Hier soir, Simon Laperrière (programmateur à Fantasia et donc forcément cinéphile de haut vol) me parle avec passion des dessins animés qui ont hanté notre enfance. Nous en arrivons au constat péremptoire que la plupart de ce trucs que nous regardions étaient totalement étranges et parfois même malsains. Même des films se voulant a priori inoffensifs qui jouaient à Ciné Cadeau étaient parfois un peu trop chargés pour nos jeunes âmes pures (et c’est tant mieux).
Dans une moment de synchronisme éthéré, nous nous rappelons une animation japonais de Dracula qui jouait dans les années 80 durant le temps des Fêtes. Seuls souvenirs que nous avons: Dracula y combattait Satan mano à mano (un Satan rouge ,cornu et classique vraiment cool, à la manière de Darkness dans le film Legend) , il y mangeait un burger, on voyait probablement l’Ange Gabriel et un Van Helsing en chaise roulante. Mais qu’est-ce que ça pouvait bien être ce truc de ouf? Allait-on détruire ce Twonky?
Eh ben oui!
Ca s’intitulait Dracula: Sovereign of the damned (ou Emperor of Darkness:Vampire Dracula)
Si le look magnifique de pimp arboré par Dracula sur cette image vous est familière, frères et soeurs geeks, c’est que cette animation japonaise et une adaptation de Tomb of Dracula, la superbe série de comic de Marvel par et Marv Wolfman et Gene Colan. Oui oui. (Qui a volé le cercueil de Dracula??? Faut être complètement suicidaire!)
Pour ceux qui ne le savent pas, Dracula est un vilain récurrent dans le Panthéon de Marvel (assez puissant par ailleurs): il a combattu Spiderman, a battu Doctor Strange sur son propre champ de bataille mystique, a mordu Silver Surfer, il a même crissé une majestueuse mornifle à Wolverine. Il fait souvent chier Doctor Doom par ailleurs, son voisin. Blade était par ailleurs un personnage inventé pour combattre l’Empaleur dans les pages de la série.
Le dessin animé, Yami no Teisou: Kyuuketsuki Dracula (Dracula: Sovereign Of The Damned) (Emperor of Darkness: Vampire Dracula, 1980), produit par la Toei et réalisé par Akinori Nagaoka (qui a adapté Le Journal d’Anne Frank en anime!!!), est un ovni de la plus haute distinction.
L’histoire? Dracula vole la blonde de Satan parce qu’il est un sapristi de coquebloqueur. C’est que voyez vous, le vampire est en fait vieux comme la création(!). Il est une incarnation d’un mal cosmique et ancestral. Pour cette raison, j’imagine, ses crocs sont lumineux (et non pas son torse…ce n’est pas un stupide gogo-boy immortel) et les femmes qu’il vampirise on tendance à devenir bleue.Satan est un peu frustré et tout nuDracula ne veut pas qu’il baise sa blonde parce que sinon, ils vont faire un enfant le soir de Noël, une sorte d’Antéchrist trop méchant, même pour Dracula. Dans le fond, en volant la blonde de Satan, Dracula nous protège. Et il va au restaurent avec elle…tellement smooth qu’on dirait Tony Stark avec les sourcils de Spock:
Finalement, c’est le fils de Dracula qui va tout arrangé la patente. Il se trouve que le fils de Dracula, c’est Jésus. En fait, un Jésus qui s’appelle Janus et tire des rayons de lumière céleste par les yeux. Dracula perd ses pouvoirs et mange un burger.
Y’a des trucs comme ça qu’on croit avoir inventé lorsque nous étions jeunes, incapables d’appréhender les subtilités de ce que nous regardons. Il est bon de se rendre compte, plus de 30 ans plus tard, ce n’était pas le cas de ce film où Dracula mange un burger et coquebloque Satan.
Je dédie ce texte à notre confrère Simon Chénier parce que, let’s face it, je viens de l’imiter comme une vulgaire charrue.
Arborant une mullet/Longueuil graisseuse sortie des beaux jours de HARD TARGET, de même qu’un uniforme rappelant ostensiblement le « tuxedo canadien », JCVD continue avec brio la déconstruction de son mythe. N’exhibant pas même une seule fois son magnifique cul semblable à deux quartiers de cantaloup fraichement coupés, Wham bam Van damme n’a jamais été si glorieux. J’ai envie de me faire crisser de la Coors light direct dans le jambon par intraveineuse. J’aime tellement cette homme.
Et c’est dire: les « Muscles from Brussels » n’est pas en reste en ce qui concerne les moments glorieux et saugrenus.
Un top 5 rapide et nostalgique de ses grands moments est de mise, non?
1-Sa publicité de Worlds of Warcraft. Un classique que je cite quotidiennement. « UN MOUTON!!!! Parce qu’on est tous un peu mouton…tu sais? »
2-Sa danse au talk show brésilien avec son érection imprévue…et assumée! Quel homme!
3-L’inoubliable moment de philosophie ou on apprend avec Van Damme comment être AWARE.
4-Sa conférence de philosophie où on apprend qu’il est beaucoup plus facile de marcher sur la lune que de faire un enfant.
5-oh et puis tiens:, un petit montage de ses meilleurs moments cinéma: la cécité temporaire de Bloodsport, la danse en état d’ébriété de KickBoxer, la mullet au vent de Hard Target et tous les autres!
Sur une note plus sérieuse, on apprenait récemment que Scott Adkins allait être de la distribution de Universal Soldiers 4. Pourquoi est-ce une bonne nouvelle et qui est Adkins? Il est tout simplement le plus charismatique et impressionnant artiste martial américain à faire carrière en tant qu’acteur en depuis une bonne décennie. Malheureusement cantonné à une pléthore de DTV, il est néanmoins assez saisissant pour rendre ces films à la limite du divertissant. Il est en quelque sorte un émule de Van Damme à une époque où ce type de personnage est révolu. Il a été Deadpool-version finale dans Wolverine, le terrifiant Boyka dans la réjouissante et régressive franchise de Undisputed et l’inquiétant Spetsnaz de Tournament. Ce sera une prise deux très attendue pour Van Damme VS Adkins. Du moins pour moi. Quand on parle de Van Damme, les superlatifs ne sont pas nécessaires…ils sont vitaux.
