Festival Fantasia 2010 – Scott Pilgrim

Dernière capsule sur le festival Fantasia édition 2010. Pour clôturer le festival en beauté, je vous parle de Scott Pilgrim Versus The World, un film typiquement geek.

Je vous invite à consulter notre émission radio du 31 mai 2010 qui est justement consacrée à l’oeuvre de Bryan Lee O’Malley: https://www.mysterieuxetonnants.com/?p…

– Benoit Mercier

Festival Fantasia 2010 – Into Eternity

Into Eternity est plus qu’un nouveau documentaire, le bébé d’un cinéaste bien heureux d’avoir déniché un sujet que peu couvert par le genre. Il s’agit d’une œuvre hautement importante et réflexive qui viendra certainement hanter vos songes suite à son visionnement.

À l’aide d’images dotées d’une beauté inouïe, mais aussi d’une grande froideur, le réalisateur Michael Madsen nous plonge au cœur de l’un des projets les plus ambitieux et des plus inusités que l’homme ait pu s’imposer.

Le tout découle d’une simple question. Que faire avec les déchets nucléaires? La question est d’autant plus pressante, que les stocks de ces résidus radioactifs s’empilent de plus en plus. Une solution définitive est à envisager. Il est d’une importance capitale d’entreposer ces déchets en lieu sûr, dans un environnement stable à l’abri des intempéries, mais aussi de la variable la plus instable de cette planète, l’homme.

Entre en scène Onkalo, un complexe souterrain gigantesque dont la construction ne sera pas complétée avant 2100 et qui propose une solution viable, enfin, en surface. Entreposer en son sein et de façon permanente ces matières mortelles. Facile non? Tout au contraire, car le projet amène son raz-de-marée de question et d’enjeux. Comment assurer la sécurité des lieux au fil des siècles?  Comment empêcher les futures générations à franchir le seuil de ce sanctuaire maudit? Le film est autant une œuvre écologique, anthropologique et philosophique. Une pièce historique qui pose un regard critique, mais toujours neutre sur un défit de taille qui dépasse le savoir de l’homme.

Grâce à des entrevues faites avec des experts et les principaux acteurs liés à Onkalo, Madsen tente premièrement d’établir les enjeux de ce projet. Petit à petit il nous ouvre les yeux sur une réalité qui échappe à la plupart d’entre nous. Le ton reste instructif sans toutefois devenir paternaliste ou réprobateur. Tout est révélé aux spectateurs avec la délicatesse et l’ingéniosité d’un chirurgien. Un niveau de compréhension amène son lot de nouveaux enjeux et de questionnements que le réalisateur s’empresse aussitôt d’illustré et de démystifier. On en sort une personne plus informée et sensible à notre empreinte écologique sur cette planète.

Le film reste également un très beau document, dont certains plans ne sont pas sans rappeler les scènes appartenant au film 2001 L’odyssée de l’espace. La froideur de la roche, la noirceur, l’eau, les éléments sont autant des acteurs importants dans le développement du récit que les intervenants d’Onkalu. L’image reste contemplative, lente et sereine, mais aussi inquiétante et parfois semble sortie tout droit d’une autre planète. La poésie des images est palpable, celle-ci sert au travers des innervations des experts de moments propices à la réflexion.

Un film efficace, intelligent qui ne prend pas son auditoire pour des imbéciles. Into Eternity est un film d’une puissance qui vous surprendra.

– Benoit Mercier

Festival Fantasia 2010 – Doghouse

Doghouse n’est pas sans rappeler les autres comédies britanniques qui dans les dernières années ont flirté avec le surnaturel et la comédie. Les parallèles avec Lesbian Vampire Killer et Shawn of The Dead nous viennent rapidement à l’esprit, et sont plutôt faciles à faire pour les cinéphiles de mauvaise foi. Mais là s’arrêtent les similarités, car s’il est vrai que ces œuvres s’entrecoupent et que certains procédés comiques sont récurrent, Doghouse reste un film à part entière qui mérite votre attention.

Six amis se retrouvent pour une sortie « entre gars », boisson, rigolades et vieilles anecdotes salées seront les bienvenues pour ce week-end qui s’annonce d’être explosif. Laissons les femmes et problèmes de la vie bien rangée derrières, les prochains jours sont consacrés aux bons temps entre copains.

Afin de s’assurer d’avoir un espace tranquille où nos hommes pourront boire en paix et sans distraction, nos amis s’isolent dans un petit village de la campagne anglaise. Le plan parfait, la fin de semaine parfaite. Le seul hic, le village est peuplé de femmes zombifiées et violentes qui, après avoir décimé la population mâle du village, sont assoiffées de chair fraîche. Nos amis devront alors avoir des recours d’ingéniosité et de complicité afin de sortir vivant de cette situation.

