Bullhead est certainement l’un des films les plus bouleversants que j’ai eu la chance de voir cette année au festival Fantasia. Réalisé par le metteur en scène belge Michaël R. Roskam, ce long-métrage d’une puissance étonnante saura venir vous soutirer quelques larmes. Pour ma part, il est parvenu à obtenir la première position de mon palmarès personnel.
Présenté au départ sous les allures d’un film de mafia se déroulant dans le milieu de l’élevage bovin, Bullhead prend rapidement un tournant vers le récit personnel et intimiste. C’est avant tout l’histoire d’une amitié et celle du parcours d’un personnage blessé au passé tragique qui tente tant bien que mal de vivre une vie normale et ultimement d’éprouver le sentiment qu’il a le droit d’être un homme et d’aimer
Les familles de Jacky Vanmarsenille (Matthias Schoenaerts) et Diederik (Jeroen Perceval), des amis d’enfance, travaillent dans le milieu de l’élevage bovin. La seule tache au tableau, leurs bêtes sont bourrées d’hormones illicites, une pratique aussi lucrative qu’illégale en Belgique. Un évènement viendra bouleverser la vie du jeune Vanmarsenille lorsqu’il se fera littéralement pulvériser les testicules par un jeune garçon à peine plus vieux que lui. Cet évènement transformera à jamais la relation qui unissait Jacky et Diederik. Plusieurs années plus tard, le meurtre d’un policier qui enquête sur le trafic d’hormones risque de se retrouver lié à Jacky. Par chance, cet événement fera croiser les chemins des deux hommes à nouveau.
Au fur et à mesure que le récit se dévoile, nous quittons l’intrigue policières pour en apprendre davantage sur Jacky. Celui-ci a dû à son adolescence prendre de la testostérone afin que son corps se transforme en celui d’un homme. Une pratique qu’il n’a jamais laissée de côté et qui s’est développée avec les années en une habitude maladive, quasi compulsive, de consommer des stéroïdes de toute sorte. Ce parallèle entre la consommation de stéroïdes et l’élevega de bêtes de ferme est plus qu’une simple métaphore élaborée pour un cours de scénarisation au collège. Elle aurait pu très bien tomber à plat si elle n’avait pas été appuyée par une histoire aussi prenante que tragique.
Matthias Schoenaerts dans le rôle de Jacky porte le film sur ses épaules. Si au début il nous est antipathique sous ses airs d’homme dur, on découvre qu’il s’agit en fait d’un masque qu’il s’est construit au fil des ans. Il devient curieusement un personnage émouvant pour qui on ne veut que du bien. En effet, rien n’est de plus poignant que de le voir mal à l’aise dans son corps de colosse, son tempérament à fleurs de peau et prêt à sauter à la gorge du premier qui lui manquera le moindre respect. On le sent à l’étroit et maladroit, spécialement quand il tente de séduire un vieil amour de jeunesse. On se retrouve à souhaiter du bonheur en espérant de tout coeur qu’il saura se contrôler et surpasser ses blessures émotives.
Sans qu’on nous prenne par la main, on comprend ce qui motive Jacky et ce qui fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. Cette dimension humaine et complexe et beaucoup plus intéressante que les rares scènes d’action que l’on retrouve à quelques reprises dans le film. Quant à lui, même si son parcours est moins mis de l’avant, Diederik est un personnage tout aussi attachant. Affligé par les mêmes évènements que Jacky, il asseye maintenant de faire ce qui est juste. Une épreuve qui n’a rien de facile lorsqu’il devra choisir entre son ami et ce qui est juste.
BullHead n’a rien de moralisateur. Sans prendre position sur les agissements amoraux de ses personnages, il ne fait qu’exposer ses protagonistes dans tout ce qu’ils ont de plus humain, autant leurs qualités que leurs faiblesses. C’est un récit touchant qui ne laissera personne d’indifférent.
– Benoit Mercier