Un émouvant texte du New york times (cliquer ici pour en faire la lecture) évoque les impressions d’un journaliste afro américain sur X-men:first class. Au cinéma avec son fils, Ta-Hehisi Coates constate que pour deux générations de fan, les x-men n’ont pas du tout la même signification. Sans condamner le film, il soulève qu’à sa création, les X-men étaient, en autre chose, une évocation de la montée des droits civils et une métaphore à peine voilée du peuple noir (la dynamique où Prof X est l’émule de Martin Luther King et Magneto de Malcolm X est plus que jamais scellée par le film), une dimension relativement ignorée dans cet opus. Aucune critique négative ici, juste une série d’observations totalement pertinentes. Cela dit: c’est encore et toujours un black (et un des pinacles de l’évolution qui plus est!) qui se sacrifie en premier dans le film! On jase. Car souvenez vous les enfants: au cinéma comme en bande-dessinée, ce sera encore et toujours l’homme noir qui sauvera tout le monde par son sacrifice, particulièrement pendant une invasion de zombie (une ironie qui n’en finira décidément jamais de me faire rire…si la référence vous échappe, je vous invite à écouter ce podcast sur Les Zombies au cinéma)
Un saut de l’ange vers le haut: des chérubins éblouis vont recevoir le Vertical supplex de leur vie éternelle. Dieu a créé le monde pour que son fils, un des plus importants de la création, règne en maître: Macho man Randy Savage, un homme parmi les mauviettes, passe au ring céleste rejoindre son manager, l’Unique.
(Par ailleurs, depuis que j’ai écris ce papier voilà quelques jours, cette illustration qui a lu dans mes désirs est apparue par magie sur les Internets!)
Je n’ai jamais été le plus grand fanatique de lutte du monde mais comme tout les jeunes geeks du monde, je m’en suis déjà mis jusque là, comme le disait Dalida. La lutte durant les années 80, c’est là que la démesure orgiaque de ce sport théâtral m’a saisi par le cœur.
Randy Savage me foutait les jetons. Je le détestais et je le trouvais ridicule et magnifique à la fois. Pour moi, c’était comme un Liberace qui ne joue pas de piano, avec des testicules de boeufs…qui casse des yeules. Quel spectacle donnait ce salopard, en dehors du ring comme dedans (quoiqu’il était toujours plus dangereux dehors) C’est grâce au showmanship de Randall Mario Poffo que j’ai un jour compris à quoi servait la lutte: ce n’est rien de moins que du théâtre athlétique où les hommes deviennent, l’espace d’un combat, des héros de mythologie…pour raviver les passions ancestrales du peuple. Ils sont les acteurs de la plus vieille pièce de théâtre du monde. C’est une lourde et vénérable tâche que Macho Man a remplie avec un brio hors du commun, pour notre plus grand plaisir à tous.
Aujourd’hui Macho man passe à la légende et là où il va, il aura déjà plusieurs milliers de fans qui attendent patiemment deux mots de sa bouche:
Récemment, ce fut le dixième anniversaire du film Artificial Intelligence, cette bouleversante fable restée essentiellement incomprise. Une timide commémoration, prenant la forme d’un blu-ray blu-ray anonyme (bien qu’attendu avec impatience par plusieurs) et la fête est finie.
Il me semble urgent (voir même vital) de retourner, 10 ans plus tard, sur la perception que les gens ont de ce film, question de lui rendre justice. Les perspectives erronées qui lui sont attribuées l’ont presque condamné. Ne pas apprécier le film, c’est une chose. Répéter ad nauseam les mêmes arguments pour l’exprimer, surtout quand il sont faux, est consternant.
C’est en 2001 que sort A.I. La date de sortie du « dernier » film de Kubrick, poétiquement, prophétiquement, évoque sa plus grande œuvre, la plus importante du cinéma à mon humble avis. Plusieurs d’entre vous le savez déjà, c’est un projet que Kubrick a développé pendant plusieurs décennies et qu’il a ensuite offert à Steven Spielberg de son plein gré, pour plusieurs raisons. Ce fut la rencontre entre deux philosophes, une symbiose créative, une fusion totale.
Au cinéma, je suis bouleversé par cette oraison funèbre de Spielberg, je suis convaincu de sa consécration, je suis catégorique qu’il est un des plus grands films de la nouvelle décennie. Ce qu’ Avatar aura été , je pensais qu’A.I le représenterait à l’époque. Et puis le public, le critique, le maniaque de Kubrick s’est prononcé. Rien n’aurait pu me préparer à cette réaction. Ma consternation fut complète mais plus encore, je fus profondément attristé par la condescendance généralisée de cette réaction.Devant cette réception glaciale, j’ai légèrement douté de mon jugement. Je me suis ensuite rangé: le film était venu bien trop tôt. Il faudrait probablement une décennie avant que le public ne comprenne ce qu’il a condamné. L’association à 2001 aura été de mauvais augure; rappelons nous que l’opéra cosmique de Kubrick avait eu droit également à ce genre d’accueil. Inutile de préciser à quel point on m’a trouvé prétentieux. De ma certitude émergea la colère. J’ai défendu le film becs et ongles presque une décennie. Depuis, je me suis assagi sur le sujet, mais non pas par résignation : j’ai eu le temps d’écouter ce que tout le monde pensait savoir du film. Aujourd’hui, je sais sans équivoque la raison de son accueil. Elle tient plus ou moins à 5 éléments qui sont répétés constamment par l’essentiel des nombreux détracteurs, sur le même ton, avec les mêmes termes, comme une litanie. Les voici, accompagnés une fois pour toute de rectifications…1-La perception qu’avait le public de Spielberg :en 2001, il se trouvait encore des gens persuadés que Spielberg n’était rien d’autre qu’une machine à blockbuster. C’est un préjugé généralement entretenu par un bon nombre de gens, y compris certains cinéphiles. Ils ont tendance a oublier ce que Spielberg a vraiment offert à son public, une balance entre le film d’auteur et le divertissement populaire, entre la virtuosité technique et l’émotion pure. Les intellectuels sont très souvent inconfortables avec le mélodrame, surtout quand il opère bien. Ils sont forcés à l’émotion et ça les indispose. Ils trouvent ça grossier et vulgaire. Pourtant, le mélodrame est un genre qui possède sa mécanique propre, à l’instar de l’opéra ou de la tragédie. Il ne se targue pas d’être autre chose. Le mélo, le vrai, le poignant, c’est un art que Spielberg maitrise à merveille.
