La cyberintimidation est un sujet chaud de l’heure. On ne peut plus compter le nombre de fois qu’on a vu passer aux nouvelles l’histoire d’un adolescent ou d’une jeune adolescente qui s’est terminée dans le drame après que celui ou celle-ci s’est fait harceler à répétition sur Internet. Il s’agit d’un sujet particulièrement grave duquel il est difficile de rire ou de déconstruire sans tomber dans l’humour de mauvais goût.
Pourtant, Ingtoogi: The Battle of Internet Trolls y parvient et désamorce rapidement toute ombre d’appréhensions négatives que l’on pourrait avoir à son égard. Il n’est pas question ici de rire du malheur des «cyberintimidés» ou des gens qui subissent une quelconque forme de violence psychologique ou physique, mais plutôt d’utiliser ce contexte pour raconter un curieux récit à la fois touchant, drôle et profondément étrange.
Tae-sik (Um Tae-goo) se livre depuis un certain temps à une joute d’insultes en ligne avec «Manboobs», un internaute dont il ne connait pas l’identité. Leur petit jeu prendra pourtant une dimension bien réelle le jour ou son adversaire l’entrainera sous prétextes dans un guet-apens durant lequel Tae-sik sera agressé violemment. L’évènement est enregistré et fera bientôt le tour de l’Internet en Corée ce qui marquera profondément le jeune homme. Avec l’aide de son meilleur ami Hee-joon (Kwon Yul) et d’une jeune fille nommée Young-ja, ce dernier partira à la recherche de son ennemi sur qui il jure de se venger. Une quête difficile à porter pour ce personnage qui à tous les traits d’un perdant.
Le film délaisse l’humour bouffon et les gages grossiers pour s’aventurer dans des zones plus sombres rarement approchées par les comédies américaines classiques. Le caractère comique du long-métrage s’incarne principalement dans la psychologie de ses personnages qui sont complètement déments et dont les agissements sont houleux au mieux. La jeune Kwon Yul en est spécialement un bon exemple. Son personnage, Hee-joon, est déstabilisant et c’est avec beaucoup de curiosité qu’on la voie multiplier des actions répréhensibles qui contrastent avec les rares moments où elle se montre vulnérable.
Malgré son caractère excentrique, le film reste ancré dans un profond sentiment de réalisme ce qui rend la souffrance de Tae-sik d’autant plus prenante. Bien que maladroit et peu sociable, on demeure sympathique à son parcours et sa souffrance qui est incarné avec brio par Um Tae-goo. On sent le bagage émotionnel lourd d’un jeune homme pour lequel on voudrait venir en aide autant que l’on voudrait le frapper derrière la tête.
Le réalisateur et scénariste Um Tae-hwa n’offre pas de solution à l’intimidation virtuelle. Là n’est pas le but de son oeuvre qui se veut surtout une fenêtre sur un univers étrange où chacun fait preuve d’actes immoraux. La violence entraine la violence et ceux qui, initialement, semblaient justifier d’obtenir justice finissent par devenir aussi dangereux que leurs bourreaux. De la cruauté qui, malgré tout, est divertissante.
– Benoit Mericer