Si le film reste plutôt léger, on en apprend assez sur les personnages pour bien pouvoir les cerner et comprendre qui ils sont et ce qui les motive. Aucun des personnages ne reste unidimensionnel. On évite parfaitement certains clichés que peuvent emprunter les comédies où plusieurs personnages partagent l’écran en même temps. Chacun d’eux reste complet et attachant et si par malheur l’un d’entre eux vient à mordre la poussière, victime d’une des femmes meurtrières, le moment est touchant et poignant.On devient vitre attachée à cette bande de gars maladroits, parfois vulgaires, mais toujours sincères et authentiques. Cet aspect rajoute beaucoup au film. Comme aucun personnage n’est à l’abri ou éternel, on craint pour eux et on espère que son « préféré » survivra.

Rien n’est plus drôle que de les entendre s’obstiner sur la prochaine étape à emprunter. Comment survivre? Comment utiliser le contenu des boutiques désertées du village à son avantage? C’est en travaillant ensemble qu’ils trouveront des solutions. Des solutions qui ne sont pas dépourvues d’humour et de beaucoup d’ironie.

Fusil à l’eau rempli d’essence qu’on allume, voiture téléguidée qui sert d’appât, tout est permis pour parvenir à sauver sa peau.

Malgré ses retournements de situation à ne plus finir où le groupe ne cesse de se séparer pour se retrouver à nouveau réuni, le tout reste cohérent et bien équilibré. Si parfois, on a l’impression que le récit se cherche, le scénario sait comment nous ramener dans son univers ludique et débridé.

Le film se permet au passage plusieurs commentaires sur la situation de l’homme dans un monde où de plus en plus les femmes prennent leur place. Dialogues poignants, mais jamais prévisibles, viennent sceller le tout pour une comédie à voir qui n’a rien à envier aux autres obus établis du genre.

– Benoit Mercier

Festival Fantasia 2010: A serbian film: Sex Nihilo ou l’amour au temps de vide

Voici un article qui provient de Francis Ouellette, coanimateur au 7ième Antiquaire sur CHOQ.FM.

Ce papier est la synthèse d’une logorrhée nauséeuse et colérique entre deux inconnus qui cherchent encore à se connaitre, suite au visionnement de A Serbian film. Si le film de Srdjan Spasojevic est le vecteur de quoi que ce soit, dans ce cas bien précis, il aura forcé deux personnes à se conjuguer dans un débat, à affronter l’horreur à grands coups de raison et conséquemment, à se rapprocher. Peut-être est-ce la finalité du film où le vide, le chaos est riche de sens.

Inévitablement, les papiers sur A Serbian film seront légion. Bien en deçà de la qualité du film, de son propos ou de son contenu, la déflagration de viscéralité de l’engin ne pourra que lascérer les consciences, laissant dans les souvenirs du spectateur des instants de fulgurances qui ne seront pas loin du symptôme post-traumatique. Certains voudront oublier, d’autre chercheront à ratiociner ses effets. Les détracteurs et admirateurs se complairont malgré eux dans leur colère, leur dégoût ou leur indifférence.

Face à la polarisation générée par le film, il sera impossible d’éviter la répétition de quelques lieux communs. Les clichés seront ponctués de sempiternelles dithyrambes. Alors pourquoi donc écrire sur A Serbian film? C’est la prérogative du 7ème de considérer le médium cinéma comme un baromètre de nos maux de société. Il importe guère ici de jauger le film en soi, mais bel et bien d’évaluer ce qu’il représente, son utilité fondamentale dans un canevas social encore à esquisser. Utile, A Serbian film l’est…

De la transgression comme révélation

En tant que cinéphiles sensibles au potentiel philosophique du médium, nous sommes de toute évidence en quête perpétuelle de transgression. Or, nous n’attendons pas simplement la provocation. Nous attendons, fébrile, l’extase de la fêlure fatale, l’instant suprême de la déchirure. Nous soulevons sincèrement la question: est-il possible que la coupure se fasse parfois trop vite, trop profondément, même sur les consciences les plus aguerries?
Il serait tentant, voir même rassurant, d’inclure A Serbian Film à cette peau de chagrin suintante que représente le cinéma dit transgressif. Il sera invariablement comparé, associé, juxtaposé à Salo et autre Irréversible. Nous ne nous prêterons pas à cette exercice. A Serbian Film est sa propre référence. Nous devrons tôt ou tard considérer collectivement la problématique du cinéma et de l’image (sa surexposition) au 21ème siècle. A Serbian film est-il justement un film de son temps? Assurément mais il est plus encore. Une offre que vous ne pouvez pas refuser…littéralement