Le grand public, lui, peut probablement nommé tout au plus une dizaine de réalisateurs et leurs films. Dans leur cas, Familiarity breeds contempt, tout simplement (ahhh tu sais…l’est comme ça Steven…les juifs et les martiens!).
2-L’usurpation du projet de Kubrick par Spielberg
Ce qui ne c’est jamais produit. Kubrick avait longuement pensé à Spielberg pour le réaliser. Selon lui, A.I demandait la sensibilité de quelqu’un comme lui, capable de comprendre l’enfance, de maîtriser l’émotion mais aussi un virtuose technique. Kubrick voulait faire le film avec un vrai robot! Il a simplement attendu que la technologie puisse lui offrir une alternative.
Si Kubrick était un cinéaste-technicien qui s’interroge sur la condition humaine, Spielberg est un humaniste fasciné par les aspects techniques du cinéma.
3-La Trahison de Spielberg envers Kubrick :
J’ai entendu cette phrase tellement de fois. La vision de Spielberg a contaminé celle de Kubrick. Les obsessions thématiques de Spielberg ont été engoncées de force dans le scénario original et patati…
Faux. La collaboration entre les deux fut très étroite. Comme ce fut toujours le cas chez Kubrick, les recherches, les storyboards, les sketches et le scénario sont des œuvres volumineuses. Elles furent respectées à la lettre par Spielberg. À la limite, il serait juste de dire que le projet de Kubrick avait déjà une facture…spielbergienne.
4-L’obsession pour le génocide et les extraterrestres:
Finalement, c’est vraiment de ça qu’on accuse le plus souvent Spielberg.
L’idée du génocide (des robots) est celle de Kubrick. Elle traverse d’ailleurs son œuvre assez souvent. Kubrick a longtemps travaillé à la conception d’un film sur le sujet intitulé Aryan Papers. Il l’a abandonné après avoir vu Schindler’s list, un des plus grands films de l’histoire du cinéma selon lui. C’est d’ailleurs ce film qui l’a finalement convaincu de donner A.I à Spielberg
Les « extraterrestres de la fin » (soupirs).
Vous savez, même si ça en était, le film ne perdrait rien de sa puissance. Par ailleurs, le Deus ex machina de leur apparition à la toute fin du film n’a rien de facile: c’est un processus scénaristique vénérable s’il en est (ne perdons pas de vue que A.I emprunte au conte).
La fin du film est tout de même traversée d’une certaine grâce. Cela dit, ces extra-terrestres, ce n’en sont pas. Les créatures de la fin sont l’évolution future des robots, désormais des êtres vivants à part entière. Ils sont des robots vivants, tout simplement. Un forme de vie synthétique parfaite. Les gens ont tendance à condamner un film si la fin les déçoit, comme si la qualité de l’œuvre au complet pouvait être annulée par les quelques minutes de la fin. Dans le cas d’A.I, l’incompréhension de la fin, causé par les préjugés du public, retire énormément de puissance au propos.
Si les robots angéliques de la fin sont désormais des êtres vivants, c’est directement à cause de la soif d’amour et des aspirations de petits robots comme David. Il fut le premier, l’initiateur, un homme parmi les singes. La simplicité de son désir aurait eu le temps de s’enrichir à travers les siècles jusqu’à ce que, virtuellement, elle devienne le balbutiement d’une essence. Il est la confirmation d’un passé lointain où cette race a commencée à désiré, vouloir et, au final, exister.
5-La fin naïve et mélodramatique:
Une lame à double tranchant. La fin l’est sans doute pour quiconque n’ayant pas saisi les éléments mentionnés plus haut. Dans quel cas votre lame est émoussée. La fin sera donc attribuée, préjugés obliges, à Spielberg. Le robot à simplement droit (certain diront que c’est suffisant) à l’amour de sa mère.
Dommage: la fin est on ne peut plus Kubrickienne; David a droit à l’illusion de l’amour. C’est la leçon ultime du film, profonde et lourde. La manquer, c’est écouter une fable et ne rien comprendre de la leçon finale parce qu’on est consterné par la faculté de parole des animaux.
Il n’y a aucune différence entre le simple désir binaire d’un robot et celui des hommes, provenant d’une ancienne programmation organique. Avant de vouloir être aimé, le singe n’a voulu qu’une chose. Survivre. Il en sera indubitablement de même avec les intelligences artificielles, dans le torrent des siècles. Selon Spielberg, le robot a des vrais émotions. Selon Kubrick, les émotions humaines sont un programme. Au final, tout le film est basé sur cette balance entre deux opposés qui disent la même chose.
Je conclus ma litanie. Je ne suis pas seul. Un nombre grandissant de gens sont de mon avis et le verbalisent de manière pertinente tous les jours sur Internet.
Cette année, Artificial Intelligence a dix ans. Y’a pas beaucoup de monde à la fête. On se revoit dans une autre décennie?
« maybe it’s not such a surprise that AI had difficulty finding a audience and ended up being one of Spielberg’s rare box office also rans. That was the price Spielberg paid for demonstrating the artistic integrity so many doubt he has, and for the ingenuity he is almost never given credit for. AI: Artificial Intelligence, though the most remarkable film of 2001, may prove to be a movie for the future. »
Un exercice inutile mais passionnant à l’usage des geeks finis. Pouvez vous nommer le 235s personnages de Star Trek pixelisés dans le dessin plus bas? Personnellement, je suis un trekkies de haut vol et une bonne cinquantaine m’échappent complètement (il faut dire que certains personnages proviennent même de Star Trek:Enterprise!!!)
Des véritables clichés de la deuxième guerre mondiale, retouchées par un dénommé Agan Harahap, où il a intégré des personnages de la culture populaire.
Certaine de ces photos sont assez émouvantes, d’autres sont carrément à se tordre de rire( Batman VS Fidel Castro)
Celle de Captain America est hautement inspirée, ce me semble.
Si la position octroyée actuellement à la bande-dessinée dans l’hégémonie littéraire est plus confortable qu’elle le fut jadis, il serait hasardeux d’affirmer qu’elle ait eu finalement droit à sa véritable consécration. Ne soyez pas scandalisés par mes propos, ardents défenseurs de l’art séquentiel. Intellectuels et littéraires ont beau se pencher de plus en plus sur le genre, ils le font assez parcimonieusement, question ne pas scandaliser leurs pairs en théorisant de façon trop sérieuse sur un genre considéré mineur par la majorité. Il faudra encore quelques générations d’académiciens pour que des études entièrement assumées voient le jour : pour ces amants du 9ème art, il est encore question de séduire des confrères rébarbatifs au genre avec un langage appartenant spécifiquement à ces derniers. Certes, la bédé remporte désormais des prix littéraires, elle est traitée dans des publications sur l’art et exposée en musée, mais il n’en demeure que ces initiatives sont encore et toujours des tentatives de séduction auprès d’une intelligentsia qui n’en a cure (ou qui est strictement séduit par la curiosité du moment). Les aficionados, vous le devinerez, n’apprennent absolument rien par le biais de ces initiatives. Ils sont au rendez-vous par amour.
