soit, en l’espace de quelques jours, la famille de Shamoto sera totalement absorbée par celle de Murata.

 L’appât est lancé, pour les personnages comme pour le spectateur. Il ne sera pas question ici de poissons tropicaux, mais de pièges tendus à des hommes. Des arnaques dignes de David Mamet, des humiliations et des tortures morales qui n’auraient pas déplues à Pasolini et une peinture poétique de l’horreur qui vaut les meilleurs Greenaway (le personnage de Murata rappelle un lointain cousin d’Albert Spica dans The cook…bruyant, imposant et impitoyable.

Murata et sa femme sont des experts du vices. Des virtuoses du crime. Il n’y pas de limites à leur inventivité et vous en verrez les moindres affres. Cold fish est un plat qui se mange froid: on y consomme en mastiquant lentement la concupiscence, la manipulation et l’indifférence. Le spectateur et les personnages sont exhortés en presque 2 heures et demi à devenir les complices de Murata. Et vous le serai jusqu’au bout…
Pendant Cold Fish, on souri avec du sang entre les dents, comme Blue Velvet pouvait faire sourire. Sono est un grand esthète de la cruauté et un encore plus redoutable satiriste. Plus que jamais, il est clair que la provocation rejoint chez lui la poésie. 
Dans l’aquarium expérimental de son dernier film, il y a beaucoup de bile et de fiel. Vous cognerez sur la vitre pendant que les poissons crèvent doucement, pour votre plus grand plaisir. 
Ou alors, vous allez rire et hurler pendant toutes les scènes de viols, de meurtres et de cul. C’est un mécanisme d’auto-préservation tout à fait commun que les singes ont devant la mort. 

Hé…

Tant que vous ne le faites pas dans la vie, c’est ça qui compte non?

http://www.youtube.com/watch?v=HmQPIBNPFBE
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011: Critique de NIGHT FISHING de Chan-wook Park : La mince ligne noire

 
Allons à la pêche aux syllogismes ensemble vous le voulez bien? Je lance une longue introduction pour saisir un petit film qui en vaut la peine.
Si vous êtes des réguliers à Fantasia, Il y a des fortes chances que vous soyez des amateurs de cinéma asiatique (duuuh!)
Si c’est le cas,  vous aurez assurément remarqué dans vos pérégrinations cinématographiques  que l’Orient entretient un rapport avec l’eau qui n’a absolument rien à voir avec les occidentaux, les coréens et les japonais, en particuliers. Les bienfaits de l’animisme, vous voyez? Depuis Kurosawa qui mélangea de l’encre aux gouttes de pluie de sa tempête dans Rashomon, l’eau est devenue noire et lourde, oppressante. Elle a beau être une nourricière, elle est également une inquiétante présence qui s’infiltre partout. Il n’est pas seulement question de désastre naturel. L’eau est le voile d’un autre monde; elle transporte les souffrances et les retient. Les films d’horreur japonais, avec leurs esprits enfants noyés. Les coréens, avec leurs quais qui surplombent l’abysse, leurs scènes de baptême sacrificiel et de suicide à l’hameçon.  
Si l’eau est à la fois nourricière et traversée de la souffrance des hommes, on conviendra que l’activité toute simple de la pêche prend forcément une charge symbolique considérable. 
À Fantasia cette année: Underwater Love, son usine de poisson et son diablotin de l’eau. Vampire de Shunji Iwai, avec ses scènes de pêche et de gens qui veulent se suicider dans le fleuve. Cold Fish et ses poissons tropicaux. 13 assassins et ses métaphores de pèches appliquées au combat. Pour ne nommer que ceux là…Je ne vous dis pas l’idée de génie de la part des programmeurs du festival de passer Night Fishing avant Cold fish de Sion Sono.
Night fishing de Chan-wook Park est le point culminant de toutes ces thématiques. Tout le monde va à la pêche, le réalisateur également.

 Pour la forme, c’est une histoire de 30 minutes filmée avec un I-Phone, un outillage léger pour  une séance rapide.
Pour le fond, c’est une  tragédie en trois actes: 

Au cœur d’une route qui nous mènera vers l’histoire, un groupe de musiciens interprète une chanson (absolument inoubliable; vous pouvez l’écouter ici en bas de page). Mélangeant les sonorités modernes et ancestrales, habillés de costumes trois pièces et d’un chapeau traditionnel, ils sont le chœur de la tragédie, les avatars des Destinées, les échos du passé.  Ils nous parlent d’un pêcheur solitaire…

 Notre pêcheur se fait une séance nocturne. Il attrape quelque chose d’imprévu; le corps d’une femme. Dans son agitation, il se prendra dans les nombreux fils de ses lignes et le corps de la défunte se retrouvera blotti contre lui. Cette funeste étreinte redonne vie à la femme . Cette femme, il ne l’a pas pêché dans l’eau mais dans le monde des morts. Elle sait par ailleurs  beaucoup de chose sur lui. 
Acte final: le spectateur sera invité à visiter l’autre monde.