A Serbian film nous transmet l’idée de la disparition progressive de la réalité dans la vie elle-même, celle que nous côtoyons. Le film est le témoin bruyant de l’effacement de la réalité, dans le monde des représentations dont le cinéma fait parti. La réalité s’est donc raréfiée et les spectateurs la recherche avec avidité. Sa valeur marchande à donc augmenté comparativement au fantastique, au rêve, à la simulation, au jeu grossier de la pornographie traditionnelle dont les formes pullulent et se banalisent par leur omniprésence (le film ridiculise la pornographie de la décennie précédente déjà obsolète et dont le jeu nous semble infiniment ampoulé).
Prenons cet exemple: la séquence où le frère du personnage principal se masturbe devant une scène de famille montrant les bonheurs simples qu’il visionne sur vidéo. En putifiant la réalité, le frère
la réifie la consomme, l’anéantie . Du monde auquel cet homme appartient, une simple scène de famille devient l’objet suprême des fantasmes et le suicide d’une famille au seuil du désespoir est désormais matière à spectacle. Le film annonce l’imminence d’un monde où nous subsistera la marchandise.

Sur l’autel des grands négoces, Éros et Tanathos ne sont pas simplement complémentaires, il sont désormais identiques et indissociables. C’est un « package deal » bonifié par A Serbian film et ses velléités violentes d’oblitération de l’indicible. C’est aussi là sa plus grande force. Il en va du protagoniste comme du spectateur, coincé dans un contrat faustien, fractal et élusif, duquel n’y a absolument pas d’échappatoire. Une fois happé par son vide, le spectateur peut boucher ses oreilles et masquer son regard, quitter la salle en trombe ou s’évanouir; une place l’attend dans les limbes, pour une modique somme. Le film dénonce t-il quoi que ce soit? Non. Pas plus qu’il annonce. En fait, il énonce, purement et simplement, beaucoup plus qu’il ne démontre. Pour être cru, nous dirions même qu’il n’a qu’un seul but véritable…défoncer. Le quatrième mur est ici l’hymen de l’histoire.

Se cacher derrière les jupons sanglants de l’Histoire?

Le film se targue d’être une représentation de l’histoire Serbe. Il s’y trouverait des références directes aux pratiques de torture, telles cette drogue facilitant la suggestion donnée au soldat pour en faire du viol une véritable arme de guerre. Le cinéma, essentiellement la pornographie aurait joué un certain rôle des années 90, durant et après la guerre entre les autorités serbes et l’UCK albanophone, dans le cadre de la guerre du Kosovo. La pornographie connait toujours une explosion en temps de guerre. La Serbie n’a pas fait exception. La pornographie et la prostitution infantile en tête.

Admettons que la réalité dans la vie tend à perdre sa valeur face à sa reproduction, par exemple au cinéma, le film exacerbe également le rôle du cinéma dans nos vies d’individu et par extension dans l’histoire. La confusion entre l’Éros et le Thanatos qui caractérise le fantasme d’aujourd’hui est lié à cette confusion voulue ou non entre le cinéma comme sublimation positive de la réalité et le cinéma comme arme de guerre autant que le viol.

Aussi, la pornographie est le lieu privilégié de la canalisation de la violence dans la culture de masse occidentale et de fait a peut-être remplacer dans les esprits des grandes idéologies politiques.

Prétexte patenté par des créateurs essayant d’engoncer de la substance là où il n’y a que le vide? Véritable tentative d’exorcisme des souffrances d’un peuple? Vaste fumisterie ou brulôt incandescent? Il y assurément un peu de tout ça dans A Serbian film. Admirons ici la pertinence pernicieuse de son titre, où les degrés de significations métatextuelles sont vertigineux (ajoutons que le film est la première production indépendante du pays).

Qu’en est-il du film en tant que film? Loin d’être le vulgaire « torture porn » annoncé, il crée l’agonie de ce sous-genre. En opposition aux thèmes de prédilection du genre, cette « effrayante » européanité scarifiée par la guerre en tête de liste, il prend la forme d’un psychodrame dont la structure est celle d’un thriller banal mais efficace. Il y a assurément du grand-guignolesque dans toute l’affaire mais il tend vers une certaine idée du sublime dans l’horreur, se justifiant métatextuellement au nom de l’art. Justification malaisée mais…pour le moins efficace.

Insidieusement, le film propose également aux spectateurs de quantifier la cruauté et l’horreur, à grands renforts d’habiles juxtapositions conceptuelles (des gâcheux -« spoilers »- commencent ici):

-Le viol du bébé à la seconde même de sa naissance est-il moins choquant que le sourire de sa mère s’en délectant?

