Fantasia 2011, Jour 10: Critique de MONSTER BRAWL: Con (et merveilleux) comme la lune

Il n’y a pas si longtemps que ça, nous vous avions concocté ici même une émission pas piquée des vers sur la vénérable tradition des horror show hosts, ces individus  qui bonimentent des vieux films d’horreur à la télé (cliquer ici pour l’écouter: Notre émission du 27 octobre:Les Horror Show Hosts, une tradition américaine). 
Nous y faisions l’évidente constatation que le monde de la lutte contemporaine doit beaucoup à ces individus. Avec ses managers sinistres et caquetants, ses lutteurs souvent monstrueux et ses costumes flamboyant, la lutte a autant (sinon plus) à voir avec le théâtre athlétique que le sport. Le ring restera à jamais un espace mythologique où sont mises en scène des confrontations légendaires, où sont susurrés  les échos séculaires des batailles de Gilgamesh et Hercules. Y’a du monde bien plus intelligents que moi qui échafaudent des théories sur le sujet dans les internets, vous pouvez me croire. Marc Cassivi entre autre.
 Il fallait bien qu’un jour, quelqu’un prenne l’idée au pied de la lettre.
Fantasme absolu de geek,  Monster Brawl est con et beau comme la lune, cette magnifique lune de carton deux fois trop grosse que l’on voit dans les films de la Universal. Il offre une généreuse dose de ces fantaisies masturbatoires qui traversent les conversations de geeks: qui gagneraient le combat  entre Tarzan et Mowgli, entre King Kong et le Stay Puft marshmallow man,  Inspecteur Gadget  et Robocop, le Blob et Barbapapa? Vous savez, on trouve même un jeu de combat amateur, Terrordrome, où l’on peut mener des batailles à mort avec les grands slashers du cinéma! Oui oui! 
Pour moi, de même qu’une généreuse quantité de mes semblables, ses conversations peuvent prendre des proportions épiques. C’est hautement constructif! Logique que les monstres classiques de la Universal fassent souvent partis de nos élucubration hypothétiques. 
D’accord, ces créatures se sont déjà affrontées mais goddamnit elles ne se sont jamais vraiment cognées dessus à grands coups de savates et ça, tout le monde veut le voir non?
En ce sens, Il est indéniable que le réalisateur canadien Jessy T. Cook est un philosophe geek de la plus haute distinction.
Un ring au centre d’un cimetière maudit avec des vieilles pierres tombales et un lugubre gardien…la totale. Deux commentateurs de lutte, un blasé (David Foley, au sommet de sa forme) l’autre hystérique (Art Hindle, magnifique). Jimmy Hart et son fidèle mégaphone, pour ajouter un monstre classique de plus.
Les grandes créatures de la Universal et quelques unes plus modernes (un zombie et un monstre des marais) vont s’affronter. Comment et pourquoi se retrouveront-ils sur le ring ensemble? On s’en contrefout. Mais attention! Monster Brawl n’est pas un film. C’est un gala de lutte. C’est même la répétition sentencieuse de sa structure formatée qui le rend hilarant et qui le rendra absolument insupportable pour certain.
Vous aurez droit aux statistiques complètes des monstres, à leur origine et leurs attaques de prédilections. Des commentaires animés et hilarants pendant les combats, des cartes de présentations, les monstres qui se font des speachs de confrontation, des combats éliminatoires, des logos et des managers. Il a même deux divisions: Monsters and Undead. Si la sorcière a plus d’un tour dans son sac, le monstre des marais est toxique. Le loup-garou est plus puissant les soirs de pleine lune et la momie peut t’étrangler avec ses bandelettes. Je mouille mes culottes de bonheur. Oh regardez! Le loup Garou hurle à la lune de la troisième corde! Le cyclope tire des rayons avec son œil!! J’ai envie de pleurer.
Monster Brawl est à la fois aussi cheap qu’un film d’Al Adamson et un gala de lutte de sous-sol d’église. Les designs des monstres, kitsch à souhait,  sont particulièrement  réussis (Frankenstein et le Loup-garou sont magnifiques, les interprètes ne donnent pas leur place non plus). Si les combats manquent parfois quelque peu de dynamisme et (ahum) de technique, c’est tout ce qui empêche Monster Brawl de devenir un film hautement culte. Le temps de quelques confrontations, l’esprit  des horror show host vient valser avec celui des managers de lutte dans un décors en gyproc. Vous ne voulez pas manquez ça.
À ce titre, je suggère aux curieux d’aller lire ici même la critique élogieuse de Marc Cassivi qui corrobore mes opinions sur le génie irrévérencieux de ce film. 
C’est un rendez-vous! Si Satan le veux!
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 9: Critique de THE DIVIDE. Huis clos à louer…style nihiliste-chic

Il y a des juxtapositions qui font sourire et qui font froid dans le dos en même temps. À la première Fantasienne de The Divide, le public  était particulièrement survolté. Au tiers constitué d’un groupe qui semblait justement sortir d’un film post-apocalyptique, leurs réactions étaient pour le moins surprenantes, légèrement plus que de coutume à Fantasia. Cet atavisme donnait chaud au cœur : des cris, des commentaires d’une violence surprenante (Pour ma part, kill that bitch! et Suck it Faggot! sont en tête de liste) et une ovation debout pour Michael Biehn (vraiment?).
Le réalisateur Xavier Gens devait être aux anges. D’entrée de jeu, le public était presque une extension naturelle de son  film: bavard et tapageur
 The Divide est un huis clos post-apocalyptique comme vous en avez vu plusieurs. L’idée n’est de renouveler une recette moult fois éprouvée mais d’insuffler une vie nouvelle au sous-genre à grand coup de stéroïdes(comme les personnages qui nous rappellent que les radiations et la faim, ce n’est pas une raison pour perdre ses biceps).
1-Une attaque nucléaire qu’il n’est pas nécessaire de montrer ou d’expliquer.
2-Une bande bigarrée qui se réfugie et se barricade dans le sous-sol de leur immeuble. La mère de famille fragile, les baveux de service, la jeune femme silencieuse, le noir qui en vu d’autre et le pleutre habituel. Le concierge, maître des lieux, un homme au lourd passé avec un sens aiguë de la paranoïa qui sait de quoi il en retourne. 
3-Montrer « graduellement » le niveau de dégénérescence physique et psychologique de notre bande de chouettes copains, jusqu’à les faire sombrer dans l’inévitable sauvagerie. 
 En tentant de renouveler tout ca, Xavier Gens fait des choix particulièrement consternants.
Il parvient à faire oublier au spectateur l’étroitesse des lieux: le sous-soul de l’immeuble est filmé avec une énergie digne d’un Panic Room (la caméra n’en fini plus de passer par des tuyaux et les trous de serrure)
Exit: la claustrophobie. On se croirait parfois dans une relecture de Frontière(s) avec les tics de réalisation de Hitman. L’esthétique de jeu vidéo bien perceptible.
Ensuite, Gens choisi de couvrir le tout d’une trame sonore extrêmement tapageuse qui ne laisse pas deux secondes de répit ni aux spectateurs ni même à ses personnages :effets de violons, orchestrations « déchirantes ». On s’attend d’une minute à l’autre à voir un visage pleurer avec Mad World de Gary Jules qui joue à fond. Les personnages passent par ailleurs une bonne partie de leur temps à hurler et s’insulter. Il n’est pas vraiment question ici de montrer une tension psychologique crédible. On veut transformer au plus vite nos personnages en menace
Exit: le silence et la tension. Impossible dans ce contexte d’être affecté par la dégradation mentale des personnages. Heureusement, leur grotesque transformation physique (cheveux qui tombent et yeux cernés) est là pour nous indiquer leur niveau de dégénérescence empirique. La direction d’acteur encourage donc à fond le cabotinage. À ce niveau, le jeu survolté de Milo Ventimiglia, protéiné et homoérotique, est plutôt réjouissant. Le personnage grand guignolesque campé par Michael Eklund est hilarant et inquiétant à la fois. Il lui seul, il finit par sceller notre manque d’implication émotive. 
Que nous reste-t-il devant ce large huis clos gavé de musique où les personnage deviennent des déchets vivants entre deux postillons? Eh bien, il nous reste « le plaisir » de les voir se détruire jusqu’au dernier. Il a beau être racoleur, The Divide assume au moins son coté nihiliste-chic. Dans notre manque absolu d’attachement pour cette brochette de personnages tour à tour clichés et irritants, on veut forcément les voir se faire torturer et s’entretuer, question d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Difficile dans ces circonstances de reprocher aux macaques à côté de toi de glousser des que quelqu’un se fait trancher la gorge ou arracher un ongle.  Après tout, il ferait probablement de même. 
C’est à ce moment que le huis clos, pour mon plus grand plaisir et mon dégout, est devenu la salle de cinéma. 
J’adore Fantasia.
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 8: Critique de MUSTANG: Un monde de passions débridées

MUSTANG!!!!! CHEVAL NOIR INDOMPTÉ!!!!
MUSTANG!!!!! PERSONNE NE PEUT TE MONTER!!!!!

