Les dernières années ont été riches en découverts en ce qui concerne le cinéma provenant du sud de la Corée. Je dois souligner ici le véritable mentor qu’est le programmateur Nicolas Archambault lorsqu’il s’agit de la cinématographie de ce coin du monde. Grâce à lui, j’ai été initié à un style filmique qui m’était auparavant insoupçonné. Une cinématographique extrêmement riche, divertissante et bien particulière qui possède ses propres codes et qui exploite des thématiques bien précises, dont l’incompétence des autorités et du gouvernement.
Comme pour The Chaser, présenté à Fantasia en 2009, The Unjust du réalisateur Ryoo Seung-wan se penche sur incapacité des forces policière de la ville de Séoul à attraper un violeur de jeunes filles et tueur en série. Après une bavure policière qui coutera la vie d’un suspect, la police camoufle l’affaire afin d’éviter un scandale. Mais alors que les forces de l’ordre et le système de justice sont de plus en plus pointés du doigt pour leur incompétence en ce qui concerne l’arrestation du meurtrier, un complot émerge au sein des autorités afin de calmer l’opinion publique. La solution, trouver un coupable qu’il le soit véritablement ou non. Pour cette tâche, on fait appel aux services de Choi, un capitaine de police avec quelques squelettes dans le placard, dont des liens avec un riche immobilier aux méthodes d’affaires houleuses. Se rajoute à cette bande de corrompus un jeune procureur ambitieux aux pratiques tout aussi douteuses qui il tentera par tous les moyens de mettre des bâtons dans les roues de Choi.
The Unjust dessine un portrait stéréotypé intéressent des éléments qui forment le système de justice de la Corée du Sud, un système qui est davantage propulsé par l’ambition et des aspirations carriéristes que par un véritable désire de justice. Les antihéros dépourvus de morale que sont les protagonistes du film font de The Unjust une oeuvre à laquelle il est difficile de s’identifier.
À voir les personnages s’engouffrer de plus en plus dans des situations impossibles, font qu’il est pénible de s’attacher à ceux-ci. On devient plutôt un spectateur impuissant, témoin de la folie qui se joue devant nous à l’écran. N’en reste pas moins que l’intrigue est très prenante et que l’on désire voir ce qui arrivera ultimement aux différents protagonistes. L’atmosphère totalement amorale de The Unjust rend également le récit tout à fait rafraichissant en s’éloignant des longs-métrages moralisateurs d’Hollywood à la finale triomphante remplie de justice et de sens.
L’oeuvre de Ryoo Seung-wan reste profondément inquiétante et fataliste et démontre ce qui arrive lorsqu’on abuse notre position de privilège au profit de nos ambitions personnelles. À plusieurs reprises, nous avons le goût de nous lever et crier vers l’écran tellement le complot prend des proportions ridicules. Le rythme du film est ponctué d’un humour noir et satirique qui vient souligner certaines situations complètement absurdes et amène une touche de légèreté dans un récit qui est sinon très dense. C’est d’ailleurs cette caractéristique de l’oeuvre qui découragera certains. En effet, il est difficile parfois de se retrouver dans les différents jeux de pouvoir. Les scènes de complots qui s’enchainent l’une après l’autre à un rythme effréné font qu’on peut facilement s’y perdre. On vient à se demander « qui sait quoi » et ce qui motive les agissements des personnages.
The Unjust est tout de même captivant jusqu’à la fin et s’inscrit pour ma part dans une longue liste de films coréens qui méritent fortement d’être découverts de son côté si de l’hémisphère.
– Benoit Mercier