Night fishing aurait pu devenir rapidement une simple expérimentation  stylistique, un caprice d’auteur sans intérêt. Loin de ça.  C’est l’urgence de raconter une histoire qui prévaut ici.   L’utilisation du I-Phone et de ses moyens techniques limités n’est pas une contrainte mais un outil de circonstance dans les mains du conteur. Ce n’est pas qu’une leçon de cinéma que nous fournie Chan-wook Park, c’est littéralement  une invitation à la création.
Les explorations thématiques du cinéastes sont toutes là: la mort, la perte de repère, l’humour morbide et les excès mélodramatiques déchirants dont les coréens semblent avoir  le secret. Au niveau stylistique, son talent pour la confection de tableaux demeure intact. Après le baptême sacrificiel de Sympathy for Mister Vengeance et le martelage homérique de couloir dans Old boy, Night Fishing nous offre quelques plans tout aussi iconiques (la première photo de ce billet en haut est un bon exemple).

Je me permet aussi une conclusion  péremptoire. Nigh fishing est une synthèse des nombreuses obsessions qui traversent la cinématographie coréenne depuis la dernière décennie ( Ki-duk Kim au grand complet). La pêche n’y est pas qu’un symbole récurent, c’est une méthode.
J’aime le concept: les cinéastes coréens qui sont des pêcheurs de l’idée. Au final, si Chan-wook Park s’est permis une légère et courte séance avec un matériel léger, ça ne change rien aux profondeurs  où il est parvenu à lancer sa ligne…et ce qu’il est parvenu à en extirper.

 

-Francis Ouellette

Fantasia 2011: Critique de THE WOMAN: le Mal est une affaire d’homme

The Woman arrivait hier à Fantasia précédé d’une sacrée réputation. On dit qu’il est le grand retour de Lucky McKee à l’horreur, que c’est le film que les gens attendaient de lui depuis le culte instantané (et bien mérité) de May. Un réalisateur avec trois films à son actif, dont un segment inattendu (mais un des meilleurs) dans la série Masters of horror. Bonjour la pression: Mckee a connu des déboires impossibles sur The Woods et fut viré du tournage de Red, tiré du roman de Jack Ketchum, après quelques semaines. The Woman est une seconde adaptation de Ketchum pour McKee, en collaboration étroite avec l’auteur en tant que scénariste. C’est aussi  le projet qu’il a pu enfin mener jusqu’au bout.
 Depuis le début de ses tours de piste dans les festivals, les polémiques semblent suivre The Woman partout: misogyne, apologie du viol, violence outrancière… À Sundance, des gens outrés par le film quittaient la salle. On peut d’ailleurs trouver des pléthores de vidéos sur Youtube où des gens expriment avec véhémence leur inconfort à ce sujet.Un exemple…
Devant ce déferlement de réactions dithyrambiques, les attentes ne pouvaient que grimper. Le public de Fantasia est particulièrement friand de sensation fortes et n’a rien à voir avec celui de Sundance. The woman était-il à la hauteur de ses attentes? 
 Pour ma part, The woman restera l’expérience la plus viscérale de l’édition Fantasia 2011. Il n’est absolument pas le film le plus violent, le plus maitrisé ou le plus excessif du festival; il est gavé d’un musique irritante que Mckee utilise à des fins d’ironie dramatique maladroites et le jeu des comédiens va de l’exceptionnel au consternant de nullité (l’enseignante en géométrie fait pitié à voir) Mais pour le moins que le spectateur accepte l’offrande sensorielle sans la filtrer, il la vivra au fin fond de ses tripes (j’ai eu personnellement  quelques éprouvantes réminiscences de  Martyrs et Devil’s reject.)

 The woman est une cinquième adaptation d’un roman de Jack Ketchum.  Il est aussi la suite directe d’un autre roman, The Offspring, lui aussi adapté (pitoyablement) au cinéma par  Andrew van den Houten (producteur de cette suite).
The woman reprend où The Offspring se termine. C’est une suite sans en être une: pensez aux liens entre les deux films de Rob Zombie, House of thousand corpses et Devil’s reject et vous n’êtes pas loin. 
Ou alors à une version horriblement perverse de Nell .
On retrouve le personnage de La Femme, créature sauvage, dangereuse et blessée. Coup de génie: la Femme est Interprétée par la même comédienne, la sculpturale Pollyanna Mcintosh, seul point fort de The Offspring
La Femme croisera le chemin de Christopher Cleek, avocat et père de famille, chasseur et éleveur de chiens . Pour protéger son clan, il capturera la femme, le séquestrera avec la ferme intention de la civiliser de force. Elle sera désormais leur animal de compagnie; il faudra la nettoyer et la nourrir. En bon patriarche autoritaire, il organisera une série de tâches bien précises  pour toute la famille. Leur vie avec le Femme vient de commencer.

