Fantasia 2011: critique de STAKE LAND. On THE ROAD again (I just can’t wait to go back on THE ROAD again)

Au festival Fantasia en 2007, ma grande découverte avait été le film d’horreur au micro- budget Mulberry street. D’une efficacité désarmante, le réalisateur Jim Mickle et son scénariste Nick Damici (aussi comédien principal dans le film) avaient intégré un principe fondamental de l’horreur, trop souvent laissé de côté: plus les personnages seront riches et attachants, plus les mécanismes de la peur fonctionneront. Mulberry Street nous montrait les locataires d’un immeuble délabré résister à une attaque de créatures, tout simplement. Une attention particulière était attribuée aux interactions entre personnages et à l’immeuble: le boxeur patibulaire, le travesti au grand coeur, les vieux grincheux. Les créatures étaient des espèces de rats-garous mais au final, elles auraient pu être des zombies ou des vampires et ça n’aurait strictement rien changé à la qualité du film.
J’ai attendu patiemment le retour de Damici et Mickle. Depuis 2006, date de sortie de leur premier, deux événements de taille se sont produit. Le prix Pulitzer pour The Road, le chef-d’oeuvre crépusculaire de Cormac McCarthy  et le succès grandissant de la série de comics The Walking dead
Le genre du survival apocalyptique devra rendre des comptes à ses deux là pour longtemps. Ils ont tout simplement porté aux nues les standards du sous-genre. Allez savoir si Mickle et Damici étaient conscients de la chose ou s’ils ont simplement saisi l’air du temps. Reste que leur deuxième film est une contribution de taille. 
Une invasion de vampire a ravagé le monde. Des poignées de survivants errent ici et là, à la recherche de communautés bordant les routes. Mister, tueur de vampire hors de pair, prend sous son aile un jeune homme qui a perdu sa famille dans une attaque. Il lui apprendra comment survivre, stoïquement mais surement. Or, les vampires sont loin d’être la seule menace: une groupe de fanatiques religieux  pro-vampire, convaincus d’être les agents du Jugement dernier, sont beaucoup plus dangereux. Des rumeurs de cannibales, également…
Stake land pourrait être la suite directe de Mulberry Street. Après tout, les vampires n’ont rien à voir avec les suceurs de sang éthérés de la dernière décennie. Comme les « hommes rats » de leur premier film, ce sont des bêtes sauvages sans aucune intelligence, purement et simplement. Dans le rôle de Mister, Nick Damici pourrait même être le même personnage qu’il jouait dans le premier film. En outre, Stake land fonctionne exactement comme une version élargie de Mulberry Street oû on verrait les effets à long terme de l’invasion sur le reste du monde. 
 
Au demeurant, bien qu’ils soient assez effrayants dans leur sauvagerie, les vampires sont ici accessoires. Comme dans les meilleurs films du genre, l’homme reste un loup pour l’homme est c’est à ce niveau que Stake land excelle le plus. Il trouve également au le moyen de commenter le fanatisme religieux. L’omniprésence des iconographies chrétiennes prend des allures inquiétantes de fétiches.
Le tout est également imprégné d’une sensibilité très deep south; le blues, le country, la poussière, la route, les villages de survivants presque western. Les vampires sont plus sauvages que ceux de Near Dark et n’ont rien à voir avec ceux de True Blood. Même la narration du jeune homme, très Malickienne par moment, renchérit ce mood.
Impossible forcément de ne pas penser à The Road. La saleté, la faim, la nostalgie la relation entre la figure paternelle et le fils. La cruauté des hommes aussi. Stake land est The Road avec de l’action. Impossible également de savoir si Mickle a voulu consciemment utiliser cette approche. Reste qu’elle fonctionne à plein régime. Quelques notes mélancoliques de pianos et de violons donnent à l’ensemble le bon ton mélodramatique.
Comme Walking dead, les relations entre les personnages et leurs déplacements sont le vrai moteur de l’histoire. Nous ne sommes pas simplement dans survival de la route. On ne lésine pas sur les scènes de suspense et de confrontations pour autant.
Ces références empruntées n’empêchent pas Stake land d’avoir ses propres petites trouvailles. Dans ce monde, il n’y a pas de monnaie plus valable que des canines de vampire. Elles prouvent sans équivoque la valeur du survivant. Il faut aussi être inventif et aguerri pour dégommer du vampire: courvrir ses vitres d’automobile avec des clôtures grillagées et savoir mener du pieu à deux. En tueur de vampire émérite, Damici est magnifique et possède un je ne sais quoi du jeu fauve d’Harvey Keitel.