-Mourir étouffé avec un phallus dans la gorge…sans pouvoir mordre parce que nos dents ont été arrachés…

-Couper la tête de sa partenaire pendant la pénétration…et continuer de tringler son cadavre désarticulé avec une excitation renouvellée.

-Se rendre compte que l’enfant que l’on sodomise malgré soi est son propre fils…pendant que notre épouse est violée par notre propre frère.

-Le réalisateur se faisant bousiller le crâne…en étant traversé d’extase par ce grand moment de fougue artistique, privant le spectateur et le protagoniste de la satisfaction d’une vengeance.

-L’ultime ironie de se suicider avec sa famille pour échapper à l’horreur…sans savoir que même mort, nos corps seront souillés.

FIN DES GACHEUX


Face au vertige que génère le film, deux options se posent. Le spectateur peut filtrer ce qu’il voit; avec une froide distanciation intellectuelle, une indifférence feinte, un refus en bloc, en riant. Par le rire, une part du public de Fantasia, dont l’atavisme légendaire et porcin se confond avec le manque d’hygiène le plus élémentaire, a créé un grand moment d’obscenité pendant la dernière représentation. Lors de la désormais célèbre scène de « viol occulaire », efficace métaphore pour le film s’il en est, moment bunuelesque pour le nouveau millénaire, les « freaks » hurlaient de bonheur comme des singes dans leur fiente, créant la consternation résignée et habituelles des pauvres « geeks ».

Doit-on se réfugier dans l’amour ou reproduire la violence? Les deux constituent une fuite : face à l’horreur, pour lui survivre, il n’y a que la philosophie. Après visionnement, dégoût profond, révulsion viscérale. Le film fait-il une critique des catégories journalistiques en posant cette question : peut-on et doit-on quantifier la violence, pour établir l’importance historique d’un évènement dans nos vies ou dans l’histoire?

C’est là où nous proposons l’autre option, faire le choix de vivre le film avec les conséquences impliquées. Ensuite, on observe les dommages, préférablement à deux, sentencieusement. Ce qui ressort de cette approche, c’est une reconnaissance de l’altérité. Et peut-être, à travers le vide, un bref moment de tendresse.

Festival Fantasia 2010 – The Devils

Voici un article qui provient de Francis Ouellette, coanimateur au 7ième Antiquaire sur CHOQ.FM.

Pour la première fois hier de leur vie de cinéphiles, des centaines d’adeptes du festival Fantasia ont eu l’opportunité de voir sur grand écran le grand film maudit de Russell, The Devils. Un jour qui aurait du être béni. Il s’en est fallu de peu pour que l’épiphanie collective se produise. À l’insu de la plupart des festivaliers, la version qu’ils ont vu était lourdement censurée (avec un son médiocre qui plus est). Bon. On ne va pas se plaindre outre mesure; mieux vaut une mauvaise copie de The Devils que rien du tout. Étrange époque qui permet quelques heures auparavant la projection débonnaire de A Serbian film (nous reviendrons bientôt sur ce brûlot) et qui s’acharne obstinément, pour des raisons saugrenues, à ne pas distribuer le grand opus de Ken Russell.
Bref, nous avions déjà fait l’année dernière une émission sur ce film et par chance, nous avions vu la version intégrale. Loin d’être simplement des scènes dont l’unique but est de provoquer, ce qui a été censuré était hautement porteur de sens, d’érotisme et de souffrance. Nous vous repassons donc notre émission et notre entrée de blogue dans leur intégralité, question de rendre justice au film et
de nous remonter le moral après ne pas avoir vu la version promise…

Rien de tel lorsqu’on commence une entrée de blog où il sera question en partie d’Oliver Reed que de le montrer dans une de ses légendaires frasques éthyliques, ne serait-ce que parce que c’est inévitable quand on parle de l’homme:

Voilà. C’est fait. Out of the way.

Nous en parlons de toute manière allègrement à l’émission cette semaine. Les fidèles du 7ème l’auront sans doute remarqué, il nous arrive souvent de parler de films qui ont une charge psycho-sexuelle évidente, que l’on dit controversés (ça arrive). Non seulement, ce type de cinéma nous plaît hautement, mais de plus, il génère la discussion philosophique et ça aussi, nous en sommes férus. Des films bouleversants, nous en avons donc couvert à profusion…

Mais rien n’aurait pu nous préparer au choc de The Devils. D’habitude, nous sommes familiers avec le film en question, mais cette fois-ci, le dépucelage a été d’une violence inégalée. Nous n’en savions presque rien, le film étant de toute manière introuvable sinon en version tristement censurée. Warner refuse de le sortir en DVD, malgré les pléthores de pétitions. Par je ne sais quelle sorcellerie, nous avons vu la version intégrale. Ooooooh l’engin maudit que voilà! La puissance de ce film, dans la feuille de route surprenante de Russell, est inouïe, démesurée, à l’instar de son interprète principal, Oliver Reed, dont c’est d’ailleurs la plus grande prestation. Voilà enfin un film qui mérite totalement l’épithète de controversé, bien que le terme soit faible…il est…possédé.