 Cette banale prémisse aurait pu basculer à tout moment dans la torture porn. Il n’en rien. Dans ses romans, Ketchum fait l’exploration du mal et de la cruauté ordinaire des hommes poussés à un certain paroxysme. En ce bas-monde, la question du mal n’a nul besoin d’être supportée par la métaphysique. Elle est une affaire d’homme, pur et simple.
Si la Femme est une créature hautement dangereuse, le clan Cleek, avec son patriarche convaincu de sa propre vertu, est une menace autrement plus insidieuse.
L’homme « civilisé » , flanqué de son clan, conditionne la femme sauvage. The women devient alors une méditation parfois drolatique sur le mal primitif et la déviance du civilisé, sur les femmes victimes et les hommes abusifs.
Les face à faces entre La femme et le Père constituent la moelle épinière  du film. Pollyana Macintosh est glorieuse dans le rôle de La Femme; elle râle, crache, hurle, halète comme une ménagerie. Son regard fauve et chargé d’appétit est saisissant. Sean Bridgers (le tête à claque Johny Burns dans Deadwood, on l’a vu aussi dans…Nell!), qui peut passer de l’affabilité à l’autorité entre deux lignes, est tour à tour drôle et terrifiant. Il donne des ordres sans vociférer et  parle comme si ses propos et ses actions tenaient de la logique la plus élémentaire. Angela Bettis, l’actrice fétiche de McKee, semble sur le point de se casser comme une poupée de verre à chaque parole de son mari. Elle campe son évidente névrose avec le talent qu’on lui connait.
The Woman fait aussi souvent mouche avec des moments d’absurdité et d’humour que l’on doit au départ à Ketchum: Le fils psychopathe fasciné par le basketball, le petite fille adorable épargnée par l’horreur de sa famille, le mélange de compassion et de cruauté que prodiguent les Cleek à la Femme. Même les scènes les plus violentes oscillent constamment entre le grand- guignolesque et le réalisme cru.

Mckee ne fait pas que rendre justice au thèmes et aux dialogues de Ketchum. Il se les approprie. Si on exclue l’omniprésence irritante des chansons pops, c’est d’abord au niveau du travail sonore qu’il surprend. Des aboiements constants, les grincements du système de poulies retenant la Femme attachée, des borborygmes, des sons de déglutitions, des bourdonnements, des sifflements stridents.
Le montage aussi, qui se permet souvent des sursauts, des hoquets, des ellipses improbables. Le spectateur est conservé dans un état de tension constante. McKee vise la chair: il veut se glisser en dessous de votre peau et pince vos nerfs.


C’est assurément pour cette raison que le film suscite une telle réaction chez certain spectateurs. Ils ont  l’impression de se sentir abusée, manipulés . Personne n’est fondamentalement bon dans The Woman et si c’est le cas, ils seront invariablement des victimes. Ce ne sera pas la première fois que des propos de ce genre fait grincer des dents des humanistes, irrités de se faire donner la leçon sur l’indicible cruauté des hommes


En ce sens, McKee devrait être fier. Rien comme une controverse pour mousser la popularité d’un film. Oui, son film est intense. Oui, il est parfois troublant. Mais il ne joue pas dans le registre de la simple provocation. N’exagérons rien. The Woman est tout simplement une fable sur le bourreau et la victime… et dans toutes bonnes fables, les leçons sont administrées avec le double tranchant de l’humour et de l’ horreur.

Je ne sais pas s’il est juste de dire que McKee est de retour. Disons qu’après The Woman, on espère qu’il est là pour rester.


-FRANCIS OUELLETTE



-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011: critique de STAKE LAND. On THE ROAD again (I just can’t wait to go back on THE ROAD again)

Au festival Fantasia en 2007, ma grande découverte avait été le film d’horreur au micro- budget Mulberry street. D’une efficacité désarmante, le réalisateur Jim Mickle et son scénariste Nick Damici (aussi comédien principal dans le film) avaient intégré un principe fondamental de l’horreur, trop souvent laissé de côté: plus les personnages seront riches et attachants, plus les mécanismes de la peur fonctionneront. Mulberry Street nous montrait les locataires d’un immeuble délabré résister à une attaque de créatures, tout simplement. Une attention particulière était attribuée aux interactions entre personnages et à l’immeuble: le boxeur patibulaire, le travesti au grand coeur, les vieux grincheux. Les créatures étaient des espèces de rats-garous mais au final, elles auraient pu être des zombies ou des vampires et ça n’aurait strictement rien changé à la qualité du film.
J’ai attendu patiemment le retour de Damici et Mickle. Depuis 2006, date de sortie de leur premier, deux événements de taille se sont produit. Le prix Pulitzer pour The Road, le chef-d’oeuvre crépusculaire de Cormac McCarthy  et le succès grandissant de la série de comics The Walking dead
Le genre du survival apocalyptique devra rendre des comptes à ses deux là pour longtemps. Ils ont tout simplement porté aux nues les standards du sous-genre. Allez savoir si Mickle et Damici étaient conscients de la chose ou s’ils ont simplement saisi l’air du temps. Reste que leur deuxième film est une contribution de taille. 
Une invasion de vampire a ravagé le monde. Des poignées de survivants errent ici et là, à la recherche de communautés bordant les routes. Mister, tueur de vampire hors de pair, prend sous son aile un jeune homme qui a perdu sa famille dans une attaque. Il lui apprendra comment survivre, stoïquement mais surement. Or, les vampires sont loin d’être la seule menace: une groupe de fanatiques religieux  pro-vampire, convaincus d’être les agents du Jugement dernier, sont beaucoup plus dangereux. Des rumeurs de cannibales, également…
Stake land pourrait être la suite directe de Mulberry Street. Après tout, les vampires n’ont rien à voir avec les suceurs de sang éthérés de la dernière décennie. Comme les « hommes rats » de leur premier film, ce sont des bêtes sauvages sans aucune intelligence, purement et simplement. Dans le rôle de Mister, Nick Damici pourrait même être le même personnage qu’il jouait dans le premier film. En outre, Stake land fonctionne exactement comme une version élargie de Mulberry Street oû on verrait les effets à long terme de l’invasion sur le reste du monde. 
 