Dans les arrières-boutiques en plywood et les routes poussiéreuses de Saint-Tite, il y a un monde de passions sauvages qui ruent dans les brancards. Des secrets, des amours déçus et des colères qui grondent. Johnny Cooper, le grand Sachem du Festival country aimé de tous, est mort horriblement au rodéo, piétiné par Mustang.
Mustang: le cheval noir indompté.
MUSTANG. Que personne ne peut monter. 

MUSTANG est enfermé dans un enclos en exemple, symbole et témoin vivant des mensonges qui sclérosent le village. Mais MUSTANG n’est que le catalyseur du drame. Et MUSTANG, le film, est une découverte sans précédent. Il mérite un culte, un DVD, la trame sonore en 8-track et un laser-disc. Il est inadmissible qui ce magnifique pur-sang galope au loin, narguant les cinéphiles québécois de ma génération, sans que nous ayons eu droit de le monter auparavant.
Si seulement MUSTANG n’était qu’un Western-poutine hybride (le seul en fait) où sont mélangés les genres dans une concoction lourde mais hautement appétissante, ce serait déjà suffisamment bourratif. Mais il est encore plus que ça; c’est un tragédie antique à Saint-Tite. La recette est parfaite: La patate du Western classique , la sauce brune du drame de cuisine québécois et le fromage en crottes de la tragédie antique, permettant la cohésion improbable des éléments précédents. 
Willie Lamothe, le légendaire, joue Dick Lachance, chanteur de country qui n’a rien à voir avec son alter ego. C’est un cowboy fantaisiste (c’est le titre d’une de ses tounes) qui n’aime pas les chevaux. Il arrive avec son groupe au Festival de Saint-Tite pour constater que la mort de son vieux chum Cooper a laissé le village dans un état de dévastation psychologique indéniable. Affublé de ses compagnons de routes, dont le nom moins légendaire et souriant Bobby Hachey, il soupçonne quelque chose de louche. Il fera sa petite enquête  Le groupe de Lachance  a en quelque sorte une fonction de poutinage narratif (poutinarration?): ils sont le chœur grec de la tragédie, les fous du roi et des desperados du verbe au grand cœur.
La Tragédie se met en place: Un maire louche et libidineux joué avec gravitas par Claude Blanchard, Muriel Millard est son épouse fardée comme les clowns de ses peintures impressionnistes, la veuve blessée est Luce Guilbault, la femme fatale de Calgary est campée par Nanette Workman. On a aussi l’indien de service et la petite fille espiègle. Albert Millaire se la joue Western-spag en tant que bad boy tourmenté et Marcel Sabourin est l’idiot du village.  Il est amusant de constater que la parlure populaire de ce magnifique groupe rend la performance de Millaire et Sabourin des plus comiques. Ces deux acteurs de théâtre sont pratiquement incapables  de harnacher le  joual du reste du groupe. Millaire a le regard d’un tueur et l’élocution d’un notaire de Saint-Bruno. C’est hilarant.
Est-ce que Klo, le bad boy du village, saura relever le défi du maire? Pourra t-il monter MUSTANG et ainsi venger Johny Cooper? 
Seule réalisation de Marcel Lefebvre, il signe aussi la grandiloquente trame sonore (je ne déconne pas: c’est de l’immense orchestration mur à mur). Lefebvre est d’abord et avant tout reconnu comme auteur-compositeur pour à peu près tout le monde de Céline Dion (« Une colombe », c’est de lui!) à Jean Lapointe (« Qu’est-ce qui fait donc chanter les p’tits Simard! C’est les poudings…LAURA SECORD » c’est de lui aussi !!!!) 
MUSTANG est traversé de moment de grâce et d’absurdité. Des morts atroces, des regards tout droit sortie d’un Leone qui ne cesse de se répéter sans qu’il y ait le moindre combat, les tounes de Willie Lamothe qui détonnent avec les amples orchestration de Lefebvre. Impossible de déterminer où commence et fini le niveau de conscience qu’avait Lefebvre de son propre projet.
Mais c’est justement l’improbabilité d’une cohésion entre tous ses éléments qui est la grande force du film. Saouler par les trop nombreux whiskies servis à Fantasia, ça prenait la poutine bien grasse et savoureuse qu’est Mustang pour remettre mon foie de cinéphile à la bonne place.
Qu’on se le dise: MUSTANG est un MUST(on veut un Dvd calisse)
Par ailleurs, j’ai une théorie.
Pendant une scène, on voit une statue de Mustang suspendue dan les airs comme si elle volait, cambrée de colère et les yeux rouges de haine.
Je suis maintenant certain que MUSTANG est la véritable inspiration pour le cheval emblématique de Fantasia 2011. Il représente aussi leur volonté secrète de faire passer ce film à l’histoire, comme il se doit.
Parce que Fantaisia est le Mustang des festivals de cinéma: sauvage et indompté.

Fantasia 2011, Jour 8: Critique de YOU ARE HERE. Espaces canadiens intérieurs à repeindre

Il est facile de se perdre à Fantasia. La quantité de films, les heures de projections, les salles, la planification de sa journée, de son sommeil et de ses repas. Les jours qui se passent  entre le noir et la lumière, le froid et la canicule, la violence gratuite et l’introspection. On fini par s’y perdre un peu, étourdie entre la surcharge d’idée et la redéfinition même de notre espace physique.  En REM toute la journée, des semaines à rêver.On catégorise ce qu’on a vu, on répertorie, quantifie et soupèse. La réceptivité de nos sens est poussé dans des retranchements…labyrinthiques. 

YOU ARE HERE n’est pas seulement une évocation de cet état de désorientation avec lequel le public Fantasien est assez familier. YOU ARE HERE est une expérimentation. Votre cerveau est la souris. Attention-STOP. Je ne dis pas que le film est expérimental; c’est littéralement une expérience, un mécanisme méta fictionnel et fractal aux contours escheriens. Vous allez obligatoirement vous y perdre; la carte de ce territoire cinématographique est tracée sur un miroir craqué que vous devez regarder avec une loupe et une bougie. C’est aussi, fort probablement, le film le plus élusif et unique présenté à Fantasia cette année. Bien sur, il conviendra probablement plus aux gens affamés par des questions qui en apportent deux autres, aux passionnés de puzzle, de labyrinthes, d’énigmes et de maladies mentales. Les autres auront droit à un mindfuck d’une qualité indéniable. Je sais pour ma part que c’est la grande découverte du Festival pour au moins trois personnes: le programmeur Simon Laperrière, moi et l’autre.
Un résumé est forcément inutile mais l’exercice est néanmoins irrésistible. Une porte donnant sur le vide à un étage inaccessible d’une gratte-ciel. Des expériences sur le cerveau se passant dans  une pièce vide. Une archiviste accumulant des documents audiovisuels apparaissant sur son chemin. Une prothèse oculaire qui change le monde. Un conférencier qui vous met en garde de suivre le point rouge de son laser. Tous ces éléments sont reliés  par d’infimes détails dans un réseau de filaments narratifs aux tensions variables. 
Vous êtes directement responsable de votre itinéraire. Si jamais vous vous sentez perdu, ne perdez pas de vue que vous êtes ici.

 Amalgame physique (et mental) de Cronenberg, Egoyan et André Sauvé, le réalisateur Daniel Cockburn investi sa métafiction d’un généreuse dose d’angoisses et de névroses. De sa propre déclaration, son film est une exploration sinueuse d’une crise existentielle et matérialiste où il a jadis failli se perdre par excès de causalités. 

À  mon sens, il y a quelque chose de typiquement canadien dans le film de Cockburn, des angoisses typiquement locales, situées entre les contraintes budgétaires, la crise identitaire et un obsession nationale voilée gravitant autour de la notion d’espace (Du Spider de Cronenberg jusqu’aux films de Vicenzo Natali…le Canada fait les meilleurs huis-clos en plein air. La perte, l’oblitération, la contraction et la dilatation de l’espace; un thème omniprésent dans la cinématographie canadienne (vous pouvez écouter notre émission sur le sujet ici même pour en avoir le cœur net). On y trouve forcément aussi une mélancolie urbaine délicieusement torontoise. Cockburn deviendra assurément une réalisateur canadien à suivre là où il voudra bien se rendre

Je terminerais sur cette blague, au mécanisme typiquement canadien; C’est une fois l’espace, le temps et l’esprit qui rentre dans un bord. L’esprit se tasse. Le temps passe de l’autre bord et rentre dans l’espace. Si vous riez, c’est que VOUS ÊTES ICI et ce film est décidément dessiné pour vous. 
Un gros merci à Simon Laperrière: ces obsessions personnelles sont responsable de l’apparition de ce film au Festival.
FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 6: Critique de WICKER TREE-The Wicker horror picture show