Dans tous les cas, Stake land confirme le talent et la débrouillardise du duo Mickle-Damici. Le cinéma d’horreur indépendant n’a pas dit son dernier mot, quitte à se répéter avec classe.

-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 9: Critique de THE DIVIDE. Huis clos à louer…style nihiliste-chic

Il y a des juxtapositions qui font sourire et qui font froid dans le dos en même temps. À la première Fantasienne de The Divide, le public  était particulièrement survolté. Au tiers constitué d’un groupe qui semblait justement sortir d’un film post-apocalyptique, leurs réactions étaient pour le moins surprenantes, légèrement plus que de coutume à Fantasia. Cet atavisme donnait chaud au cœur : des cris, des commentaires d’une violence surprenante (Pour ma part, kill that bitch! et Suck it Faggot! sont en tête de liste) et une ovation debout pour Michael Biehn (vraiment?).
Le réalisateur Xavier Gens devait être aux anges. D’entrée de jeu, le public était presque une extension naturelle de son  film: bavard et tapageur
 The Divide est un huis clos post-apocalyptique comme vous en avez vu plusieurs. L’idée n’est de renouveler une recette moult fois éprouvée mais d’insuffler une vie nouvelle au sous-genre à grand coup de stéroïdes(comme les personnages qui nous rappellent que les radiations et la faim, ce n’est pas une raison pour perdre ses biceps).
1-Une attaque nucléaire qu’il n’est pas nécessaire de montrer ou d’expliquer.
2-Une bande bigarrée qui se réfugie et se barricade dans le sous-sol de leur immeuble. La mère de famille fragile, les baveux de service, la jeune femme silencieuse, le noir qui en vu d’autre et le pleutre habituel. Le concierge, maître des lieux, un homme au lourd passé avec un sens aiguë de la paranoïa qui sait de quoi il en retourne. 
3-Montrer « graduellement » le niveau de dégénérescence physique et psychologique de notre bande de chouettes copains, jusqu’à les faire sombrer dans l’inévitable sauvagerie. 
 En tentant de renouveler tout ca, Xavier Gens fait des choix particulièrement consternants.
Il parvient à faire oublier au spectateur l’étroitesse des lieux: le sous-soul de l’immeuble est filmé avec une énergie digne d’un Panic Room (la caméra n’en fini plus de passer par des tuyaux et les trous de serrure)
Exit: la claustrophobie. On se croirait parfois dans une relecture de Frontière(s) avec les tics de réalisation de Hitman. L’esthétique de jeu vidéo bien perceptible.
Ensuite, Gens choisi de couvrir le tout d’une trame sonore extrêmement tapageuse qui ne laisse pas deux secondes de répit ni aux spectateurs ni même à ses personnages :effets de violons, orchestrations « déchirantes ». On s’attend d’une minute à l’autre à voir un visage pleurer avec Mad World de Gary Jules qui joue à fond. Les personnages passent par ailleurs une bonne partie de leur temps à hurler et s’insulter. Il n’est pas vraiment question ici de montrer une tension psychologique crédible. On veut transformer au plus vite nos personnages en menace
Exit: le silence et la tension. Impossible dans ce contexte d’être affecté par la dégradation mentale des personnages. Heureusement, leur grotesque transformation physique (cheveux qui tombent et yeux cernés) est là pour nous indiquer leur niveau de dégénérescence empirique. La direction d’acteur encourage donc à fond le cabotinage. À ce niveau, le jeu survolté de Milo Ventimiglia, protéiné et homoérotique, est plutôt réjouissant. Le personnage grand guignolesque campé par Michael Eklund est hilarant et inquiétant à la fois. Il lui seul, il finit par sceller notre manque d’implication émotive. 
Que nous reste-t-il devant ce large huis clos gavé de musique où les personnage deviennent des déchets vivants entre deux postillons? Eh bien, il nous reste « le plaisir » de les voir se détruire jusqu’au dernier. Il a beau être racoleur, The Divide assume au moins son coté nihiliste-chic. Dans notre manque absolu d’attachement pour cette brochette de personnages tour à tour clichés et irritants, on veut forcément les voir se faire torturer et s’entretuer, question d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Difficile dans ces circonstances de reprocher aux macaques à côté de toi de glousser des que quelqu’un se fait trancher la gorge ou arracher un ongle.  Après tout, il ferait probablement de même. 
C’est à ce moment que le huis clos, pour mon plus grand plaisir et mon dégout, est devenu la salle de cinéma. 
J’adore Fantasia.
-FRANCIS OUELLETTE