Au demeurant, bien qu’ils soient assez effrayants dans leur sauvagerie, les vampires sont ici accessoires. Comme dans les meilleurs films du genre, l’homme reste un loup pour l’homme est c’est à ce niveau que Stake land excelle le plus. Il trouve également au le moyen de commenter le fanatisme religieux. L’omniprésence des iconographies chrétiennes prend des allures inquiétantes de fétiches.
Le tout est également imprégné d’une sensibilité très deep south; le blues, le country, la poussière, la route, les villages de survivants presque western. Les vampires sont plus sauvages que ceux de Near Dark et n’ont rien à voir avec ceux de True Blood. Même la narration du jeune homme, très Malickienne par moment, renchérit ce mood.
Impossible forcément de ne pas penser à The Road. La saleté, la faim, la nostalgie la relation entre la figure paternelle et le fils. La cruauté des hommes aussi. Stake land est The Road avec de l’action. Impossible également de savoir si Mickle a voulu consciemment utiliser cette approche. Reste qu’elle fonctionne à plein régime. Quelques notes mélancoliques de pianos et de violons donnent à l’ensemble le bon ton mélodramatique.
Comme Walking dead, les relations entre les personnages et leurs déplacements sont le vrai moteur de l’histoire. Nous ne sommes pas simplement dans survival de la route. On ne lésine pas sur les scènes de suspense et de confrontations pour autant.
Ces références empruntées n’empêchent pas Stake land d’avoir ses propres petites trouvailles. Dans ce monde, il n’y a pas de monnaie plus valable que des canines de vampire. Elles prouvent sans équivoque la valeur du survivant. Il faut aussi être inventif et aguerri pour dégommer du vampire: courvrir ses vitres d’automobile avec des clôtures grillagées et savoir mener du pieu à deux. En tueur de vampire émérite, Damici est magnifique et possède un je ne sais quoi du jeu fauve d’Harvey Keitel.

Dans tous les cas, Stake land confirme le talent et la débrouillardise du duo Mickle-Damici. Le cinéma d’horreur indépendant n’a pas dit son dernier mot, quitte à se répéter avec classe.

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011: critique de UNDERWATER LOVE. Les clapotis du désir font une bien jolie musique

Vous savez ce qui manquait au Fabuleux destin d’Amélie Poulain? Il lui manquait un homme tortue qui se fait bouffer sa grosse bitte verte. Rien que ça. Si Jeunet avait compris ça, son film aurait sauvé le monde du suicide, de l’ennui et de l’impuissance.
UNDERWATER LOVE est un petit fruit rose gorgé de sucre et modifié génétiquement. Avec du petit jus qui pète dans ta yeule. Il fait aussi couler le petit jus dans tes culottes et ça fait sourire. Tee hee!

L’histoire: Asuka travaille dans une poissonnerie de campagne et se prépare à épouser son patron.  Elle est heureuse , si ce n’est que son futur époux est un dégoutant éjaculateur précoce. Elle est souriante et aime danser. 
Jusqu’au jour oû elle rencontre un kappa, ces yokais (créature des bois du folklore nippon) mi homme mi tortue. Et pas n’importe lequel: ce kappa est la réincarnation d’un amour de jeunesse perdu dans une noyade, Aoki (joué par un acteur dans un costume cheap)
À propos des Kappas: d’ordre général, les Kappas sont un peu libidineux, ils aiment reluquer les femmes et parfois même les violer. Ils peuvent être amicaux mais certains entrainent les gens dans la noyade. Ils raffolent des concombres, aiment le sumo, ils sentent le poisson et leur tête surmontée d’une cavité doit toujours être remplie d’eau sinon, ils s’immobilisent.
 Ils sont aussi très polis: pour se débarrasser d’un kappa, il suffit de le saluer en se penchant. L’eau de son crane se videra. Ils aiment parfois manger le shirikodama des gens, une boule de chair qu’on peut extraire de l’anus, c’est bien connu. Vous en verrez une dans le film, c’est promis.

Mais Aoki est un kappa amoureux. Il est sans malice, n’a rien à foutre des perles anales, il aime manger des concombres et se faire sucer la bitte (qui ressemble d’ailleurs à un gros pickle), par la jolie pècheuse potelée du coin. Mais dans son coeur de tortue puante, ce qu’il veut par dessus tout, c’est aimer Aoki.

Underwater love est un film kappa, un hybride, à cheval entre deux mondes. C’est un pinku eiga (film folichon) expérimental doublé d’une comédie musicale…avec une trame sonore de Stéréo total en japonais et la photographie toujours sublime de Christopher Doyle. Filmé en 5 jours en une seule prise avec des chorégraphies improvisées et deux scènes de cul assez mémorables, c’est le film qu’il faut voir avec son conjoint pour lui faire comprendre que l’amour n’a pas plus de frontières que les orifices.
 Pendant le visionnement, une jolie geekette complètement gelée derrière moi disait continuellement « kappa kappa » pendant les scènes de cul. Je vous jure. 
Sur IMDB, les mots clés concernant le film sont Large penis, kinky sex, sodomy, animal penis, cucumber et, comme si ce n’était pas suffisant, see more. Quel film peut s’enorgueillir d’avoir tout ces libellés? Certainement pas Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Je payerais cher pour regarder Audrey Tautou se rentrer un shirikodama dans le cul
-FRANCIS OUELLETTE

 