D’ailleurs, on parle ici d’un intérêt pour un type bien précis de bédé; la franco-belge, la bédé d’auteur, le manga des grands innovateurs. Il en va tout autrement pour le comic-book, un genre qui est également décrié par bon nombre de bédéphiles. Ce que cette posture a de fâcheux, c’est queplus que toute autre forme de bédé, le comic-book possède certains mécanismes narratifs qui sont absolument uniques et qui offrent des surprenantes possibilités d’exploration conceptuelles. Les contingences mercantiles inhérentes au format sont littéralement responsables de plusieurs de ces plu fabuleuses explorations.
Je me plais souvent à servir un argument bien précis pour illustrer ce point. Un personnage comme Batman, qui existe depuis 1939, a été écrit au moins une fois à tous les mois depuis sa création et ce, au strict minimum.
Pour un personnage de cette taille, il va sans dire que les apparitions compte au nombre de milliers, sans compter les autres formes narratives exaltant ses aventures. Depuis des décennies, plusieurs centaines de créateur construisent, détruisent, déconstruisent les aventures de ce héros. Batman est le fruit d’une œuvre collective qui est en constante évolution depuis plus d’un demi-siècle; peu de genre littéraire peuvent se targuer d’avoir tentés de telles explorations.
Si quelques uns des auteurs ayant travaillé sur le personnage sont dignes des plus grands romanciers, il va sans dire que la majorité d’entre eux ne sont pas des virtuoses. Or, c’est là précisément une autre forme de contingence ajoutant de la richesse au personnage; pour toute histoire absolument horrible ou farfelue, les auteurs qui suivront sont libres de récupérer, ignorer, détruire, intégrer et recycler certain éléments. Elles peuvent devenir tour à tour des fabulations mentales, des souvenirs oubliés ou des échos d’univers parallèles. Imaginez une tentative d’unifier la Comédie humaine de Balzac au Rougons-Macquart de Zola par un collectif d’auteurs écrivant tous un seul et unique personnage sur une multitude de ton et vous serez encore loin de ce qui est accompli depuis plus de 70 ans dans les comics de Batman. Devant cet effarant volume de créativité consacré à un seul et unique héros, on peut se permettre une réjouissante et péremptoire déclaration : il est difficile, voire même impossible, de trouver un personnage littéraire plus complexe et riche que Batman. Le comic-book et ses constituants, qu’ils soient avantageux ou non, est un des rares médium narratif capable d’ériger un tel mythe.
À la lumière de ces constatations, j’ai souvent réfléchis à ce que Batman laissera comme héritage culturel, dans un avenir proche. Je suis maintenant profondément convaincu qu’une des plus grandes créations littéraires du 20ième siècle (et du nôtre) est née entre les pages de ce comic. J’ose une déclaration encore plus péremptoire: un des personnages les plus riches de toute la littérature américaine.
Le Joker.
Si le Joker n’a pas nécessairement eu le nombre faramineux d’apparitions de Batman, il va sans dire qu’il est assurément le vilain le plus exposé du médium, de même que plusieurs autres (aucun vilain de comic-bookn’a fait autant d’apparitions au grand et petit écran). Il est également un des personnages les plus protéiformes qui soit. Posons la question: en quoi le Joker serait-il sensiblement une création plus importante que Batman? C’est qu’en essayant de créer un vilain à la hauteur de cette figure de perfection héroïque et humaine qu’est Batman, les auteurs ont graduellement conféré au Clown assassin des traits de plus en plus riches et ambiguës. Il en a résulté une figure charismatique et élusive, qui éclipse souvent par sa seule et unique présence tous les autres personnages, un fou furieux génial parfaitement adapté à son époque violente et cynique.
Plus Batman devenait un personnage complexe, plus Joker devenait captivant. Il est devenu lentement mais surement une figure littéraire en constante expansion, à l’identité flottante, capable de se redéfinir lui-même et de se mettre en scène en tant que personnage. Il va sans dire que le Joker est désormais un archétype résolument Borgesien, pleinement conscient de la place qu’il occupe dans la fiction. Le personnage métafictionnel par excellence. Dans le jargon du comic, on dit que Joker est un des rares personnages à posséder une « conscience cosmique » ou une « conscience du comic » en cela qu’il sait précisément de quoi l’univers est fait et la place qu’il y occupe.
La cruauté inventive dont fait preuve le personnage est une mise en scène qu’il élabore consciemment pour divertir le lecteur (avec la complicité des auteurs…diront certain) Il est constamment sur scène et les gens sont des accessoires dont il se sert à sa guise. Pour Joker, l’existence est une monstrueuse blague ou nous ne contrôlons à peine que le punchline. Derrière le quatrième mur, le Joker est un souffleur. Conséquemment, le personnage sait très souvent se faire un habile philosophe (un aspect magnifiquement bien saisi chez le Joker du film de Nolan) et un encore plus redoutable métaphysicien.
C’est initialement au cinéma qu’on retrouve la figure qui a inspiré le Joker : le personnage de Conrad Veidt dansThe man who laughs de Paul Leni (1928),selon les déclaration de leur créateur Bob Kane et Bill Finger.
Ce que Joker empruntera au cinéma, il le lui rendra par ailleurs au centuple. Dans une scène de ce film adapté d’une nouvelle de Victor Hugo, le rictus figé en permanence du héros tragique Gwynplaine est révélé au spectateur en gros plan, le visage bien centré par la caméra, passant le visage à travers un rideau (celui du quatrième mur). Pour la première fois, il tente de passer dans notre monde.
L’aspect physique du Joker y est déjà presque en totalité mais aussi une dimension tragique dont le spectateur est complice, proposée par des plans de caméra habiles et suggestifs, un aspect que les meilleurs auteurs de Joker sauront exploiter à merveille .