The Wicker man. Le nom lui même est maintenant synonyme de légendes.
Tout a été attribué à The Wicker man: Citizen kane des films d’épouvante, porte étendard d’un renouveau païen, film fondateur de l’horreur folklorique. De biens grosses épithètes à porter. Vous qui lisez ceci, je sais que vous n’avez pas à vous faire résumer le film. Même si vous ne l’avez pas vu, vous savez assurément de quoi il en retourne.
38 ans plus tard, Robin Hardy vient présenter sa suite, The Wicker Tree, devant un public de Fantasiens émus. Digne, élégant et impeccablement british, Hardy a eu droit à une ovation, un moment émouvant et mérité. 
J’étais de ceux là qui se tenait debout. 
Malheureusement, je me mentais quelque peu à moi même. Voyez vous, je me suis toujours demandé si Wicker man était un film qui avait parfaitement saisi l’esprit de son époque par accident, si le public n’avait pas surdimensionné son propos. Je vais même me permettre un sacrilège de circonstance: Se pourrait-il que Robin Hardy soit l’homme d’un seul film et qu’il fut au bon endroit au bon moment, un one trick poney? C’est ce qu’on allait voir.
On savait que la suite n’en serait pas une, qu’elle serait une sorte d’extension thématique. L’histoire reste fondamentalement la même: au lieu d’un policier qui enquête, c’est maintenant un couple de jeunes évangélistes bien tarés qui vont faire une petit tour dans les landes écossaises, question de convertir les païens. Ils sont vierges et s’aiment presque autant qu’ils aiment Jésus. Elle est chanteuse, blonde et ressemble à s’y méprendre à une jolie petite truie sacrificielle (casting d’enfer). Il est cowboy, blond et c’est un grand dadet musclé plein de bonnes intentions. Si les gens qui habitent le village sont accueillants, on devine qu’il ne le sont pas parce qu’ils ont envie folle d’être convertis.
Le personnage inoubliable du patriarche tenu par Christopher Lee, Lord Summerisle (qui a un caméo de circonstance dans le film), est remplacé par un dénommé Sir Lachlan, responsable de la centrale nucléaire du village et de l’infertilité des villageois. L’homme d’osier du titre est désormais un arbre. Voilà le topo.

« It’s okay to laugh » avait annoncé Hardy avant le commencement du film. Et pour cause. 
Wicker man n’est pas qu’une comédie. C’est presque un musical. Entre les chansons pieuses de country chrétien et les ritournelles grivoises des écossais. On a parfois l’impression de regarder une relecture de Wicker man façon Rocky Horror picture show. Une occasion en or pour Hardy de se moquer de la foi en général et en comparaison, Wicker tree enchaine coup sur coup les gags absurdes et joue à fond la carte du clivage culturel. Quelques bonnes observations sur les dangers de la foi, des deux cotés, cependant.
Alors que la suite de Hardy dévoilait son enchevêtrement de blagues, de chansons et de commentaires agnostiques, une chose devenait clair: Après le 11 septembre, le sida et Oprah, la pertinence de cet univers s’est quelque peu fanée. En ce sens, le choix de Hardy est justifiable, celui de revoir son grand film avec un filtre satyrique. Pour cette raison, une autre chose devenait claire. Hardy n’a jamais eu la moindre  sympathie pour le idées païennes de son film de 73. Cette théorie sera confirmée par la discussion du lendemain qu’il aura devant public  avec Richard Stanley sur la foi au cinéma (nous vous donnerons un compte rendu de l’événement bientôt). 

Est-ce que The Wicker tree est un ratage? Peu s’en faut. Il faut avouer un chose: par affection pour Hardy et les bons souvenirs qu’il nous a tous procuré,les opinions des critiques sont plutôt douces.   Dans cette petite satire suranées, il y a les échos lointains d’un film culte qui aurait gagné à ne pas avoir de remake…et encore moins une suite.

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 6: MIDNIGHT SON-fils déchu de race surhumaine

Cette critique est légèrement tardive, mais je trouve approprié de la faire après en avoir parlé avec le plus de gens possible. La polarité qui entoure Midnight son est assez surprenante. Navet de Fantasia 2011 pour certains, le film de vampire appelé à devenir culte pour d’autres.
 Est-ce surprenant? Nous sommes actuellement dans le creux de la monstrueuse vague d’histoires de vampire qui revient sporadiquement éclabousser le public à toutes les décennies. Tout le monde a forcément une prédilection pour un certain type d’histoire de suceurs de sang. Personnellement, si on exclu le bouleversant Let the right one in, j’attendais ce type de film avec impatience. Depuis le terriblement sous-estimé The Addiction d’Abel Ferrara, en fait. Ceux qui ont soif de vampires « naturalistes » seront grandement désaltérés (à ce sujet, nous vous recommandons notre émission sur ce thème ici même)
 Jacob a une condition de peau qui l’empêche de vivre sous la lumière du soleil. Il vit donc la nuit et travaille comme gardien de sécurité. Il n’a que très peu de contacts humains et il peint à cœur de jour de magnifiques toiles où brille ce soleil qui est une menace pour lui. Ces derniers temps, rien ne semble rassasier sa fin grandissante… à part la nourriture très saignante. C’est à ce moment consternant de sa vie monotone qu’il rencontre une autre âme solitaire. Mary, serveuse et toxico, créature aussi nocturne que lui et encore plus tourmentée. Le désir s’installe peu à peu entre les deux âmes blessées. 
 Midnight son ne réinvente pas le mythe vampirique. Il reprend les codes classiques du genre pour les distiller un compte-goutte avec un réalisme assumé. L’évolution psychologique du personnage et la découverte de son état se font à pas feutrés, jusqu’à l’inévitable conclusion.   La banalité de son quotidien nocturne traversé de mélancolie est particulièrement crédible.  
Plus que jamais, le vampirisme apparait ici comme une véritable condition, une maladie, une toxicomanie. Il n’est pas ici une métaphore comme dans l’existentialiste film de Ferrara: Jacob est en tout point un junkie qui veut retrouver son thrill initial et en redoute les conséquences. Car Midnight Son est également une histoire de drogue, avec son lot de dealer et de clichés inhérents à ce genre également. À ce titre, il faut voir la scène où Jacob fait découverte du sang frais, aussi efficace que chargée de double sens. Les efforts que doit fournir le pâle jeune homme pour avoir un fix donnent lieu aux scènes les plus puissantes (et sanglantes) du film, tour à tour pathétiques et troublantes.
Tout en assumant son réalisme, Midnight son prend quand même le risque de conserver la dimension romantique du vampire, au plus pur sens du terme. À ce niveau, c’est tout ou rien. Plusieurs décrocherons. D’autres, (c’est mon cas), seront aspirés par la passion qui nait entre Jacob et Mary. .Dans le rôle de Jacob, le jeune Zak Kilbe, sorte de croisement entre Jude Law et Joseph Gordon-Levitt, est tout en nuances. Par moment, on croirait voir une variation vampirique du drame romantique Untamed Heart avec Marisa Tomei et Christian Slater (come on! Qui n’aime pas ce film là?)
 Dans ses thèmes comme dans sa facture, Midnight son est l’antidote du film de vampire hollywoodien. On y explore les thèmes les plus profonds de la créature: les liens étroits entre Éros et Thanatos, la solitude, la souffrance et la soif d’amour qui double celle du sang. Une très belle trouvaille de la part des gens de Fantasia.
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 5: Critique de LOVE-Métaphysique 101 0110011 011

Pas facile pour un jeune réalisateur de se coltiner à de grands thèmes métaphysiques de nos jours. La cinéma a érigé des bouleversants monuments au nom de l’infini : un monolithe noir et parfait, une planète-mer vivante et curieuse, une galaxie agonisant d’un cancer cosmique. Plus récemment, la naissance et la mort de l’univers rejoignant en grandiloquence celle d’un garçon. C’est devant (et derrière) ces grandes réalisations que le cinéaste-philosophe devra invariablement se prosterner avant de se lancer dans la contemplation.  Une poignée de films qui transcendent l’idée même du cinéma et qui le détermineront à jamais