Festival Fantasia 2011: TRUE LEGEND et 13 ASSASSINS: Le Wuxia pian du vieux maître VS le Chambara de l’enfant maudit

Une légende chinoise aux épanchement mélodramatiques revue et corrigée à grands coups de poing par Yuen Woo-ping.  Le crépuscule des samouraïs revu et corrigé par Miike qui nous fait enfin un authentique chambara.  Le 7ème les a vu l’un après l’autre. La juxtaposition était appropriée et étourdissante: si les films sont drastiquement différents dans leur approche, leur dessein est sensiblement le même: montrer comment la légende est le vecteur des changements de l’histoire .
Les héros sont tragiques. Le méchants sont d’une cruauté inouïe. Les femmes sont laissés derrière. Les combats sont d’une violence démesurée mais ils sont aussi traversés de poésie.  La même recette, deux sauces: de l’aigre-douce dans ton coeur  VS du Wasabi dans ton âme.
Vous êtes familiers avec Yuen Woo-ping? Même si c’est le cas, faisons un petit exercice vous voulez bien? Sans être exhaustif, considérons l’importance de ce que l’homme a donné au cinéma depuis quelques décennies. 
Pour une poignée d’occidentaux férus de films de kung-fu, Yuen Woo-Ping est celui à qui l’on doit la véritable introduction des arts martiaux chinois dans la cinématographie américaine. La découverte de Jet Li, de Jackie Chan, du Kung-fu drunken Style, les chorégraphies des Matrix et des Kill Bill; le vieux maitre a exalté plus que quiconque les canons d’une mythologie typiquement chinoise, pour le grand bonheur des néophytes et des exégètes. Avec le succès planétaire de Crouching Tiger, Hidden Dragon , il a également contribué à la  prolifération subséquente des Wuxia pians, les films de capes et d’épée chinois où les combats sont des ballets aériens. Même Kung-fu Panda 2 est truffé de référence directes à ses films et son style de chorégraphies (ne riez pas: Kung-fu Panda 2 est un hommage vibrant et hautement intelligent à Sammo Hung et aux premières réalisations de Woo-Ping, The magnificent butcher en particulier). 
Même les cinéphiles les plus curieux ont souvent commencé avec ses films pour ensuite se familiariser à rebours avec les grands classiques de la Shaw Brothers , allant de Liu Chia Liang à Chang Cheh pour ensuite découvrir le souverain du genre, King Hu. Avant lui, les occidentaux en général ne pouvaient à peine faire la différence entre le karaté et le kung-fu, Shaolin et le Mont Wu tang et la Chine était régulièrement envahis par des ninjas. Allez voir le dvd français de Legend of the drunken master avec Jackie Chan juste pour rire: on a traduit drunken Style pour « le Karaté saoul »! 

Pour tous ses accomplissements, il manquait à Yuen Woo-Ping son film-somme, un long métrage poussant au paroxysme toutes ses obsession stylistiques, thématiques et même spirituelles. True legend est précisément ça. Il remonte aux sources des mythes fondateurs sans aucun soucis de crédibilité ou de cohésion narratives. Les scènes de combats parlent d’elles mêmes. Elles sont nombreuses, bruyantes, improbables et elles cognent dure, très dure.  Ce sont des surhommes qui se battent ici, des super héros chinois capables de défier les lois de la physique et de faire du breakdance de combat.
Le film nous raconte l’histoire de Beggar So, héros de guerre tragique qui sera happé par la folie et le démon de la bouteille. Créateur du drunken fist, cette forme de combat où les mouvements émulent l’état d’ébriété, on verra ce personnage au cinéma des dizaines de fois, particulièrement dans des comédies.  Le véritable  créateur du drunken fist, bien qu’il soit une forme de combat existante, est nul autre que Woo-Ping. Il est directement responsable des plus belles séquences de combat en état d’ébriété. True legend nous fourni enfin l’origine « complète » de ce touchant personnage, joué à plusieurs reprises par le maitre lui même. 

Dès les premières minutes du film, on se croirait dans une adaptation de bédé américaine. Le film fonctionne est sensiblement une version asiatique de Thor: Beggar Su semble provenir d’un Valhalla chinois traversé de combat exagérément épique et à la limite du surnaturel, où il est le fils favoris. Dans ce rôle ,Man Cheuk Chiu donne la meilleur performance de sa carrière depuis The Blade.

Dans True Legend, les hommes côtoient les dieux pour apprendre les secrets du combat. Le légendaire Gordon Liu reprend le rôle classique du vieux sage aux longs sourcils Pai mei et Jay Chou, le Kato de Green Hornet, est le dieu du WuShu.  Le frère de Beggar su est le perfide Yuan Li, sorte de  nécromancien possédant les secrets des styles de combat « venimeux ». Superbe vilain gavé jusqu’à la moelle de clichés, il porte des costumes mauves (comme tous bon vilains de comic-book), il a la peau livide et elle est greffée d’une armure.

Les geeks  lui trouveront quelques ressemblances avec un des grands vilains  du comic-book, Master Darque, le nécromancien qui sévissait jadis dans les pages de la compagnie Valiant. 