Il est inargumentable que tout britannique ayant eu la chance de voir en salle ce film en 71 a été stigmatisé à vie. Après une écoute seulement, il est on ne peut plus clair qu’un jeune Clive Barker, alors étudiant se préparant à faire ses premiers courts métrages, a trouvé sa voix en le regardant. La Genèse maudite de Hellraiser me semble indubitablement mais subtilement relié à The Devils, autant au niveau de certain thème que de son esthétique (et vous lisez actuellement les mots de fanatiques de Hellraiser, il vous suffira de lire cette entrée pour le constater). C’est une corrélation que nous avons fait brièvement dans l’émission et qui mérite d’être développée plus amplement ici même.

Le fétichisme des symboles religieux, la déviance hypocrite du pénitent sont omniprésents dans les deux films. Ne perdons pas de vue qu’à la base, le terme cénobite réfère au moine chrétien et que Barker a su brillamment pervertir (exalter?) la rigidité morbide de ces moines pour créer par inversion une nouvelle hégémonie de souffrance, un dogme démoniaque de la mortification. Mad Movies a couvert à merveille ce sujet dans ce brillant article. Des comparaisons s’imposent:

Le Père Mignon et Pinhead, pape de l’Enfer

I want to hear your confession… (actual line)

We want to hear him confess himself… (actual line)

La première apparition du Père Mignon à l’écran…


Depuis la sortie en Blue-ray du film, j’ai eu le plaisir de le voir avec une telle qualité d’image que des détails jamais perçus précédemment prenaient une évidence fabuleuse. Ceci par exemple:


L’oncle Frank a un autel de fortune dédié Salomé (c’est la tête de Saint Jean-Baptiste dans l’assiette les enfants!). Outre nous expliquer le type de fascination que se coltine Frank, le premier film de Clive Barker s’appelait Salomé. Plusieurs des thèmes de bases de Hellraiser s’y trouvaient déjà; le plaisir de la mortification, les excès où peuvent nous mener les obsessions…En l’occurrence, The Devils n’est rien de moins qu’une relecture du mythe de Salomé. Ces thèmes sont tous déjà bien perceptibles dès le début chez Clive Barker.

À gauche, vous pouvez voir une statue modifiée par Frank, annonçant déjà l’apparence qu’auront les Cénobites (s’en est littéralement un vrai, en plus!). Ironie puissante que voilà: le syncrétisme ravageur de la religion chrétienne retourné contre lui-même! Amen!

Les mêmes obsessions pour la symétrie étouffante, les angles contraignants, la balance entre le noir et le blanc, déjà présents dans un film étudiant de Barker The Forbidden, une sorte de proto Hellraiser…


Dans le cas ultime où vous seriez sceptique de nos analyses, on vous rappelle que Oliver Reed a joué dans ce film:

Pour nous écouter, c’est ici

Festival Fantasia 2010 – Retour sur les derniers jours

Dans cette vidéo je vous parle rapidement de Blades of Blood, Castaway on the Moon et The Devils par Russell.

À ÉCOUTER

L’épisode de notre émission sœur le 7e Antiquaire dédié au réalisateur et à l’œuvre de Ken Russell.

Écoutez ici : http://archives.choq.fm/2009-04-22/12…

– Benoit Mercier

SANS DESSEIN à la belle étoile demain soir à Fantasia

Dans le cadre du festival Fantasia, assistez à une projection spéciale à la belle étoile de SANS DESSEIN.

Le tout se déroulera le mercredi 21 juillet au parc de la Paix : sur St-Laurent entre René-Lévesque et Ste-Catherine à Montréal, entre 21h et 23h.

– Benoit Mercier

Mystérieux Étonnants #178Secret Six et Reine rouge

Cette semaine, nous recevons le réalisateur de la websérie Reine rouge, Olivier Sabino et nous parlons Secret Six avec le coanimateur du 7e Antiquaire, Francis Ouellette. Bien sûr, comme à l’habitude, nous vous partageons également les dernières nouvelles sur l’univers de la culture populaire: BD, cinéma, jeux vidéos, télévision, etc.

Diffusion originale: 19 juillet 2010
Site web: MysterieuxEtonnants.com
Cet épisode a été enregistré à CHOQ.ca
© Les Mystérieux Étonnants. Tous droits réservés.