Initialement, Joker est un trickster qui élabore copieusement des crimes thématiques; cartes à jouer, jeux piégés, vols avec indices laissés derrière. Fait peu mentionné: il est aussi un assassin d’entrée de jeu. Dès sa premières apparition (Batman #1-1940), il laisse derrière lui des victimes au visage couvert d’un rictus, courtoisie d’un poison de sa confection, son venin. Déjà, sans pour autant interagir directement avec le lecteur, le Joker apparaît comme un personnage soucieux d’appliquer un certain sens du panache dans la mise en scène de ses meurtres, un esthète du crime, un Moriarty pour le genre Noir. Comme s’il était soucieux d’un public qui pourrait l’observer. Si les super vilains sont des adeptes du soliloque, Joker se fait un devoir de communiquer les siens aux lecteurs en leur faisant face. Alors que les décennies passent, les mises en scène du personnage deviendront un théâtre grandiloquent de la cruauté. Dans un série portant son nom publiée dans les années 70, il tuera pas moins de 7 personnes, un nombre effarant pour l’époque. On le verra tour à tour violer des gens après les avoir dépouillé de leur peau, faire exploser des autobus plein d’enfants, forcer des parents à manger des soupes constituées de leur rejetons et assassiner un massive partie de la ville de Gotham avec une pluie de verre empoisonnée. Le nombre de meurtres perpétrés par le personnage dépasse les milliers (même en excluant les histoires oû il prend possession de pouvoirs faramineux comme EMPEROR JOKER et va jusqu’à détruire l’univers!)
De sa propre déclaration , Joker se considère le Orson Welles de la mise en scène criminelle.
Pour les autres, Joker est un fou ne reconnaissant pas la valeur de l’existence humaine, tantôt espiègle, tantôt meurtrier, à la convenance de ses inspirations. Ses gestes sont pour lui sans conséquences parce qu’il possède, à des degrés variant d’un auteur à l’autre, une conscience de sa propre fonction diégétique. Plusieurs moments inoubliables définiront le personnage selon cette perspective.
C’est probablement dans Death in the family (1988, de Jim Starlin et Jim Aparo) que Joker passe littéralement le quatrième mur pour la première fois, du moins de manière conceptuelle -cette distinction revient en fait au Killing joke d’Alan Moore, publié quelques mois auparavant, mais la méta-textualité de Joker y est infiniment plus subtile. Dans cette histoire où on le voit, terrifiant, battre au seuil de la mort Robin à grand coup de barre à clou, le personnage nous est montré de face, comme un chef d’orchestre s’agitant dans une symphonie grand-guignolesque.
Hannibal Lecteur n’en fera pas moins 3 ans plus tard. Dans ce meurtre unique dans l’histoire du comic, Joker avait une légion de complices; la mort de Robin était le résultat d’un vote populaire organisé par DC comic permettant de déterminer auprès des lecteurs si Robin devait mourir ou non. Un processus qui émule les beaux jours du cinéma interactif de William Castle; dans son film de 1961 Mr. Sardonicus, les spectateurs pouvaient décider de la mort du personnage principal, aux traits décidément familiers…
Une majorité écrasante de lecteurs voudront la mort de Robin. Rappelons que le film Funny Games (1998) de Michael Haneke, qui sortira une décennie plus tard, jouait précisément sur un principe méta fictionnel de complicité entre le créateur-spectateur-personnage dans la démonstration de la violence (dans le remake de 2007 de Haneke, le personnage de tueur joué par Michael Pitt ressemble à s’y méprendre au Joker interprété par Heath Ledger dans The Dark knight. Ces coïncidences inquiétantes gravitent souvent autour du personnage). Joker jouait déjà avec ce principe de complicité des lecteurs. Dans ces cases désormais classiques, le Joker semble jouir de notre participation à la tuerie. Après tout, les gens voulaient bel et bien voir Robin mourir. Joker remporte à ce moment sa première grande victoire contre Batman. Les lecteurs l’adorent. Par la suite, ils seront souvent les complices coupables du Clown du crime.
Les grands auteurs de « l’invasion britannique » , Alan Mooreet Grant Morisson en tête, véritables chantres du déconstructivisme narratif , se feront un plaisir d’amener par la suite le personnage dans des zones d’explorations pures. Au début, avec le choc du séminal The Killing Joke (1988), où une potentielle origine du personnage est élaborée. Le clown la démentira à plusieurs reprises, la proposant simplement comme une histoire parmi tant d’autres. Dans cette page magnifique dessinée par l’artiste de The Killing Joke Brian Bolland, on constate que la conscience méta textuelle de Joker va jusqu’à ses incarnations cinématographiques:
Dans cette origine proposée par Alan Moore, un seul aspect ne semble pas avoir été envisagé par Joker (peu de gens semble faire le lien, étrangement); il est une variation sur le thème d’origine de Plastic man, personnage avec lequel il partage bon nombre de caractéristiques; morphologie, passé de criminel raté, sens de l’humour douteux, folie et personnalité malléable. Alan Moore aura probablement fait ce subtil emprunt tout à fait volontairement. Dans ce texte aussi dense qu’il est court, Joker prend conscience de l’absurdité de son existence après sa renaissance dans un baptême de feu au produit chimique. Caquetant son premier rire, il se retourne vers le lecteur et le regarde droit dans les yeux, dans un dessin désormais légendaire.
Joker est né.
Il est maintenant conscient de la nature de l’univers dans lequel il vit; c’est une gigantesque farce qui ne fait pas le moindre sens (c’est une histoire sur laquelle il n’a pas le moindre contrôle) . Dans un monde oû le chaos est la seule constante, la cruauté est une réponse logique. Pour la première fois, le Clown prince du crime s’adresse directement aux lecteurs dans une série de narration particulièrement acides sur la banalité des gens normaux. Il fait aussi cette surprenante déclaration, lorsque Batman propose de l’aider:
C’est aussi dans The Killing Joke que Joker effectue sa deuxième grande symphonie de cruauté; il fusille Batgirl, (on suppose aussi qu’il la viole) pour ensuite montrer des photos de son corps tuméfié à son père, le commissaire Gordon, séquestré, humilié et en état de choc. Dans un plan de caméra subjective évoquant la première scène brisant le 4ème mur de l’histoire du cinéma dans The Great Train Robbery (1903), Joker nous pointe littéralement de son arme à feu, nous narguant. Rien pourra l’arrêter.