Yuan Li est ostensiblement le Loki de cet univers: jaloux de son frère et cherchant à se venger de son père adoptif, l’assassin de son vrai père. Dans sa folie meurtrière, il possède quand même un sens tordu de la filiation, comme les meilleurs méchants du genre. Les ressemblances entre Thor et True Legend ne s’arrêtent pas là. Les deux films oscillent entre la fantaisie de comic book et la tragédie Shakespearienne: le jeu ampoulé des acteurs et leur prononciation modulée du mandarin s’en chargent. Les mythes scandinaves et chinois font assez bon ménage. Le film finlandais Jade Warrior présenté à Fantasia voilà trois ans avait tenté un mariage de fortune en transposant le mythe de la Kalevala dans un wuxia pian classique…et ça fonctionnait.

True legend est un fantasme mythologique pure, entre la tragédie et le mélodrame. Il n’est aucunement question de conférer quelconque crédibilité à l’histoire. Le canevas est vieux comme le monde: trahison du frère usurpant le pouvoir, exil et déchéance du héros, les scènes obligatoires d’entrainement et de découverte spirituelle de même que la vengeance finale. 

Mais ça ne s’arrête pas là.
Faisant preuve d’une audace peu commune dans le genre, Yuen Woo-ping ne nous permet pas de déterminer si l’histoire se passe à une multitude de niveaux dans la psyché d’alcoolique du personnage (il faut voir ses combats avec le dieu du Wushu sur les flancs d’une statue!) ou s’il est tombé d’un monde parallèle (à la manière de Thor, justement). Un inexplicable jump-cut de plusieurs décennies ajoute à la confusion, pour notre plus grand plaisir. Cepedant indice demeure: le plus grand combat que mène Beggar Su est contre lui même. Les art martiaux, plus que jamais chez le vieux maitre,  sont des danses illustrant le combat intérieur.
TRUE LEGEND est parfois larmoyant, déchirant et particulièrement loquace dans la démonstration des prouesses physiques …et c’est parfait ainsi. Tout est dit dans l’oxymore du titre . 

 

13 assassins maintenant.

Enfin.

Enfin, un véritable chambara pour Takashi Miike. Un Miike tout en retenu (!)  qui ne  perd rien de la cruauté et l’humour qui font sa signature.
Enfin. Un chambara qui se permet d’être presque chinois dans son verbiage martial. 
Enfin, un film de guerre asiatique qui m’a autant satisfait dans sa sauvagerie que Bang Rajan
Enfin, le jidaigeki que les maniaques attendaient depuis des lustres. 

Qu’on se le disent. Dans la démonstration des arts martiaux, les Japonais n’ont rien à voir avec les Chinois. Économie de moyens, mouvements brefs et parfaits, tension à couper au Ginsu. Le samouraï est au haïku ce que le guerrier chinois est à la poésie épique. C’est le propre d’un vrai chambara: les combats ne sont jamais au centre de l’histoire. Ils sont d’incisives ponctuations. Admettons le: vous attendiez un film de samouraï où les combats ont une place prépondérante depuis longtemps non?

Jouons avec les chiffre: Il a beau être un remake du film Eiichi Kudo de 63 portant le même titre,  13 assassins est le versant sombre de 7 samourais et le frère d’arme de 47 ronins, auxquels il fait par ailleurs souvent référence. Même les chiffres des titres se miroitent; le lucky seven et les héros humanistes de Kurosawa en opposition au  13 de malheur des kamikazes assoiffés de justice de Miike. 13 assassins offre une variante du grand classique de Kurosawa en capitalisant volontiers sur des scènes de combat à l’énergie bien contemporaine. Il en devient en quelque sorte l’inversion. Mais il est aussi une relecture de 300 à la manière nipponne. Faites le calcul: 47 X 7 -13= presque 300. ha HA! 

N’ayez crainte: ça fonctionne à merveille. Miike s’était déjà prêté à l’exercice, (de manière beaucoup plus expérimentale), en faisant IZO, une suite informelle et Jodorowskienne du classique d’Hideo Gosha TENSHU (cliquer ici pour écouter notre émission sur à ce sujet)
 Si 7 samourais se passait à l’apogée d’une période de guerre, 13 assassins se déroule à la toute fin de leur règne, en temps de paix. Les 7 samouraïs protègent un village d’une attaque de brigands. Les 13 assassins doivent débarrasser le japon de son plus dangereux tyran.
Dans le rôle du leader du groupe, Koji Yakusho, en voie de devenir le comédien japonais le plus important de sa génération, continue de devenir l’héritier spirituel de Takashi Shimura (faut le voir lui rendre hommage dans le magnifique Dora heita). S’il est le même personnage, il est cependant une sombre inquiétante de Shimada, satisfait de pouvoir enfin mourir au combat. 

 La réponse à Kyuzo, le bretteur virtuose au visage stoïque est Hirayama Kujūro. Deux personnages inoubliables interprétés par deux comédiens (et escrimeur) de grand talent, tout en finesse, en élégance et en furie guerrière.

Dans le rôle du rônin joueur et désabusé, le surprenant Takayuki yamada (qui jouait les trois personnages principaux de Milocrorze: a love story) devient la conscience du groupe. 
On a aussi droit au jeune guerrier voulant se tester au combat, au samouraï bedonnant et jovial et à l’assistant général qui reprend du service. 
Il fallait forcément que le personnage de Kikuchiyo, le fermier courageux et opiniâtre avec une très grosse épée (et comedy relief),  campé avec brio par Toshiro Mifune, ait un remplacement à sa mesure.

C’est chose faite avec Kiha Koyata, interprété par Yūsuke Iseya.