Les habitués de notre émission et de ce blogue l’auront remarqué, nous sommes férus de films métaphysiques et d’occultisme. Pour moi, il n’y a pas de film plus complet et crucial que 2001:a space odyssey. Il est sacré. Il est inévitable qu’il soit cité, parfois comme une simple référence, d’autres fois comme un évangile qu’on psalmodie (Pour ceux qui partage cette avis, nous vous invitons à écouter notre émission Voyage au bout de l’Enfer –2001:A SPACE ODYSSEY analysé via le livre d’Howard Bloom, THE LUCIFER PRINCIPLE.). Même The Fountain, pour toutes ses inégalités et ses détracteurs, est selon moi un film important. 
Le cinéma de science-fiction métaphysique a t-il encore quelque chose à dire? Peut-il offrir une nouvelle approche au delà de la référence et plus encore, avec un budget modeste? Je n’en suis pas certain. Il faut avoir énormément de courage pour explorer dans une petite nacelle ce que d’autres ont frayé avec une monstrueuse embarcation. 
 Un futur proche. Un astronaute en mission spéciale passe des jours répétitifs dans une station spatiale. Entrainé à supporter la solitude, c’est néanmoins une autre paire de manche qui l’attend lorsqu’on lui fait savoir qu’il devra y rester pour un temps indéterminé. Dans sa descente inexorable vers la folie, il trouve dans la station un journal personnel datant de la Guerre de Sécession. Quelque chose s’est passé là bas qui a changé le cours de l’humanité et qui explique probablement qu’on l’ai abandonné.
Entre les tableaux de combat de la guerre de Sécession, hautement iconographiques, et les scènes d’immobilité du capitaine dans sa station, le mystère s’ouvre peu à peu. C’est la succession de tableaux d’une saisissante  beauté, doublée de l’amplitude de la trame sonore d’Angels & Airwaves qui prend le dessus sur la narration. Mentionnons que le film se voulait initialement une succession de vidéo clips. Kubrick l’a déjà dit: il faut voir ce type de film comme des expériences sensorielles et non verbales, sans chercher à comprendre. 
Malheureusement, n’est pas un pur métaphycisien qui veut…
LOVE de William Eubank ne pouvait pas échapper aux comparaisons. Il sera aussi accusé d’être une œuvre composite. Il souffrira même (le réalisateur en est hautement de conscient) de l’inévitable association à MOON de Duncan Jones. Les similarités entre les deux sont beaucoup trop nombreuses: l’isolement d’un astronaute dans sa navette, la mission qui s’éternise, la folie qui s’installe et les  longs regards lancés vers la terre pendant que la barbe pousse. Les thèmes empruntés à la musique également; si Duncan Jones semble avoir voulu illustrer une chanson de son père David Bowie, la présence à la trame sonore de Angels & Airwaves (qui assure aussi la production)  vient tapisser le film de thèmes qui sont chers au groupe. Le film ne cache d’ailleurs pas ses références…il les étend généreusement comme Lady Gaga met le map-o-spread de Madonna sur ses toasts au Wonderbread.
Mais ce n’est pas là que Love surprend. 

C’est un film métaphysique…ouvrier. Regardez l’affiche plus haut: l’image de l’astronaute qui semble attendre l’autobus pour aller bosser est assez chargée de sens.

On s’explique

Durant la séance de questions suivant le film, un spectateur a posé une colle hautement pertinente sur les nombreux sous-textes Franc-Maçons qui traversent le film. La question a été vite évincée par l’équipe de créateurs, peu chaud à l’idée de le réduire  film à une série de symboles. Dommacar LOVE est absolument gavé d’imageries franc-maconiques: une structure spatiale qui ressemble à un building new-yorkais, des images de pères fondateurs au combat, des artefacts anachroniques rappelant un hôtel américain, des vieux secrets de l’histoire cachés par les autorités. Les architectes de ce monde connaissent le secret. Point de fallacieuses élucubrations conspirationnistes ici: si les symboles et les propos ont échappé aux créateurs, ils sont là et en bloc. 
Ce qui n’est pas sans pertinence. Le film a été réalisé avec des moyens dérisoires, beaucoup d’inventivité et l’huile de bras de bricoleur de l’équipe. Il porte bien son titre, car il est véritablement un Labor of love, fait avec patience par des bâtisseurs. Le personnage principal est lui même un homme à tout faire, un ouvrier doublé d’un soldat et le dépositaire des secrets du monde. Un batisseur. La métaphore, qu’elle soit inconsciente ou non, est omniprésente. 
Love gagnera beaucoup à être vu avec son matériel supplémentaire, où le spectateur pourra comprendre l’inventivité mis en jeu pour réaliser un film de ce type avec un budget dérisoire. Or, ce matériel supplémentaire ne fera que renchérir et confirmer les thèmes franc-maçoniques en montrant des ouvriers qui œuvrent par des moyens physiques et terre à terre à percer les secrets du monde, en toute insouciance. 

En ce sens, LOVE est non seulement un film où la figure du père ouvrier est omniprésente, il est aussi une oeuvre métaphysique matérialiste où les mystères de l’univers se démontent avec une clé à molette et beaucoup de patience. 

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 4: Critique de PHASE 7-l’ennui au temps de la pandémie

Presque à tous les ans, je me souviens avoir vu au moins un film à Fantasia qui disparait sensiblement de la circulation par la suite (ou qui ne connaitra jamais de distribution massive). Rien à voir avec la piètre qualité du film. C’est qu’ils sont parfois spécifiquement « nationaux ». Quelqu’un a vu, voilà quelques années, l’adaptation de la bédé espagnole Mortadel et Philémon? La qualité du film était indéniable mais le produit final était spécifiquement espagnol. Il demandait un minimum de référents. Dans ces conditions, le dépaysement est encore plus fort à mon sens. C’est aussi ça pour moi, le plaisir de ce festival. C’est voir des productions  au budget microscopique qui seraient pratiquement impossibles à découvrir dans un autre contexte et qui dépaysent dans tous les sens du terme. 
Phase 7 est ce film. L’idée est convenue. Le traitement lui, ne l’est guère. Pipi et Coco, un jeune couple qui n’en est plus à ses premières idylles, vont bientôt avoir un enfant. Le contexte n’est pas des plus reluisants: une épidémie ravage lentement mais surement plusieurs pays. Est-ce la guerre? La fin du monde? On n’en apprendra que très peu sur la chose. L’édifice de Pipi et Coco doit être mis en quarantaine. Dans ce contexte, vont-ils se tomber sur les nerfs à en crever?
 On pourrait présager un huis clos étouffant, une folie généralisée qui s’installe. Eh bien non. Les soucis des protagonistes sont d’une banalité effarante: une ampoule brulée, le rationnement des Froot-loops, les voisins paranos et ceux, encore plus chiants, qui veulent emprunter des trucs. En fait notre couple n’est pas des plus jovial. Ils s’engueulent légèrement et constamment pour des peccadilles. Il en va de même des voisins. Quand l’un des leurs disjoncte et se met à décimer les autres, c’est aussi pour un malentendu. 
 À part les films de Fabian Bielinsky et de Juan Jose Campanella, je n’ai pour ainsi dire que très peu de connaissances du cinéma argentin. Je ne connais pas les mécanismes de l’humour là bas. Mais après avoir vu tout au plus une dizaine de films provenant de la terre du tango, il est  possible d’y constater un rythme, une cadence bien précise. Je dirais même une langueur. Phase 7 n’y échappe pas. En fait, il n’échappe à rien. C’est la moins paniquante des attaques virales de l’histoire. Évidemment, le budget famélique limite les possibilités de démonstrations de la situation, mais des films fauchés y sont néanmoins parvenus (Right at your door et REC). En fait, le réalisateur Nicolas Goldbart fait le choix délibéré de nous montrer une fin du monde traversée d’une certaine lenteur.
C’est là que les mécanisme comiques du film opèrent le mieux. C’est « Les Zombies attaquent l’Auberge du chien noir » sans que l’on voit un seul zombie. La lenteur et l’indifférence finissent par faire sourire le spectateur qui craignait de s’ennuyer quelques minutes plus tôt. Même la bavarde trame sonore de synthétiseur rappelant les films de zombies italiens fini par faire rire tellement elle est juxtaposée à des scènes anticlimatiques. 
Fantasia, c’est aussi ça: un petit film argentin de fin du monde où le couple joue au battleship en regardant le monde crever. Et vous savez quoi? Après les virus et les cannibales Mccarthien, les gens qui se suicident et violent des bébés, je ne serais pas surpris que les survivants de notre monde ressemblent à Pipi et Coco…un couple qui s’emmerde. Ha ha.

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 3: Superheroes- Hérotomanie, chronique d’un phénomène annoncé‏