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Festival Fantasia 2010 – Jour 7 – Merantau et We Are What We are

J’ai eu la chance en cette septième journée du festival Fantasia de visionner deux oeuvres qui sont carrément l’opposé l’une de l’autre. La première, Merentau, est un récit conçu dans la pure tradition des théories du mythologue Joseph Campbell.

La seconde, We Are What We Are est un film de cannibales de nouveau genre, encrée dans un réalisme déconcertant.

Merantau nous raconte les périples de Yuda, un jeune garçon qui vit selon les principes de la Minangkabau de Sumatra. Suivant la tradition vieille de plusieurs siècles du Merantau, Yuda quitte son foyer familial pour l’étranger afin de forger son caractère et prouver sa virilité. Une fois arrivé à Jakarta, les problèmes du jeune garçon se multiplient, c’est alors qu’il fait la rencontre de Adit, un enfant voleur, et de sa soeur Astri. Cette dernière se fait abuser par son employeur, un tenancier de bar houleux qui fait affaire avec des entrepreneurs européens qui font la traite de femmes. Yuda suivant son honneur devient le protecteur de la jeune femme et de son frère, quand cette dernière se fait kidnapper par les trafiquants d’esclaves, il entreprendra tout en son pouvoir pour la récupérer.

Si la description du film peut au départ faire penser avant tout à un drame, il n’en est rien. Merantau est un film d’action et de combats où on y pratique la « silat harimau », un art marital de la région. Sans être totalement dépourvu d’un scénario, le film est avant tout constitué d’enchainements de combats les plus spectaculaires les uns des autres. Nous sommes loin des échanges de coups de poing extrêmement chorégraphiés et quasi fantastiques de Ip Man. Les affrontements entrent Yuda et ses adversaires semblent beaucoup plus plausibles. On vise les articulations et les points vitaux, chaque coup semble amener son lot de douleurs et de maux. Certains sbires, suite à un échange de coups, se retrouvent dans des positions extrêmement douloureuses, atterrissent sur le sol ou sur des objets tête première ou encore sur le dos. Chaque combat est également très inventif, Yuda utilise son environnement pour combattre ses ennemis. Chaises, tabourets, tuyaux de métal et bouteilles de verre y passent. Les acteurs sont attachants et on ne peut pas leur reprocher une personnalité unidimensionnelle propre à certains personnages de film d’action.

Certaines scènes nous surprennent par l’emploi de thématiques lourdes. Les dialogues sont courts et directs. Yuda est un personnage attachant et crédible, mais la vedette lui est volée par le « méchant » du film que vous adorerez détester et qui étrangement réussi à faire décrocher plus éclats de rire.

À voir si vous êtes assoiffés de films d’action avec de l’âme et du coeur.

Remerciements à Louis-Éric Gagnon

– Benoit Mercier

La famille de We Are What We Are n’a rien de traditionnelle. Certes, elle possède son lot de problèmes comme toutes les familles. Le jeune frère est une brute au caractère impulsif et bagarreur et la mère est une femme anxieuse et tourmentée, contrôlante et parfois violente. Que dire de la jeune soeur qui, sous ses airs angéliques, se cache une manipulatrice. Mis à part ces démons, les similitudes avec le reste des familles de ce monde s’arrêtent là. Car, voyez-vous, la famille est composée de cannibales!

La vie est Mexico n’est pas facile, la famille est déjà pauvre quand elle perd son seul revenu, la boutique de réparation de montre du père. Ce dernier est retrouvé mort au début du récit et la famille est aussitôt plongée dans une panique et la désorganisation. Qui deviendra le chef de la famille? Qui apportera la « nourriture » au foyer et pratiquera les rituels ésotériques qui y sont rattachés? Alfredo, l’ainé peu enthousiaste à l’idée, prendra cette responsabilité. Avec son frère, il parcourra les rues de Mexico à la recherche d’une prochaine victime. Pourchassés par la police, ils tenteront coûte que coûte de compléter le « rituel » familial avant minuit.

La force du film réside dans le fait qu’il est complètement imprégné d’une atmosphère de véracité. Le rythme est lent, la photo est léchée et efficace, mais présente continuellement des environnements extrêmement salle et lugubre. Les quelques scènes tournées à la caméra à épaule contribuent beaucoup à cette impression.

Les acteurs sont aussi très impressionnants. Leurs relations inter-familiales sont très bien établies; on saisit rapidement les rôles que chacun d’entre eux tienne au sein de l’organisation familiale, les liens qui les unissent et les tensions qui les font affronter. L’intensité et l’émotion sont lisibles sur leur visage: une émotion qui découle d’une dimension humaine, très enracinée dans la vie de tous les jours et qui contribue beaucoup au malaise établi dans ce film.