Personnage typiquement Miikéen, Kiha est à la fois un comedy relief et le personnage insaisissable. Hommage évident à l’animalité de Mifune dans le film de Kurosawa, Kiha n’est pas un samouraï; c’est un homme des bois, un chasseur habile qui a lui aussi un tempérament opiniâtre et une…très grosse épée.  Il y a fort à parier que Kiha ne soit pas un être humain: pour ma part, je me plais à croire qu’il est un Tanuki, un esprit animal de la forêt qui a pris forme humaine (les ratons laveurs avec des grosses bittes dans le Pompoko de Miyazaki, pour les non-initiés)
Miike est passé maitre dans l’art d’inventer des personnages qui sont des experts de la cruauté. Il a probablement inventé son plus beau monstre en la personne du sadique souverain Matsudaira Naritsugu . Un enfant de pute comme on en fait plus. Si le vilain de True Legend est admirablement suranné, celui de 13 assassins à des psychopathologies Ô combien modernes.

Déviant et obsédé par la mort, le souverain n’a pas son pareil pour infliger la souffrance. Il est sans aucune morale, complètement insensible et il est au centre des scènes les plus Miikéennes du film (une d’elle est particulièrement éprouvante et inoubliable).  Vous allez vraiment vouloir voir le salopard souffrir.

Presque parfait dans son exécution, 13 assassins culmine sur une scène de combat final exemplaire en tout point. Longue de presque 30 minutes, elle aurait fait bander Sun Tzu comme un cheval. Dans un village transformé en machine de guerre, nos treize assassins deviennent des vikings doublés des salopards de Western spaghettis. C’est la fin de Sword of doom d’Okamoto multiplié par 20.
Miike continue de prouver qu’il est une magnifique tache de sang et de  merde en forme de papillon sur la face du soleil levant. Il nous enfin donné le chambara qu’on attendait de lui.

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 14: Éloge d’UN GÉNIE, DEUX ASSOCIÉS, UNE CLOCHE-une arlequinade en guise d’oraison

Le western-spaghetti savait qu’il allait mourir. Il s’y préparait déjà depuis quelque temps. Pistolet rayé en main, de plus en plus recouvert de poussière, il est allé crever dans des décors de plus en plus en plus délabrés, évocation de l’agonie du genre. Dans Keoma de Castellari, c’est dans les magnifiques yeux bleus de Franco Nero qu’on pouvait percevoir la mélancolie de l’inévitable décès. Un dernier magnifique râle.
Juste avant l’ultime souffle, un autre regard bleu, rieur celui là, avait décidé de s’en moquer. Mario Girotti. Terrence Hill. Son nom était Personne. À l’époque, il semblait étrange que le maestro Sergio Leone prête sa voix tonitruante à la comédie Mon nom est Personne. Aujourd’hui, on sait que c’était assurément le champ du cygne dont le genre avait besoin. 
Dans ce film, Personne est l’incarnation même du Western-spag, donnant un second souffle au western classique, incarné par Henry Fonda. Il  sait cependant que sa fin à lui aussi est proche. Il s’appelle Personne parce qu’il  est un bâtard, un fils illégitime et abandonné. Personne ne pouvait sauver le western-spag, mais il pouvait tout au plus lui donner ses dernières lettres de noblesses et sa part de latin. Avec un grand sourire.
Quand le séminal Fistfull of dollars de Sergio Leone sorti en 1964, c’était évident pour tous qu’il était un transposition de fortune du Yojimbo de Kurosawa. Probablement pour cette raison, l’autre géniteur du genre fut laissé de coté assez rapidement. A fistfull of dollars, c’est aussi et surtout l’Arlequin, serviteur de deux maitres de Goldoni. L’ombre grimaçante de la Commedia d’ellarte était penchée depuis quelques temps sur le Western Spag. Plus que tout autre, c’est Terence Hill qui aura été son Arlequin; joueur de tour, acrobate ,arnaqueur, séducteur, faussement niais et au cœur de la lutte des classes.

C’était un privilège de voir Un génie, deux associés, une cloche dans les conditions offertes par Fantasia hier. 

Elles permettaient d’appréhender pleinement sa richesse. Traversé d’une quantité de teintes jaunâtres, parfois volontaires et parfois fruit de la patine du temps, la poussière semblait dorée et la lumière encore plus…ce qui renchérissait l’impression de voir une histoire provenant d’un monde mythique et fantasmé.

Terence Hill y reprend son archétype de Personne. Cette fois, il est Joe Merci, un peu comme Yojimbo deviendra Sanjuro. C’est le même personnage. Notez son nom, il est important: C’est un remerciement (au genre?) mais cette aussi le mot « mercy » (pitié). Joe n’est pas un tueur. C’est un Trickster, un joueur de tour.

Sa fonction d’Arlequin confère à Joe une conscience métatextuelle des codes du récit (Arlequin s’adresse souvent à la foule dans la comeddia dell’arte). Il porte le costume doré de circonstance (littéralement couvert d’or!) que doit porter tout bon Arlequin. Il va même jusqu’à dire à un vieil indien de quitter à gauche de l’écran parce qu’il représente le passé! Il n’a pas besoin de tirer de son pistolet et quand il le fait, les lois de la physique lui obéissent: Joe Merci a un compère et c’est le réalisateur. Merci connait tellement bien les mécanismes de son monde qu’il est capable d’élaborer les arnaques les plus complexes et de retourner  toutes les situations à son avantage. Après tout, il est l’incarnation d’un genre qui trotte vers ses derniers milles. Il en a vu d’autre et il sait qu’il ne peut pas perdre. Il n’a donc pas besoin de tuer. Il porte une  petite sonnerie à son cou pour se rappeler les différentes étapes à suivre de son plan étourdissant de complexité, huilé au quart de tour.
Attendez…il porte une sonnerie à son cou? C’est lui la cloche du titre?Mais qui donc est le génie et qui sont les deux associés? Est-il possible que nos héros occupent tour à tour chacune de ses fonctions? 