En 2007, Geoff John revisitera cette histoire en intégrant dans la trame narrative le personnage de Booster Gold (Booster Gold no.2 « No joke »), un voyageur temporel chargé de stopper ce crime. Il aura beau essayer plusieurs fois de manières différentes de reculer dans le temps pour changer ce moment, il n’y arrivera jamais. Joker est littéralement conscient de ce qui va se passer à toutes les fois. Le chaos de son monde lui appartient. Il en est un puissant avatar. Le modus operandi présenté dans Death in the Family est ici répété : Joker attaque un protégé de Batman et l’essentiel des sévices se passent hors-champ. Dès lors, le Joker s’adressera régulièrement au spectateur en tant que narrateur ouvertement omniscient; il le fera souvent avec brio et pour notre plus grand bonheur dans la brillante série animée de Bruce Timm The Batman adventures:
Dans la première histoire du Batman 80 page Giantintitulée Reality check (Peter Miriani et Szymon Kudranski, 2011), Joker entretient une conversation à propos de ses « amis imaginaires » avec un prétentieux prédicateur de thérapie psycho pop. D’entrée de jeu, il annonce au thérapeute qu’il le tuera à la toute fin de l’histoire. Nous aurons droit à la thérapie au grand complet, des tests de Rorschach jusqu’à la psychanalyse. C’est en fait aux lecteurs que le Joker se confie tout au long de cette histoire. Particulièrement en lui servant le mantra des adeptes de la magie du Chaos: rien n’est vrai, tout est permis. Observez la case numéro six: « j’ouvre les yeux et observe le monde…et pour la première fois, je vois directement à travers, de l’autre côté… On confirme ici l’approche d’Alan Moore. Joker a vu ce qu’il y a de l’autre côté du monde: il y a nous, les lecteurs.
Le thérapeute demande à Joker s’il a déjà considée que ses fans imaginaires sont probablement le fruit de son imagination. Le réponse du Joker dit tout. Joker n’a pas d’amis imaginaires; il a un public comme lui, assoiffé de sang.
Après le meurtre du thérapeute, Joker regarde le lecteur et lui fait ses salutations.
Dans l’histoire intitulée Laughing fish (Batman #475, 1978), il tourne lui-même la page du comic en souriant au lecteur. Le Joker sera également le narrateur omniscient d’une mini-série où il présente d’autres vilains de l’univers de Batman incarcéré dans l’Asile d’Arkham, Joker’s Asylum, à la manière de Tales from from the crypt et de son présentateur, the cryptkeeper.
Joker passera d’ailleurs une majeure partie de son temps entre les murs de cet asile. Le lecteur sait que son incarcération est volontaire; il est là chez lui et il peut en sortir quand il veut. C’est dans le Arkham Asylum (1989) de Grant Morrison qu’on propose un aspect du personnage pour la première fois: Joker serait en fait atteint d’une forme de Super équilibre mental lui permettant de s’adapter à la dureté des drames qui ont criblés son existence. En outre, la connexion que Joker possède avec l’Asile est presque de nature mystique. La conscience quasi chamanique du personnage semble y agir comme un catalyseur.
Cette image puissante confirme cette théorie:
Joker est dépeint comme une figure vampirique, il est un parasite se nourrissant de la folie et de la tristesse traversant les couloirs de l’Asile, qui a en retour besoin de lui pour se donner une voix. Dans Arkham Asylum, le clown n’est rien d’autre que le locuteur de l’âme damné des lieux. Joker est à l’asile d’Arkham ce que Jack Torrance sera pour l’Hôtel Overlook dans The Shining (Jack Nicholson, Jack Torrance, Jack Napier… Joker…Jack, Jack Jack, Saucy Jack). Dans la fable de Morisson, le talent de l’artiste Dave Mckean contribue profondément à exalter la mystique du personnage. Joker y est en effet le seul à ne pas posséder de phylactère et la taille des lettres lorsqu’il parle est variable. Son langage est ici dépouillé de tout encadrement, libéré de sa structure, à l’image même du personnage. Joker gagnera une autre des ses nombreuse victoires en disant ces mots troublants à Batman, lui prouvant que leur relation est bien plus profonde que le héros voudrait se l’avouer : « Souviens toi Batman…si la vie devient top dur dehors…tu es ici chez toi! ». Plus encore, dans un moment inoubliable de la bédé, Joker donne une solide claque sur les fesses de son ennemi et fait des références plutôt salaces aux jambes bien douces du jeune Robin:
L’identité de Joker est absolument libérée de toutes contraintes, y compris de nature sexuelles. On se souviendra du costume d’infirmière de Heath Ledger dans le film de Nolan. Profondément et ouvertement sadomasochiste, il obtient autant de plaisir à torturer qu’à recevoir les coups virils de Batman. En fait, on pourrait théoriser que le plaisir sexuel de Joker passe par Batman.
Quand le Joker se retrouvera affublé d’une petite amie, Harley Quinn, dans le dessin animé Batman Adventures, elle deviendra vite la figure de l’esclave sexuelle parfaite, satisfaite seulement dans la servitude.
Ce personnage créé pour l’émission, jeune psychiatre poussée à la folie par Joker, deviendra si populaire qu’elle sera intronisée dans le canon de la bande-dessinée. Permettons-nous ici une digression : ce n’est pas les auteurs qui ont voulu cette transition, mais bel et bien Joker, conscient de ses divers degrés d’existence diégétique, qui a trainé sa copine d’un médium à l’autre. Il verbalisera d’ailleurs souvent à la belle à quel point il regrette sa décision. Dans les comics, la dimension sexuelle du personnage sera pleinement exaltée, jusqu’à la voir affublée d’un costume de latex digne des plus grandes soirées fétiches.