C’était inévitable. Le phénomène était inévitable. Un documentaire le sujet aussi, forcément. Les « real life superheroes »
Voilà de cela plus d’un an, nous avions écrit quelques articles sur la venue inévitable d’un phénomène social, les « véritables » super-héros, alors vaguement émergents. (vous pouvez trouver les articles en cliquant ici et ici) Initialement, le phénomène se voulait évidemment marginal; des clowns qui se promènent en collants, qui donnent des coup de mains aux gens, des sites internets de discussion et des répertoires pour « vrais super-héros ». Rien de bien avilissant. Le tout possédait déjà un certain charme naïf quoique jubilatoire.
Comme nous l’avions postulé, au moins une personne, directement inspirée du comic Kick-ass et du film du même nom, allait forcément tenter l’aventure. D’autres films ont depuis traité du même sujet: Defendor de Peter Stebbings et l’encore Super de James Gunn, présenté   le 21 et le 27 juillet à Fantasia également . Watchmen aura probablement aussi joué un chouïa dans l’équation. Il suffit de voir le macaron qu’arbore fièrement le justicier nommé « Superhero » sur son opulente poitrine dans le documentaire de Michael Barnett.
Il était inévitable que le phénomène évolue.
 Des geeks qui rêvent en 3-D? Du cosplay urbain? Du D&D superhéroïque? Faites votre choix
Pour ma part, au delà de la simple curiosité et d’une condescendance généralisée sur le sujet,  les real-life superheroes sont deux choses. Ils sont tributaires d’une nouvelle et fascinante forme de psychopathologie, une Hérotomanie en somme. Ils sont aussi, très simplement, des individus qui font de leur mieux pour inspirer. Parfois, ils échouent lamentablement. Quand ils y parviennent, cependant, c’est une chose assez magnifique à voir.
C’est le point de vue qu’a décidé d’emprunter le réalisateur Michael Barnett en nous montrant le quotidien de ces défenseurs de la veule et de l’orgelet. Point de simple condescendance ici. En fait, Barnett nous montre différents types de héros. Certains sont risibles. D’autres sont vaguement attachants. Quelques uns impressionnent. Mais collectivement, ils forment un phénomène qui commence à devenir trop important pour qu’on ne fasse qu’en rire. Le tout avec eune facture qui emprunte occasionnellement une esthétique aux comic-books où nos protagonistes deviennent immortalisés dans des cases. Ces scènes sont particulièrement émouvantes. Stan Lee est même de la partie en tant que commentateur.
Mr. Extreme est clairement simplet. Il est grassouillet et totalement déconnecté. Mais dammit, il est valeureux comme 20, le grand dadet! On ne peut que l’aimer. Et vous savez quoi? Il aide vraiment les gens.
 Master Legend est en quelque sorte le Ozzy Osbourne du genre super-héroique. Drôle malgré lui, convaincu de ses capacités. Probablement alcoolique. C’est une évidence que les boulons du bonhomme sont lousse. Et vous savez quoi? Tout le monde apprécie le bonhomme pour sa candeur et sa joie de vivre. Il inspire d’autre à faire comme lui: aider son prochain. 
Et puis il y a Zimmer et son équipe The New-york initiative, qui reprennent un peu les méthodes préconisées par les Street Angels. Ils n’ont pas l’air de deux de pique. On a aussi Dark Gardian, qui chasse les dealers de drogues. Ses individus sont tous en excellent forme et ont des cojones à revendre. Il y aussi LIFE, un jeune juif aussi inspirant qu’il est articulé, qui rend un hommage direct aux super-héros de la première génération, justement créés par des juifs.
J’ai moi même deux identité. Le cinéphile et le geek. 
Le cinéphile est allé voir le documentaire de Barnett avec une pointe de cynisme. Il s’est retrouvé profondément ému et troublé. Et si…ces étranges personnages avaient raisons, malgré le ridicule de toute cette mascarade?
Et vous savez ce que le geek en moi voulait faire? 
Je voulais hurler de joie. Peut-être que moi aussi…je pourrais…je ne sais pas…
Naaaaaa. 
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 2: The Legend of the Beaver Dam-Se faire venir dans les yeux

J’ai eu ma deuxième véritable relation sexuelle dans une colonie de vacances. Avec une anglophone d’Edmonton qui plus est. Couchés dans l’herbe poisseuse, aux alentours de minuit. J’ai joui en moins de 12 minute. Pas elle. Je ne suis pas un brigand qui ne pense qu’à son cul: un cunnilingus était de mise. Quelques secousses de langue et de doigts et l’affaire était ketchup; je le sais parce que j’ai reçu un généreux jet de liquide séminal dans l’œil. Ma première éjaculatrice! Je ne savais même pas ce que c’était. Je pensais fermement m’être fait pisser dans la pupille. La vie est pleine de mystère.
J’étais extatique: le feu de camp qui crépitait au loin, quelques notes de Paul Piché,  une délicieuse odeur résiduelle de chatte sur ma moustache molle d’ado, la fébrilité de me faire prendre en flagrant délit et aussi…la peur comique de me faire slasher dans le dos la face encore pleine de viendu de dame parce que je tringle dans les bois.
C’est précisément l’effet que m’a procuré cet hallucinant court-métrage: celui d’un jet de jus de chatte dans l’oeil. Ca fait sourire et on en reçois plein la gueule. Le titre est encore plus significatif pour moi, vous comprenez?.

Sur fond de musique (franchement prenante par ailleurs), un jeune nerd effrayé par les histoires de feu de camp de son moniteur baveux et obèse devra vite s’éveiller à la dure réalité des colonies de vacances: les compères bullies, les humiliations, la jeune fille qu’on aime en silence…le slasher archétypal qu’on invoque avec une comptine. Tel Ash dans Evil Dead 2, notre jeune garçon verra ses testicules tomber comme des noix de cocos sur une plage aride et il deviendra un homme. Un peu comme Mon oncle Antoine si le petit gars tuait son oncle et se faisait chasser pas Jason Vorhees…dans une comédie musicale. Et il nous ont passé ça avant Attack The Block! Vous imaginez la folie furieuse dans la salle!!!!

Simplement le short le plus réjouissant de l’année. le réalisateur Jerome Sable a un indéniable sens du rythme, du gag et du gore (un petit déjeuner complet). C’est aussi un hommage survolté à la tradition vénérable du film de Slasher canadien, beaucoup plus sirupeux que ceux de nos compères américains. Sable est un homme à suivre. j’ai littéralement crier de bonheur pendant les 12 minutes de ce court. Un peu comme la petite dame d’Edmonton qui a joui dans mon œil , jadis, au ranch Massawippi.Pour la première fois cette année à Fantasia, je suis venu dans mon short. 
 (Tambour. Cymbales)

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 2: Milocrorze: a love story-une lettre d’amitié au vieux maître Seijun Suzuki

Ce sera pour ainsi dire impossible pour le 7ème des Mystérieux étonnants de parler du film de  Yoshimasa Ishibashi sans exulter une généreuse dose de superlatifs (plus qu’à mon habitude, je veux dire).
Accrochez-vous d’accord? 
C’est notre premier film asiatique à Fantasia cette année et déjà, il sera difficile de voir plus déjanté que ces trois fables pêchées tantôt avec le fil de de l’imagination , tantôt avec le filet de la rupture de ton  et souvent avec la dynamite de l’absurdité  (Underwater love, je t’attend!).
Trois histoires donc, reliées par les fruits confits du hasard et le même comédien qui joue à fond la caisse trois rôles différents.
La première, celle d’un petit garcon,Ovreneli Vreneligare (vous allez vous souvenir de ce nom répété plus de 32 fois dans le film par une narration drolatique et délicieusement irritante), qui passe des journées ennuyeuses dans un monde technicolor de contes Zeussien avec son chat au comportement irascible Verandola Gorgonzola (sorte de croisement entre Azrael et Garfield en mauvaise 3D). Au cœur de son ennui, il rencontre et tombe amoureux de la belle et élusive Milocrorze (de 28 ans son ainée et représentation fantasmée de la femme idéale). Ils vivront une histoire d’amour traversée de pureté et de yaourt. Mais les jours de peine guettent Ovrenali Vrenaligare…Dort Ovreneli Vrenaligare dort…
Ce conte a deux fonctions bien précises: poser les assises de cette histoire d’amour tricéphales et pousser au paroxysme les uppercuts que les japonais aiment parfois se donner dans les fricatives labiales. C’est un réel plaisir d’entendre à outrance des mots que la narratrice ne peut prononcer qu’avec une multiplication des syllabes. De sa propre déclaration après le film, le réalisateur avait le but délibéré de créer l’irritation chez le spectateur. Les amateurs du film SYMBOL de Hitoshi Matsumoto, découverte totale de l’année dernière, apprécierons assurément ce segment.
La deuxième histoire tourne autour de Besson Kumagai, un motivateur de génie prodiguant des conseils professionnels de séduction pour jeunes garçons en manque d’amour par le biais d’une hotline. Enfant slick et illégitime de Serge Gainsbourg et d’une anguille, il prodigue des conseils absurdes, défit les lois de la narration en apparaissant à côté du téléphone et ses déplacements sont des danses scandées par des nymphettes (à la séance de questions qui suivait le film, un spectateur probablement stone a cru voir les chorégraphies du vidéo de Fatboy Slim avec Christopher Walken)
Si on se fie aux commentaires et aux réactions du public, ce sont les segments avec Besson, survoltés  et beaucoup trop courts, qui sont les grands moments du film. 

Pour ma part, c’est le troisième segment qui est le plus important, autant au niveau formel, narratif que référentiel.
Tamon tombe follement amoureux de Yuri. Au beau milieu de cette grande histoire, Yuri est mystérieusement kidnappée. Tamon la cherchera littéralement à travers le temps et l’espace, dans des anachroniques repères de yakuzas et des bordels,  le temps de devenir un cowboy, un ronin…Bref, un archétype total du guerrier solitaire et torturé cherchant sa belle. Dans ce segment hautement inspiré, si les genres et les ingrédients se voisinent furieusement, le sukiyaki final est bourratif sans devenir indigeste. Il faut voir l’interminable scène de combat au ralenti, grappillant autant le Nô, le Kabuki que les illustrations japonaises traditionnelles.   
Une partie de ce segment est d’ailleurs ouvertement un des plus touchants hommages à Zatoichi jamais réalisé (croyez moi, je suis un fan morbide)
 Milocrorze est déjà comparé à de nombreux films: Funky Forest, Survive Style 5, Symbol, Kamikaze girls. Les explorations formelles et narratives les plus poussées de Miike viennent aussi à l’esprit (les inconditionnels de IZO y trouveront leur compte). Le film  méritent toutes ces comparaisons à mon humble avis. C’est l’ovnippon (ouch!) habituel qui est la marotte des Fantasiens.
Cela dit, l’histoire d’amour ne s’arrête pas là. Une scène du film déclare ouvertement les influences d’Ishibashi en la présence de Seijun Suzuki jouant un vieux maître tatoueur complètement sénile. 
Milocrorze est une immense déclaration d’affection offerte humblement au vieux maitre, précurseur de toute une génération. Il n’est pas qu’une banale tentative d’émulation, mais une véritable volonté de faire perdurer la voix de Suzuki, de rappeler à la génération de réalisateurs japonais actuelle qu’il fut un des premiers à triturer joyeusement la forme de cette manière
Ce qui n’empêche pas Milocrorze d’être sa propre bête, hybride, amphibienne et coassant le  bonheur de faire du cinéma.
 