Si. 
Le titre est un indice. Ça les aminches, on appelle ça une ARLEQUINADE.

 Une arlequinade, c’est une trinité de personnages en interaction étroite avec deux antagonistes. Arlequin, Pierrot et Colombine forment la base. Pantalon et le Clown sont les menaces extérieures (rappelons que Terence Hill continuera à jouer plus tard dans des arlequinades et que son personnage  prendra le nom de…Trinity!).

-Arlequin=Terence Hill, Joe Merci
-Pierrot (le lunaire, le distrait, celui qui se fait exploiter par Arlequin)=  Robert Charlebois dans le rôle de Locomotive Bill
-Colombine,(naïve, pure et amoureuse des deux) = Miou miou dans le rôle de Lucie
-Pantalon (le fourbe, l’avare, la cruel, l’alcoolique)= Patrick Mcgoohan en Major Cabot
-Le clown=Piero Vida dans le rôle de Jacky Jolly Roll.

Il est absolument accessoire de comprendre qui manipule qui. Il ne sert à rien de résumer cette histoire. Il est question d’un trio qui veut arnaquer le Major Cabot de 300 000$ et c’est tout ce que vous avez besoin de savoir. C’est une Arlequinade (forcément méta fictionnelle par moment) qui sert à annoncer que le rideau de cette commedia d’ellarte que fut le western spag va bientôt être tiré à jamais. Les italiens vont fermer le grand Théâtre d’Almeria. Le temps de quelques coups de feu, le théâtre populaire et le cinéma de genre se sont rejoint.
 Tout le splastick du monde, tous les gags et les scènes d’actions ne pouvaient étouffer l’oraison joyeuse et assumée qu’est Un génie… beaucoup plus profond qu’il ne veut bien le laisser paraitre, à l’instar du personnage de Joe Merci (Merci pour la ride. Mercy for me!)
Je ne passerai pas sous silence la généreuse présence hier de notre héros national du rock à la fin du visionnement. Tour en tour la cloche, le génie et l’associé, surprenant de désinvolture, Charlebois campe son personnage de métis récalcitrant, locomotive Bill, avec une énergie de…well, de rock star. C’est aussi un plaisir d’entendre son doublage en français « normatif » s’écrouler en roulements de R, typique de notre joual galopant.  Leone lui aura d’ailleurs demander de se restreindre à ce niveau là; Charlebois sonnait bien trop comme un nègre (pas quelque chose qu’on entend à tous les jours hein?) Ironiquement, avec son teint exagérément rouge et ses cheveux frisés, il était probablement difficile pour les italiens de se figurer d’où il venait.
Émouvant moment où notre histoire rejoignait celle d’un genre ne nous appartenant pas. Charlebois ne fut pas laconique avec ses anecdotes.

On apprend que Damiani et Leone ne s’entendait pas particulièrement bien, Leone étant un anarchiste de droite et Damiani un un communiste obsédé par le thème de la lutte des classes. En tant que producteur, il réalisa quand même la scène d’ouverture, inspirée de ses propres films, comme s’il passait le témoin à Damiani au sein de son propre film. Étaient-ils  les deux associés du titre, à leur insu? Forcément, parce que le véritable  génie, c’est Ernesto Gastaldi, scénariste du film (et donc du titre). Morricone serait donc la cloche. On ne dira jamais assez à quel point le grand génie du western spag est autant Gastaldi que Leone. La métatextualité de cette Arlequinage est si vertigineuse qu’elle va jusqu’à la conception du film.

Nous apprendrons également que Leone avait initialement approché Charlebois après avoir vu une de ses performances à Cannes. Il voulait lui faire jouer un assassin dans un film qui se serait intitulé What’s up with you Humpty Dumpty? Charlebois refusera et se fera contacter plus tard pour jouer dans le film de Damiani. Il passera l’essentiel du tournage chaud comme une botte et gelé comme une balle. On sait maintenant que Leone voulait faire Les Valseuses version western, d’où la présence de Miou Miou (et d’un canadien français qui peut parler anglais pour remplacer Depardieu?)

Charlebois prendra quelques cuites avec Mcgoohan avec lequel il s’entendait très bien (étant le seul à parler l’anglais sur le plateau) qui, en bon irlandais,  » déjeunait au gin tonic le matin ». Il jouera quelques jours sur le piano de Debussy, jammera chez Morricone et ne se pointera pas pendant une journée de tournage pour cause de gueule de bois, prétextant un congé de Pâque. Ce qui mettra Leone en beau joual vert (J’ai réussi à ploguer cette phrase! Je peux quitter…)

C’est un magnifique cadeau que nous a fait Robert Charlebois et  les gens de Fantasia.
Les Mystérieux étonnants  vous en remercie du fond du cœur.



-FRANCIS OUELLETTE