Le film danois Bridgend nous plonge, nous enferme dans la noirceur d’un groupe de jeunes désœuvrés qui errent en forêt, se baignent nus, allument des bûchers, gueulent le nom de leurs confrères disparus, se saoulent… d’une manière quasi rituelle. Leur seule routine : un nouveau suicide d’un de leurs amis. C’est en cette horreur du mal de vivre, cet univers claustrophobe que Sara se retrouve aspirée, lorsqu’elle emménage avec son père policier dans la petite ville de Bridgend, au Pays de Galle.
Le documentariste danois Jeppe Rønde fait ici une première incursion dans la fiction en restant tout de même près de la réalité, d’une réalité dont on aimerait normalement détourner le regard. C’est qu’entre 2007 et 2012, 79 suicides (presque tous par pendaison et sans lettre d’adieu) ont été rapportés dans le comté de Bridgend; la plupart des victimes étaient des adolescents âgés de 13 à 17 ans. Pendant six années, M. Rønde a visité les jeunes de la région pour chercher à comprendre. De ses recherches, il en a tiré une trame minimaliste mélangeant le cinéma de Larry Clark et le Dogme95 (malgré l’utilisation de musique).
On apprécie cette recherche d’authenticité (notamment l’utilisation de jeunes acteurs non professionnels de la région), quoique ce respect semble avoir emprisonné quelque peu le récit. Bien sûr, on est ici dans un film « inspiré de », donc dans une certaine spéculation, mais on aurait aimé que le tout dégénère dans un véritable carnage que la ville vire véritablement à feu et à sang comme le récit nous laisse présager. (Quoiqu’il nous y mène quelque peu dans une finale maîtrisée aux images fortes. Saluons en passant, la direction photo simple, mais terriblement efficace.)
Le développement des personnages laisse à désirer; on ne nous permet pas de comprendre leur psyché. Par cela, on n’arrive pas à s’attacher à Sara. Pour ce qui est des acteurs, Hannah Murray (Skins, Game of Thrones) est correcte dans son interprétation de Sara, mais Josh O’Connor, celui qui joue son copain Jamie, le fils du curé, vole carrément la vedette. Disons qu’il est un Eddie Redmayne en plus badass et moins roux.
Bridgend est un gracieux film coup-de-poing. Mais, on aurait aimé un peu moins de grâce et plus de force de frappe, en ressortir avec notre bouille de cinéphile complètement amochée, ensanglantée. Enfin, il s’agit d’un de ces films dont on n’apprécie pas particulièrement lors de l’écoute, mais qui reste avec nous, nous hante dans les jours suivants.
Quoique pas parfait, Bridgend est un film terrifiant, tragique qui vaut la peine d’être vu.