C’est dans un comic mettant en scène ce personnage, le Mad Love de Paul Dini et Bruce Time qu’on comprend le plus profondément les motivations du Joker. Harley Quinn réussira presque à tuer Batman, (avec un plan de Joker qui plus est!),ce qui entrainera le courroux de son amant. Pour Joker, il n’est pas simplement question de tuer Batman. Il est question de le faire avec élégance. Plus encore, il n’est même pas question de le tuer du tout ; Batman lui appartient. À ce moment, Harley Quinn devra comprendre qu’elle sera toujours le second violon dans une relation privilégiée et qu’il lui revient d’être une compagne servile. À quelques occasions, Joker se fera même le défenseur de son ennemi; pas questionsque personne d’autre que lui abuse de son ennemi intime. L’inverse se produira aussi à quelques reprises. Dans le crossover de Batman Vs Punisher de Chuck Dixon et John Romita Jr., Batman empêchera le meurtre de Joker aux mains du Punisher. Dégouté, le Punisher servira cette profonde déclaration à Batman: « Vous allez bien ensemble. Cet imbécile ricanant et toi vous êtes fait l’un pour l’autre »
Cette ligne de Heath Ledger dans Dark Knight résume parfaitement bien cette position :
« Don’t talk like one of them. You’re not! Even if you’d like to be. To them, you’re just a freak, like me! They need you right now, but when they don’t, they’ll cast you out, like a leper! You see, their morals, their code, it’s a bad joke. Dropped at the first sign of trouble. They’re only as good as the world allows them to be. I’ll show you. When the chips are down, these… these civilized people, they’ll eat each other. See, I’m not a monster. I’m just ahead of the curve ».
En l’occurrence, Joker sait que si Batman ne le tue pas, ca n’a absolument rien à voir avec le code d’honneur de ce dernier. Joker ne peut pas mourir parce qu’il est trop important dans l’histoire. Si dans le Dark Knight returns de Frank Miller, Joker se suicide en se craquant lui-même la nuque, ce n’est que pour prouver un point ; Batman ne pouvait pas le tuer, qu’il le veuille ou non. Le suicide de Joker est d’ailleurs sans conséquences. Le personnage reviendra sous une forme ou une autre et il le sait.
La conscience métatextuelle de Joker va si loin qu’elle lui permet de savoir ce qui se passe dans le monde du comic en général et ce, à un niveau qui dépasse la simple narration. Ainsi, dans un numéro de Swamp thing, il arrête de rire l’espace d’une case durant un effrayant cataclysme d’envergure cosmique, alors qu’il s’esclaffait quelques numéros précédents en lisant la Critique de la raison pure de Kant.
Ce cataclysme cosmique, c’est évidemment un événement narratif qui s’appelait Crisis on infinite earth. Quand une compagnie de comic décide de créer un événement narratif quelconque, Joker est littéralement conscient de la chose. Ce sera le cas aussi dans Infinite Crisis no.7. Lex Luthor, désireux de trouver et tuer Alexander Luthor, son double d’un univers parallèle demande l’aide de Joker. On croit Joker frustré de ne pas avoir été respecté en tant que vilain et en étant exclus dans l’événement cosmique orchestré par le double de Luthor. On se rend vite compte qu’il est en fait offusqué de ne pas avoir été inclus dans le contexte narratif de l’événement. C’est par le biais de sa conscience métatextuelle que Joker peut retrouver un Luthor fuyant à travers les dimensions et l’assassiner.
Un petit message laissé derrière de la part du Joker: On ne peut pas faire une bonne histoire sans lui. Par ailleurs, La relation qu’entretient Joker avec Luthor, son allié occasionnel et récalcitrant, prend parfois des tournures hautement inspirées. C’est que Lex Luthor est au final une version profondément narcissique et despotique de l’alter ego de Batman, Bruce Wayne. Joker ne peut avoir la moindre tolérance pour ce vilain assurément génial mais à ses yeux sans originalité. Dans Action Comic # 897 , il tiens le plus sérieusement ses mots à l’ennemi de Superman:
« Je ne sais pas si tu as remarqué (Luthor), mais je ne suis en quelque sorte rien d’autre qu’un archétype, un fait que j’assume consciemment…et il s’avère que les archétypes en attirent souvent d’autre! »
Dans cette histoire, Joker a pu littéralement épier, à travers un trou dans l’espace temps, une conversation entre un Luthor fraichement trépassé et l’incarnation de la Mort. Rien de plus normal; il la envoyé tellement de gens à cette dernière qu’il la connait personnellement. Il a forcément une relation privilégiée avec elle. Ça ne s’arrête pas là. Le Mort en question avec laquelle parlait Joker était le personnage créé par Neil Gaiman pour sa série Sandman, récemment intronisée au canon régulier de DC comics. Joker, conscient des moindres changements à caractère cosmique modifiant son univers, était simplement au courant de la venue du personnage. Joker est aussi le seul personnage qui demeure conscient d’avoir participé à un crossover entre Marvel et DC. Quand il rencontre Spider-man pour la deuxième fois, il se souvient de lui : Il l’avait déjà rencontré un an auparavant dans un crossover précédent avec Batman.
Au final, la conscience de son statut métatextuel confère à Joker une série de facultés intra diégétique qui font de lui un des vilains les plus efficaces qui soit, mais aussi un personnage bien de son époque, en deçà de toutes formes de moralité et savourant chaque minutes de sa perdition. Un véritable anti-héros nihiliste. Une grande création littéraire.
S’il n’en tenait que de ces quelques éléments, Joker serait déjà un des personnages les plus innovateurs du genre. Or, son génie ne tient pas seulement à une métatextualité appelant la complicité du lecteur, une identité aux contours constamment redéfinis ou une inventivité d’une cruauté troublante. La chose va beaucoup plus loin. Quand la mort de Heath Ledger fut annoncée, les gens qui connaissait un tant soit peu le Joker ont tous pensé la même chose: on ne pouvait pas incarner de façon aussi profonde un tel concept sans être le moindrement du monde affecté. Être le Joker aura peut-être tué Ledger. L’idée du Joker, le concept du personnage est un virus hautement infectieux et séduisant. On retrouve ce virus dans toutes les cultures; c’est celui du Trickster…et ce sont des Tricksters qui ont fait notre monde.
Qui n’a jamais voulu un jour simplement « passer de l’autre côté », sans crier gare? Qui ne s’est jamais dit que la vie n’a pas la moindre logique et que le chaos et la seule option? Qui n’a jamais commencé à rire devant l’horreur en se demandant quand il devait s’arrêter?
Vous avez probablement croisé un Joker aujourd’hui dans le Métro ou au restaurant. Joker, c’est vous et moi, après la pire journée de notre vie. Vous et moi, après un cruel croc-en-jambe du destin. Vous et moi, et tout ce qu’on cache parfois derrière notre sourire
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« Humor is just another defense against the universe ». Mel Brooks
« Tragedy is when I cut my finger. Comedy is when you fall into an open sewer and die ».Mel Brooks
« I believe the common character of the universe is not harmony, but chaos, hostility, and murder ».