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 1: King of devil’s island

C’était une très bonne idée et un bon coup de la part des organisateurs de Fantasia de débuter le festival avec Red state, la première incursion de Kevin Smith dans le film de genre. Après tout, qui de mieux que le pape de l’intelligentsia geek  pour partir le bal du quinzième, d’emblée avec un film d’horreur? Le tout prend des airs de consécration non? Tarantino, Scott Pilgrim…et maintenant Kevin Smith. Une suite logique, ce me semble.

J’ai on ne peut plus hâte de lire les critiques nombreuses et inévitables qui vont suivre…parce que pendant que tout le monde se préparait à recevoir le brûlot de Smith en pleine tronche, on se gelait l’âme dans l’enfer blanc de la salle d’en face juste pour vous…et il ne nous viendrait pas à l’esprit de nous en plaindre! Certain vont à Fantasia pour le divertissement, la stimulation intellectuelle, le dépaysement, l’hystérie collective. J’y vais moi même pour toute ces raisons mais je favorise plus que tout autre un type de stimulation bien précis: je veux me faire torturer. Je veux le bouleversement, l’étourdissement. Je cherche ces films cruels dont Fantasia a le secret.

Si vous êtes comme moi, King of the devil’s island sera un passage obligé cette année. Rien comme une overdose d’injustice montrée froidement à l’écran pour nouer un estomac et vous faire serrer les poings.

Nous sommes en 1915 et il y a quelque chose de pourri au royaume de Norvège. Dans le centre correctionnel de l’île Bastoy, des jeunes hommes accusés de crimes souvent risibles vivent dans des conditions rappelant la prison ou les camps de concentrations. Abolition de l’identité, travaux forcé, rationnement, humiliation publique et punitions physiques . Tout ça pour le bien de ces jeunes sauvages, évidemment. Jusqu’à l’arrivée d’Erling, 17 ans, baleinier, accusé de meurtre. Une âme indomptable qui n’a pas l’intention de se laisser briser, peu importe ce qu’on lui fera subir.Le film de Marius Holt est un grand hymne au froid, celui de la Norvège mais aussi celui du cœur de petits hommes risibles assoiffés de contrôle. Entre la photographie bleutée (rappelant celle de Let the right one in) et les constantes exhalaisons sortant de la bouche des  jeunes hommes (même lorsqu’ils dorment), il donne littéralement froid dans le dos. Quelques notes lancinantes de violons s’élèvent sporadiquement, lamentant le sort des enfants. Personne ne fait mieux la mélancolie que les scandinaves.L’autre froideur qui traverse le film, c’est celle de l’immense Stellan Skarsgard. Visiblement content de jouer ce rôle, le grand Danois a laissé tomber le pilote automatique de ces insipides tours de piste hollywoodiens et retrouve son ténébreux regard, celui qu’il avait à l’époque de Insomnia et Breaking the waves. Les jeunes comédiens, à l’instar de leur personnage, ne s’en laissent pas imposer. Le jeune Benjamin Helsatd en particulier qui  transpire la révolte et possède un regard traversé d’intelligence brute.

Fonctionnant comme un The Magdalene sisters qui serait doublé d’un film de prison, King of devil’s island ne tente pas de réinventer le genre « carcéral » mais il tire parfaitement et efficacement sur ses cordes les plus tendues.

Reste que la grande valeur de ce film glacial est son invitation à la révolte. (Je n’ai pas eu envie de me battre autant pendant un film depuis Das Experiment!). Devant l’étroitesse d’esprit d’individus assoiffés de contrôle et de respect forcé, il n’y a pas de réponse plus urgentes que la désobéissance et l’insoumission…

On rappelle qu’une seconde projection aura lieu le 17 juillet à 17h20.

FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011: Conférence de presse:l’envol du Cheval noir

Lorsque j’ai vu les premières images du cheval noir déployant furieusement ses ailes sur les images publicitaires et le programme officiel du Festival Fantasia 2001 , j’ai été littéralement bouleversé. Les gens de Fantasia ont eu énormément de flair en la choisissant. Voyez vous, ce cheval provient d’une importante  légende québécoise, dont l’origine est élusive, comme toutes bonnes légendes. On peut apercevoir par exemple cette image iconique sur les bouteille de bière Trois Pistoles (un des potentiels lieux de provenance de la légende). En l’occurrence, ce cheval noir, ce n’est nul autre que le diable, le Malin  harnaché qui aide les hommes dans leur travaux les plus éreintants. Mais gare à ceux qui lui retireront sa bride.
Bravo au gens de Fantasia d’avoir eu cette idée inspirée. L’icône est forte mais la charge du symbole est encore plus appropriée. N’est-ce pas  précisément ce que les gens de Fantasia font à chaque années, bâtir quelque chose à bout de souffle, ériger une église, un lieu de rencontre en harnachant littéralement le démon? Le démon, c’est nous,  cinéphiles assoiffés de sensations fortes, de scènes chargées à bloc de violence et de vices, galopant comme des chevaux fous pour acheter nos billets et regarder 4 films par jour. Le démon, c’est aussi ce cinéma furieux et déchainé dont nous avons tous soif.
Plus encore, ce cheval, dans toute sa gloire, est un symbole profondément québécois. Pour son quinzième anniversaire, Fantasia rappelle à ses fidèles ses appartenances. Si le festival est ouvert sur la cinématographie mondiale, il a profondément et plus que jamais à cœur la cinématographie québécoise. 

À la conférence de presse d’hier, je voulais de toutes mes forces voir une statue ou un  trophée qui serait le symbole commémoratif de Fantasia. ET PAF! Le voilà le putain de trophée! Les meilleurs films seront désormais honorés par ce symbole sur un petit piédestal. Ça prenait un symbole unificateur et le voilà, ciboire! Attendez de voir  la publicité officielle, avec ce même cheval et Dominique Lévesque… c’est du grand art.  Tout ce que représente Fantasia engoncé dans une pub de quelques secondes.

Mais je digresse…

Il y avait une frénésie dans l’air hier à la conférence de presse. Cette 15ème édition prenait des allures de consécration méritée. Après le triomphe de l’année dernière, certains concepts sont de retour et de nouveaux viennent s’y greffer: un nombre effarant de personnalité seront là (plus de 100 invités, allant de Richard Stanley’ Ted Kotcheff à Udo Kier, de John Landis qui recevra un prix commémoratif à Robin Hardy), des conférences, des master class, une projection de Phantom of the opera avec orchestre interprétant une composition originale de Gabriel Thibaudeau. L’événement sera tout simplement plus massif que jamais. Un colloque tenue par 4 femmes sur l’horreur au féminin, une conférence sur la mythologie des Studios Hammer! Vous pourrez même aller voir gratuitement voir des films avec vos enfants; ils ont prévu des projections pour eux, ces maniaques!
Du côté du cinéma occidental, un volet intitulé Payback in black: the new wave, continuation du concept de l’an dernier couvrant le cinéma en caméra subjective.  J’ai l’eau à la bouche pour  VICTIMS de David Bryant, qui a le culot de dérouler son suspense en un seul plan-séquence
Voilà deux ans de cela, le 7ème antiquaire faisait un podcast sur l’importance des producteurs André Link et John Dunning dans l’émergence du cinéma de genre québécois et canadien :Cinépix et son héritage: Ciboire! Tu veux tu ben m’dire dayousski z’ont crissé nos grands films de genre du Québec???
Fantasia fournie la réponse à notre question en présentant un hommage bien mérité aux productions de ces pionniers, sorte de Roger Corman doublé de têtes à Papineau: My pinball summer, my bloody valentine, Daughter of darkness, Visiting hour et un préféré des Mystérieux étonnants, FRANKENSTEIN 2000!!!!! 
FRANKENSTEIN  2000 sur grand écran !!!:
À ne pas confondre avec Frankenstein 90, la brillante et très française relecture moderne du mythe avec Eddy Mitchell et Jean Rochefort). Le titre original, The Vindicator. Jadis, je voulais absolument retrouver le film. Tâche virtuellement impossible; même pour le plus féru des collectionneurs, le sacro-saint VHS est une denrée rare.

1-The Vindicator est réalisé par Jean-Claude Lord. Production de John Dunning et André Link, les fondateurs de Cinépix. Ce qui en fait un film de commande, soit, mais également un film québécois.