Un film dérangeant, troublant qui vous restera dans la tête plusieurs heures après l’écoute.

Remerciements à Louis-Éric Gagnon

– Benoit Mercier

Festival Fantasia 2010 – Jour 6 – Heartless de Philip Ridley: le vilain petit chaperon noir‏

Voici un article qui provient de Francis Ouellette, coanimateur au 7ième Antiquaire sur CHOQ.FM.
Philip Ridley est de retour, presque 15 ans après The Passion of Darkly Noon.
Qui ça?
Ne vous inquiétez pas si vous ne connaissez pas le bonhomme. Même les cinéphiles les plus aguerris n’ont souvent pas vu ses films. En tant que réalisateur, il n’a que trois métrages à son actif et son premier, hautement culte, The Reflecting Skin, est un grand introuvable. Vous allez devoir trimer pour mettre la main dessus (le Torrent sera une option nécessaire) mais la recherche vaudra le coup. C’est un film maudit au plus pur sens du terme et le meilleur rôle de Viggo Mortensen à vie, sans aucun doute.
Par contre, Philip Ridley est constamment présent dans une quantité de domaines artistiques: il a écrit plusieurs livres pour enfants, est dramaturge et metteur en scène de théâtre, il est peintre et parolier. Il connaît d’ailleurs une certaine notoriété dans tous ces domaines.

Ça vous fait penser à quelqu’un?

Un artiste multidisciplinaire, british, qui fait vagement dans l’horreur, le sexe trouble, qui a réalisé du cinéma en dilettante et qui a trois films à son actif?

Clive Barker hein? Effectivement, les ressemblances entre les deux sont troublantes. Malgré la quantité de prix gagnés par Ridley pour ses films précédents, il ne s’est jamais défini comme un réalisateur de cinéma. À l’instar de Barker, la cohérence de son univers est balzacienne et inextricablement reliée à toutes ses autres créations. En fait, je dirais qu’il en est de même chez Ridley et Barker; ce sont d’abord et avant tout des conteurs. Leur espace narratif est celui de la fable et le gore se retrouve souvent conjugué au mélodrame (comme dans tous le bons contes).

Son dernier film, Heartless, confirme d’emblée sa filiation avec Barker. Les thèmes, l’esthétique sont résolument similaires. C’est un mélodrame d’horreur, un conte doublé d’un drame social urbain typiquement british. Un très efficace, par ailleurs. L’univers sonore du film s’en charge diablement bien.

Voyons voir… Un jeune homme, un petit chaperon noir, un vilain petit canard, habite un royaume désenchanté avec sa mère et ses deux petits cochons de frères dans une grande maison de brique nommé les habitations Cendrillon. Il porte littéralement son coeur sur son visage. C’est un valet de coeur, un Jack of Hearts, un Jack of all Trades.

Dans le village, pas très loin de la rue Perrault, des créatures rodent, brûlant des gens à coups de cocktail Molotov. Ce sont les émissaires de Papa B, admirable figure faustienne sortie directement des romans de Barker. Papa B, c’est évidemment Belzébuth, mais c’est aussi Papa Bear, le Big Bad Wolf, c’est la Bête, celle de tous les contes, de la Bible jusqu’à la Belle et la bête. Son nom au consonances vaudouiques suggère qu’il est un Loa, quelque part entre Papa Guede et Baron Samedi. Il est d’ailleurs accompagné d’une petite princesse indienne scintillante nommée Belle. Papa B peut arracher le coeur qui couvre le visage du chaperon s’il accepte de lui en apporter un autre sur les coups de minuit. Un coeur pour un coeur… Le vilain petit canard pourra ainsi enfin se faire remarquer de la jolie princesse blonde, Tia.

Ou alors, il n’y a pas de démons, pas de princesses, pas de royaume. Nous sommes en Angleterre, les rues sont arpentées par des gangs, les princesses sont des putes, le démon est un pimp et le petit chaperon est schizophrène. C’est à vous de voir.

Souvent chez les britishs, Neil Gaiman et Alan Moore en tête, cette prédilection pour le monde parallèle de la fantaisie, du fantasme qui envahi subtilement le nôtre est virtuellement indissociable du thème de la maladie mentale. Alice aux pays des merveilles…redux. Plus que jamais, Ridley rejoint Barker et les conteurs britishs dans leur obsessions. On pense évidemment à Jacob’s ladder, avec lequel le film partage certains thèmes et imageries. Une faune assez lynchéenne traverse également l’ensemble.