Dans son papier hautement pertinent, notre pote ‘xim Sauriol parle du regain de popularité de Godzilla, en ce moment précis où le Japon vit des cataclysmes qui font penser tout de go à ceux que pouvait déclencher le grand saurien atomique. Inutile de vous dire que depuis le commencement de ces cataclysme, bon nombre de cinéphiles, nous y compris, font l’association avec Godzilla, avec un degré autrement différent de frissonnement.
S’il peut sembler irrespectueux d’associer les drames véritables des japonais à leur création la plus populaire, nous pensons, à l’instar de Sauriol, que c’est une nécessité d’aspect catharsique. Comme les grands monstres de l’expressionnisme allemand, véritables mise en garde presciente contre les despotes à venir, Godzilla était à sa genèse l’évocation sérieuse des angoisses d’un peuple, une métaphore évidente pour la peur des cataclysmes et de l’énergie nucléaire. De nos jours, la pertinence de certains épisodes de la franchise est tristement perdue auprès des occidentaux non-initiés. Le 7ème Antiquaire vous propose de faire la découverte de cette création importante qui, plus que jamais, évoque la prescience de l’imaginaire d’un peuple.
Vous trouverez les deux volets ici même en cliquant sur les liens:
-Ishiro Honda, père des Kaijus (films japonais de monstres géants) -Tout ce qu’il faut savoir sur sa plus grande création, Gojira En quittant, une évocation. Le 7ème a jadis fait la conception d’un Tarot du cinéma, utilisant de archétypes de films pour en moderniser le principe. Dans tous les jeux de Tarot, on retrouve une carte portant le nom de La Force. On pourrait décrire ce qu’elle représente dans ces termes: La Force est un arcane assez riche. Son nom a changé plusieurs fois à travers les âges et certain Tarot l’on carrément renommé. Dans tous les cas, ce n’est pas simplement l’idée de force physique ou mentale qu’elle exalte mais la détermination, l’endurance, la longévité. On parle ici de force de la nature, de volonté à toute épreuve. J’ai cherché pendant des jours quel symbole utiliser pour l’attribuer à mon Tarot. Je cherchais un archétype représentant la longévité, l’endurance, quelque chose qui serait à la fois l’évocation d’une force de destruction et d’une volonté implacable. Quelques jours plus tard, j’ai trouvé:
Au final, Godzilla ne représente pas qu’une force de destruction; il est désormais l’évocation paradoxale du Japon lui-même, en continuelle renaissance, survivant devant l’adversité. Un symbole approprié et nécessaire en ce moment.
Je trouve les résultats de cette expérimentation fascinante. C’est comme si l’imagination des enfants n’avait pas été réinterprétée mais vraisemblablement appréhendée par l’artiste Dave Devries. Bref, comme si l’artiste devait penser comme ces enfants, avec leur méthode et leur vision géométrique. Le résultat donne parfois des choses plutôt effrayantes, parfois bouleversantes. L’ange patate me trouble hautement
Le projet s’appelle The Monster Engine. Un dessin d’enfant est juxtaposé au dessin de l’artiste et le plaisir provient souvent de la comparaison entre les deux.
J’ai collectionné Bone de Jeff Smith, patiemment, amoureusement, à partir du jour même de la sortie de son premier numéro jusqu’à la fin, près de 12 ans plus tard. Quand je dis « collectionner », je propose en fait un terme plus fort: j’ai toutes les apparitions de Bone dans d’autres comics, tous les comics illustrés par Smith qui n’ont rien à voir avec Bone, des figurines, un t-shirt, une sculpture de Great Red Dragon…j’ai même eu avec mon pote Jim, du 7ème antiquaire, un buste gonflable du dragon rouge collé sur le mur de notre appartement, comme une grosse tête d’orignal.
Jeff Smith est un grand qui n’a plus à faire sa marque, surtout en ne perdant pas de vue que l’artiste fait de la bédé indépendante. Il est traduit en plus de 26 langues et on ne compte plus les ré-éditions de son opus magnus. C’est bien pour cette raison qu’il pouvait se permettre une aventure aussi risquée que celle de son comix adulte RASL. Il savait éperdument bien que tous ses fans maniaques comme moi l’auraient suivi peu importe ce qu’il aurait tenté. Cela dit, rien ne pouvait nous préparer à sa nouvelle série.
Mature et inquiétante, elle est faite sur mesure pour une adaptation au cinéma: on y parle d’un voleur d’œuvre d’art qui peut se glisser dans des mondes parallèles, en tout point semblables aux nôtres, en utilisant une combinaison spéciale de sa confection. Autant Bone était touchant et féérique, autant RASL est déstabilisant. On se retrouve dans une ambiance se rapprochant d’un film de sci-fi scénarisé par Christopher Nolan qui serait réalisé pas Jim Jarmush. À défaut d’avoir le film de Bone, annoncé depuis près de 10 ans, nous aurons droit à une adaptation de RASL, gracieuseté de Lional Wingram, le producteur du dernier Sherlock Holmes. Jeff Smith sera producteur exécutif.
Utiliser James Bond, héros machiste, fasciste et presque misogyne (plus ouvertement dans les romans, cela dit) pour faire passer un message féministe; quelle idée profonde.
Kudos à Daniel Craig, par ailleurs, de se prêter avec tant de conviction à cette déconstruction de son mythe. C’est on ne peut plus pertinent.
La future série télé de Wonder Woman de David E. Kelley vient de trouver sa méchante, Elizabeth Hurley. Avant de hurler, « oh ciboire, elle va être absolument affriolante en Cheetah!!!! », il faut que vous sachiez qu’elle jouera en fait Veronica Cale.
Qui?
C’est un personnage créé par Mark Waid en 1993, une femme d’affaire sans scrupule qui possède une compagnie de produits pharmaceutiques. Elle déteste Wonder Woman et sa perspective simpliste de la justice et du féminisme, étant elle-même une self-made woman et considérant qu’il est facile et arrogant pour une amazone super-puissante de 6’2 » de prendre sa place dans le monde des hommes.
Son Modus Operandi est essentiellement celui de Lex Luthor; génie despotique considérant le terre comme son terrain de jeu cherche héros digne de ce nom à combattre pour confirmer sa supériorité.
Liz Hurley en dominatrice, au final. Très approprié pour l’adaptation d’une série qui a fait sa réputation sur des thèmes de sado masochistes insidieusement voilés (dans Wonder Woman, les femmes se font constamment attacher et torturer, souvent par d’autres femmes.)