2-Le thème est terriblement similaire à Robocop avec une touche de Swamp Thing (l’original de Berni Wrightson et Len Wein, le film de Wes Craven par extension). Les références aux comic-books y sont d’ailleurs nombreuses; the Vindicator fut d’ailleurs le nom initial de notre Captain America national et le chef d’Alpha Flight avant The Gardian. Ceci dit, il est sorti un an avant Robocop. Visionnaire! Il est impardonnable que nous en ayons point parlé dans notre entrée de blogue sur Le retour de Deathlok-se faire tirer le Verhoeven du nez.
3-Pour tout son « génie » et les souvenirs qu’il m’a procuré, The Vindicator est à évoquer pour une incontournable scène, que je vous résume ici:
Transformé depuis peu de temps en machine à tuer par une sinistre organisation gouvernementale, notre héros déambule dans les rues, confus et titubant. C’est une nuit humide et triste… Il se regarde dans une vitrine de magasin de jouets. Ornée de masques de monstres, il ne distingue pas bien le reflet de son visage se confondant aux nombreux masques. Il est perplexe… Les masques et les jouets sont-ils en train de le narguer (comme Darkman et son putain d’éléphant rose)? Il prend soudainement conscience de ce qu’il est devenu. C’est terrible!

Emporté par la colère, notre héros casse la vitrine du magasin avec un panneau! Oh non!

On voit ensuite l’ampleur des dommages. OH NON! Câlisse! Frankenstein 88 vient juste de péter la vitrine d’une institution culturelle montréalaise, le Bric-à-brac, magasin de jouets/tabagie trônant fièrement, encore à ce jour, sur la rue Ontario. Noble comptoir faisant le bonheur des béesses depuis des lustres, échoppe incontournable pour les nombreux pèlerins des ventes trottoirs, on y trouvait jadis des jeux de pichenottes et de poches, des costumes cheaps et des imitations de figurines taiwanaises (j’ai encore une figurine de Robocop achetée là-bas en 89…quelle coïncidence poétique!), du tabac et des tubes de cigarettes de même que ces petits bidules noirs servant à remplir soi-même les tubes qui faisant des assourdissants Ka-klacs. Des heures et des heures de Ka-klacs où vos parents se confectionnaient des bonnes rouleuses à peu de frais. Flashback violent genre P’tit Québec/on revient chez nous/grand maman y’é bon ton fromage. Frankenstein 88 a pété la vitrine de mon bric-à-brac…

Osti. Pas besoin d’être Freud ou d’aller se faire tirer aux cartes chez matante Rolande.
La rue Ontario=la ligne de ma vie.
Le Bric-à-brac=mes souvenirs.

Frankenstein 88=mon inconscient
Frankenstein 88 en train de péter la vitrine du bric-à-brac=la révolte de mon inconscient contre un passé refoulé et monstrueux de jeune béesse qui revient me hanter inlassablement, avec dégoût et nostalgie.

*Soupirs*

Mais je digresse derechef…
On assistera aussi au grand retour de Richard Stanley dans une discussion sur l’occultisme au cinéma avec Robin Hardy. Ce dernier vient présenter par ailleurs la suite très attendue de son opus THE  WICKER MAN, The Wicker tree!  

Les programmateurs ce sont fait un devoir de nous présenter leurs suggestions personnelle, avec le brio qu’on leur connait.

-Les amateurs de film d’horreur transgressif et expérimental devront absolument voir THE THEATRE BIZARRE, anthologie de six films réalisés par autant de créateurs (dont Karim Hussein et Richard Stanley). La bande annonce à elle seule est un des meilleurs films d’horreur de l’année.

-La comédie danoise CLOWN qui promet d’être décapante et inconfortable à souhait.

-Le thriller coréen THE UNJUST qui arrive avec une solide réputation et une brochette d’acteur avec la gueule de l’emploi!

-Les habituels (et bienvenus) films de Takashi Miike et Sion Sono

-Un documentaire sur le phénomène social des real life super-heros (parce qu’il le fallait…je veux dire un documentaire sur le sujet, pas des gars qui se déguisent en collants t’sais)


-Le director’s cut du Captain America d’Albert Pyun (au delà de 30 minutes de plus pour ce magnifique navet confit)!!!!!!

-Une mystérieux film en  3-D qui sera dévoilé prochainement!!!!

-Un Génie, deux associés une cloche en présence de Robert Charlebois (crisse! c’est saugrenu à lire cette phrase là!)

Il serait rébarbatif de tout énumérer ce que nous avons entendu et vu à la conférence de presse. Vous aurez bien assez de lecture devant vous d’ici les prochains jours

En outre, LES MYSTÉRIEUX ÉTONNANTS se feront un devoir de couvrir pour vous un maximum d’événements du festival. 

Cela dit, pour nous, trois incontournables se dressent déjà à l’horizon: 

-Le PINKU EiGA (film de fesse nippon folichon) Underwater Love, montrant les frasques sexuelles et amoureuses d’un Kappa (un homme tortue) et d’une jolie dame, sur fond de mièvreries bien senties et de frotte- foufoune bien graphique.
Avec une photo de Christopher Doyle et une trame sonore de Stéréo total! Quand ces informations furent diffusés à la conférence, un individu a échappé un « WHAT!??! » de circonstance.

MUSTANG de Marcel Lefebvre, un western hybride et introuvable de chez nous avec les chanteurs de country Willie Lamothe de Bobby Hachey. Une vrai bénédiction.


ART/CRIME, le film par lequel toutes les polémiques devraient irrémédiablement suivre. Ce documentaire sur le controversé Cas Rémy Couture va faire couler de l’encre et du sang  en terre Québec, c’est garanti.


En bref, bon festival et un énorme merci au gens de Fantasia pour les inévitables frissons à venir.!!

 

FRANCIS OUELLETTE

Jodorowski et son influence sur les mystiques du comic-book

Si la réputation de Jodorowski en tant que réalisateur, artiste et mystique n’est plus à faire, selon moi, son travail en tant qu’auteur de bédé n’a pas encore droit à toute l’attention qu’il mérite—il devrait tout simplement être vénéré. Jodo écrit maintenant de la bédé depuis presque 50 ans. Il en créé systématiquement une à chaque année depuis le début des années 80.  Sa grande saga métaphysique créée avec Moebius, L’Incal, est largement considérée comme une des plus importantes bédés jamais produites. Plus encore, c’est son travail au sein de ce médium qui lui permet de continuer à pousser ses expérimentations narratives mystiques toujours un peu plus loin, sans contraintes budgétaires.

On sait que Jodorowski est lu partout dans le monde et que ses bédés sont publiées sous forme de comics aux État-unis. Cependant,nous ne savons pas l’impact véritable qu’il a eu sur d’autres bédéistes. Il semble peu probable que les auteurs de bédés « occultes » ne soient pas familiers avec son travail, particulièrement ceux de la « Nouvelle vague brittanique ».

Des créateurs comme Alan Moore et Grant Morisson, eux mêmes des magickiens reconnus, doivent forcément avoir lu l’INCAL non?  Ce sont-ils déjà référé à lui? Je me suis penché sur la question. Après moult recherche, voilà ce que j’ai trouvé.

Le personnage principal de l’INCAL, John Difool, est un héros typiquement américain. C’est un « minable détective privé de classe R », accro à la drogue, l’alcool et les putes, un peu lâche et pas spécialement brillant. Quand on connait la fascination de Jodo pour le Tarot (c’est d’ailleurs également  le cas de Morisson et de Moore, ce que l’on  peut constater à la lecture de leur Arkham Asylum et Promethea), on se rend compte que le nom du personnage  est hautement révélateur: John DIFOOL ou JEAN dit « le fou » ou John THE FOOL.

Dans le Tarot, Le fou, The Fool, c’est le Mat, l’arcane non numéroté. Certains « théoriciens » considèrent que le Mat débute cette narration linéaire initiale qu’est le Tarot, d’autres croient qu’il la termine. Pour Jodorowski, il est à la fois le début et la fin. En bref, c’est le personnage élusif et chaotique, peu conscient de son monde environnant. Il est peut-être celui qui commence un parcours les mains vides ou qui le fini dépouillé de toutes contraintes. On remarquera qu’un chien le suit: il mord peut-être le fou, qui reste indifférent, ou essaye de l’empêcher de tomber dans un gouffre. Dans l’Incal, John Difool est affublé d’un animal occupant précisément le même rôle, un oiseau nommé Groot. Le parcours de Difool commence et se solde par ailleurs en sombrant dans un gouffre, au moyen d’une ellipse rappelant un ruban de …Moebius (aucun lien de parenté direct!):

Ce sera la grande mission de John Difool de briser le cycle karmique de ses chutes en éveillant sa conscience. C’est la leçon que lui fournira Dieu-Le soleil- le Monde,la lumière divine au centre de l’univers dans l’épiphanie de la conclusion. C’est la fin des temps et le monde renaitra de ses cendres. John Difool sera de cette renaissance et il doit s’en souvenir.

Maintenant, sautons à Alan Moore. En 1997, Moore écrit pour Image et Wildstorm studio. Il compose durant cette période une des plus bouleversantes histoires de sa carrière, restée tristement peu célébrée. Le titre: Mr.Majestic: The big chill. Une bouleversante oraison funèbre pour un univers.