Depuis sa sortie, le film accumule les détracteurs à un rythme alarmant. Les maniaques d’horreur restent sur leur faim et sont repoussés par ses inflexions mélodramatiques. Il ne mérite pourtant pas cette réaction. Ne perdons pas de vue que si Heartless ne réinvente rien, il n’est pas pour autant du remâchage. La sincérité de son propos et son ambiance mélancolique permettent de véritables moments d’émotion et d’angoisse. Philip Ridley n’est peut-être pas un réalisateur visionnaire…mais c’est définitivement un grand conteur.

Festival Fantasia 2010 – Jour 6 – Les fiancailles de Dan (première partie)

Quelle soirée électrique au théâtre Hall de l’université Concordia!

Plus de 700 personnes gonflées à bloc étaient rassemblées afin de visionner les nouvelles trouvailles de DJXL5 pour un autre de ses Zappin Party, un évènement annuel de Fantasia qui remporte toujours beaucoup de succès.

Ce fut également une soirée toute spéciale au festival pour l’un de ses plus fiers représentants. Daniel Walther, le bénévole bien connu des amateurs de Fantasia, y a demandé sa copine en mariage.

Pour les familles et amis de Daniel et Mélanie, mais également pour les fans et les habitués du festival, voici comment le tout s’est déroulé.

– Benoit Mercier

Festival Fantasia 2010 – Jour 5 – Ip Man 2

La deuxième retrouvaille de cette année est la suite d’un film d’arts martiaux que j’avais beaucoup apprécié l’an dernier et que je ne pouvais pas manquer :  Ip Man, le maître du kung-fu est de retour dans Ip Man 2.

Je ne suis pas particulièrement un grand fan de films de combats et d’arts martiaux, mon appréciation s’arrête habituellement aux bandes-annonces des Shaw Brothers souvent diffusées avant la projection principale de films asiatiques à Fantasia.

Par contre, je dois dire que j’ai été agréablement surpris l’an dernier alors que je m’assoyais dans la salle de projection du festival sans trop savoir à quoi m’attendre. Scènes d’actions extrêmement bien chorégraphiées, photographie très léchée, des personnages attachants et une période sombre de l’histoire de la Chine nous étaient présentés. Bref, de quoi me plaire et faire taire les critiques de ce genre cinématographique.

Comme pour le premier film, la suite voit clairement sur plusieurs points et sait nous livrer certains aspects forts comme l’esthétisme visuel et des scènes de combats complètement hallucinantes. Par contre, d’autres parties de l’oeuvre comme le scénario et la performance des acteurs occidentaux nous laissent un peu perplexe, voire nous font littéralement pouffer de rire.

Les Britanniques interprétés par des acteurs occidentaux sont typés et plus grand que nature. Leurs performances frôlent par moment la caricature maladroite. Ces personnages bruyants, colériques et extrêmement machiavéliques, font regretter l’absence du colonel Miura, l’ennemi posé et respectueux du premier film.

Certains remarqueront également les similarités entre Ip Man 2 et Rocky 4. La trame narrative est très similaire, on y retrouve entre autres un discours presque identique à celui de Balboa à la fin du récit. Les enjeux principaux de l’histoire restent également les mêmes que dans le premier. Un ennemi de l’extérieur vient chambouler et déshonorer le style de vie du peuple chinois. Malgré lui, Ip Man devient alors le porte-étendard des valeurs chinoises qu’il devra défendre d’un ennemi grotesque et ignorant du caractère résilient de ce grand peuple.

Malgré ses faiblesses, Ip Man 2 reste un véritable divertissement. On se retrouve pris dans les mésaventures de Ip Man et sa famille. Les personnages restent crédibles malgré le caractère fantastique et mystique qui entoure les séquences d’action à couper le souffle. Ip man, lui-même, reste un héros classique noble et humble que l’on désir à tout prix voir triompher. Le tout est un ensemble bien construit d’action, d’humour et de respect pour la vie humaine.

Remerciements à Louis-Éric Gagnon

– Benoit Mercier

Festival Fantasia – Rubber le pneu en personne

Il y a quelques jours je vous présentais une petite vidéo qui avait été tournée juste avant la projection du film Rubber, dans le cadre du festival Fantasia.

J’ai eu l’honneur durant la présentation du film d’accompagner sur scène la coqueluche du dernier festival de canne. Un acteur qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Rubber, ou Robert de son vrai nom, s’est montré silencieux, et distant jusqu’à ce qu’il fasse son apparition devant publique. C’est alors que son comportement a pris un tournant vers l’excès, l’excès dans ses paroles et son comportement. Il est jusqu’à aller insulter Simon Laperrière, un programmateur de Fantasia bien connu aux Mystérieux étonnants.

Heureusement ou malheureusement, toute cette scène à ma connaissance n’a pas été filmée. Tout ce qui est resté de cette rencontre avec le public montréalais est cette photo qui a fait son apparition sur un blogue anglophone de cinéma.

– Benoit Mercier