C »est la fin du monde. Il ne reste que quelques survivants, alors que les étoiles meurent et le froid éternel s’installe: Mr. Majestic (copie de Superman à peine déguisée et exploitée comme telle par Moore), EUCRASTIA la vampire, Jijimotu, un dieu extraterrestre indigène, APTIMAXER un super-héros cosmique d’inspiration Kirbyenne , GEMETH, une intelligence artificielle qui « calcule » les 9 milliards de noms de dieu (Arthur C. Clarke n’est jamais loin quand on veut faire dans la métaphysique!), Lord MATH, incarnation abstraite de l’arithmétique, le démon DANTALION, une souche intelligente de syphilis qui passe de cors en corps qui s’appelle SIMBERLEEN et MANNI WEIS, qui est nul autre que le juif éternellement errant de la légende hébraïque. Ce dernier, on le devinera, est également rien d’autre qu’une version juive du MAT, à la manière de John Difool.Cette improbable ménagerie de personnages forment une famille. Ce sont les derniers survivants de l’univers et ils se préparent à mourir.

À la toute fin, Mr.Majestic ira jusqu’au centre de l’univers pour mourir. Il y trouvera ceci:

Allez revoir le dessin plus haut juste pour le plaisir de la comparaison.

Mr. Majestic sera invité par cette entité « divine » à assister à la naissance d’un nouvel univers, dont il fera partie.  D’ailleurs, l’entité en question, il faut l’avouer, ressemble à s’y méprendre à Alan Moore, avatar de Dieu dans sa création. Toute cette histoire n’est rien de moins qu’un magnifique hommage à la cosmogonie de Jodorowski.

Grant Morisson maintenant. Son dérangeant pamphlet métaphysique,  THE FILTH. Dans le numéro 6 de la série, The Worlds of Anders Klimakks, nous sommes introduit à un pornstar qui a la particularité de produire un sperme noir comme de l’encre, absolument fertile et  irrésistible pour les femmes parce que chargé d’une phéromone spéciale.  Un réalisateur de porno sadique pratiquant l’occultisme veut « reproduire » la semence de notre héros à des fins troublantes que je vous laisse découvrir par vous même.

L’aspect physique de Klimakks a décidément quelque chose de  familier. Quand, à l’instar de Difool, on le voit faire l’amour dans un bain plein d’une forme de vie gluante que le héros « fertilisera », il n’y a plus de coïncidences possibles. Après ces scènes de bain érotique dans le protoplasme vivant, nos héros auront fertilisé la planète d’une multitude de bébé à leur image. Une société totalitaire où tout le monde est identique à nos deux héros.
Je rappelle le titre des deux histoires: The Worlds of Anders Klimakkks et Planète Difool.

Pour l’instant, ce sont là les deux manifestations les plus flagrantes d’hommage à Jodorowski que j’ai pu trouver dans d’autres bédés.  J’imagine  cependant qu’il y en a bien d’autres et j’invite nos lecteurs qui les connaîtraient à nous le faire savoir.

Au final, ce qu’il y a d’important dans ces références voilées, c’est qu’elles sont bien plus que de simples recyclages, hommages ou références. Ce sont des incantations. Moore et Morisson sont des magickiens qui invoquent les créations d’un maître à penser,  des sorciers penchés sur le grimoire d’un prédécesseur prolifique.

-FRANCIS OUELLETTE

« Caller » l’originel (ou keepin’ it Riel!)

Je tiens à préciser tout de go que ce papier n’est pas une vulgaire plogue pour mon podcast sur le cinéma, le 7ème antiquaire. Ce n’est pas non plus une séance d’auto congratulations. En fait, si je vais y faire référence, c’est que le sujet est directement pertinent pour les Mystérieux étonnants. C’est aussi qu’il y a parfois dans la culture de ces magnifiques synchronismes où un zeitgeist (pour toi celui là Chen!) est saisi fermement par plusieurs mains en même temps. Il faut en parler!

Au 7ème antiquaire la semaine dernière, je parlais de la nécessité, voire même de l’urgence de se créer et d’exalter une mythologie nationale moderne sans qu’elle soit pour autant contemporaine. J’adressais l’aspect vital de la question. Il va de soi que les Mystérieux étonnants s’intéressent de très près à cette thématique: notre appétit pour la culture populaire et les archétypes transcende le simple divertissement. C’est pour nous question d’émerveillement.  Nous fantasmons littéralement de voir nos espaces, nos légendes, nos héros oubliés devenir de véritables symboles invitant à l’inspiration. Nous voulons les voir en bande dessinée, en jeux vidéos, et plus que tout, au cinéma. Nos voisins d’en dessous croulent sous le poids de leurs panthéons en constante expansion. Aucune raison pour que ça en soit pas notre cas, malgré le jeune âge de notre nation.

J’aurai le culot de vous étamper mon papier sur le sujet au grand complet ici, parce que la coïncidence trop belle est survenue. Cliquer sur la photo du bas si jamais vous voulez écouter l’émission:

Cette semaine: de la nécessité de se créer un espace mythologique québécois. CJe « call » l’originel. Je le fais par ailleurs seul, indépendant, pour la première fois en 4 ans. Cette émission en solo me permettra d’exalter (vous allez entendre ce mot là au moins 10 fois à l’émissions et je m’en excuse) ma fibre patriotique, qui a décidément les mailles slaques en vieillissant. Je suis tricoté moins serré, en somme. En fait, c’est moins le Pays que je veux célébrer que la Terre, celle de la légende.
Est-ce que le Québec a une aversion envers sa propre mythologie ? En avons-nous une à proprement parler? Si oui, sommes nous frileux quand vient le temps de l’exalter? En terre Québec, si le JE ME SOUVIENS a de plus en plus la mémoire courte, nos mythes sont forcément contemporains; chanteurs populaires morts voilà deux heures, aviateur aux nerfs d’acier, petits criminels expulsé d’un page du Allo police. Symptôme d’une culture sclérosée par la litote? Malgré son efficacité à chatouiller la couenne idéologique, notre cinéma est-il le bon outil pour s’inventer un panthéon, captif des trop nombreuses contingences économiques?
Il n’est pas seulement question ici de célébrer les héros nationaux, populaires ou non, ou même (ce qui serait hautement salutaire) de s’en inventer. Pourquoi aucune Chasse-galerie, aucune Corriveau, aucun Joe Monferrand ou Alexis le trotteur au cinéma? Il est d’abord et avant tout question de raviver les mythes ou même de s’en gosser quelques uns de circonstances.

Le terroir archaïque contre le terroir archétype. Le coureur des bois dans un « road movie » stationnaire. Le bucheron, le draveur, la trappeur, des titans que se battent  contre l’immensité. Si vous n’en voulez pas, que ces demi-dieux soient transposés sur le bitume, avec des passions semblables et le même souffle (ne me dites pas que c’est impossible. Mémoires Affectives de Francis Leclerc avait tout compris de cette problématique l’avait fait à la perfection).

Voulez vous ben me crisser patience avec vos arc-en-ciels de vos gens heureux qui se donnent la main comme ans une pub de Benneton? Pour respecter l’autre, faut d’abord se reconnaitre soit même avec ses évidences, ses faiblesses et ses  laideurs. Après, on peut écouter l’autre.Je plains le futur pays, qu’il soit sur papier ou non, qui n’aura pas sa cosmogonie.

Voilà pour le papier initial.

Quelques jours plus tard, Fred Pellerin résume en paroles sublimes ce que je me suis égosillé à faire pendant une heure de radio.

Deux autres jours plus tard, une amie m’envoie ces images. J’en reste pantois.


Ces magnifiques images proviennent-elles d’un film sur Alexis le trotteur? Le personnage lui ressemble. Ces images, on les diraient tout droit sorties d’une magnifique bédé à propose de notre coureur légendaire qui se prenait pour un cheval.

Je regarde une bande annonce, que vous pouvez (devez)  regarder en cliquant ici.

Je suis profondément saisi par l’émotion. Cette petite bande annonce est sublime. On jurerait une bédé qui serait mise en scène pas Jeunet.  Notre version québécoise du mythe américain de John Henry. C’est précisément ce dont je parlais depuis le début. Cette bande annonce fait en images ce que Fred Pellerin fait avec la parole.

Mais qui a réalisé ce truc?

Je tombe sur le cul. Deux gars. Arnaud Brisebois. Un gars qui a fait des effets spéciaux pour pour 300 (tout prend soudain du sens) Fantastic four et Sky Captain. et pas mal de dessins pour des comics. Et Francis Leclerc… fils de Félix. Le gars qui avait également tout compris avec son film Mémoires affectives, qui possédait déjà de profondes inflexions mythologiques, dans ses thèmes comme son iconographie. Je n’étais pas au courant. Apparemment, c’est un court métrage de 8 minutes, intitulé Trotteur.

Et puis, il y a de la neige. Enfin, un retour de la neige à l’écran, si fondamentalement nécessaire a notre mythologie.

Je voudrais remercier personnellement Brisebois (quel nom magnifiquement approprié) et Leclerc (quel nom magnifiquement approprié) d’avoir fait ce court que je n’ai pas encore vu qui donne le coup d’envois à une course épique qui, je l’espère, ne fait que commencer