Fantasia 2011, Jour 4: Critique de PHASE 7-l’ennui au temps de la pandémie

Presque à tous les ans, je me souviens avoir vu au moins un film à Fantasia qui disparait sensiblement de la circulation par la suite (ou qui ne connaitra jamais de distribution massive). Rien à voir avec la piètre qualité du film. C’est qu’ils sont parfois spécifiquement « nationaux ». Quelqu’un a vu, voilà quelques années, l’adaptation de la bédé espagnole Mortadel et Philémon? La qualité du film était indéniable mais le produit final était spécifiquement espagnol. Il demandait un minimum de référents. Dans ces conditions, le dépaysement est encore plus fort à mon sens. C’est aussi ça pour moi, le plaisir de ce festival. C’est voir des productions  au budget microscopique qui seraient pratiquement impossibles à découvrir dans un autre contexte et qui dépaysent dans tous les sens du terme. 
Phase 7 est ce film. L’idée est convenue. Le traitement lui, ne l’est guère. Pipi et Coco, un jeune couple qui n’en est plus à ses premières idylles, vont bientôt avoir un enfant. Le contexte n’est pas des plus reluisants: une épidémie ravage lentement mais surement plusieurs pays. Est-ce la guerre? La fin du monde? On n’en apprendra que très peu sur la chose. L’édifice de Pipi et Coco doit être mis en quarantaine. Dans ce contexte, vont-ils se tomber sur les nerfs à en crever?
 On pourrait présager un huis clos étouffant, une folie généralisée qui s’installe. Eh bien non. Les soucis des protagonistes sont d’une banalité effarante: une ampoule brulée, le rationnement des Froot-loops, les voisins paranos et ceux, encore plus chiants, qui veulent emprunter des trucs. En fait notre couple n’est pas des plus jovial. Ils s’engueulent légèrement et constamment pour des peccadilles. Il en va de même des voisins. Quand l’un des leurs disjoncte et se met à décimer les autres, c’est aussi pour un malentendu. 
 À part les films de Fabian Bielinsky et de Juan Jose Campanella, je n’ai pour ainsi dire que très peu de connaissances du cinéma argentin. Je ne connais pas les mécanismes de l’humour là bas. Mais après avoir vu tout au plus une dizaine de films provenant de la terre du tango, il est  possible d’y constater un rythme, une cadence bien précise. Je dirais même une langueur. Phase 7 n’y échappe pas. En fait, il n’échappe à rien. C’est la moins paniquante des attaques virales de l’histoire. Évidemment, le budget famélique limite les possibilités de démonstrations de la situation, mais des films fauchés y sont néanmoins parvenus (Right at your door et REC). En fait, le réalisateur Nicolas Goldbart fait le choix délibéré de nous montrer une fin du monde traversée d’une certaine lenteur.
C’est là que les mécanisme comiques du film opèrent le mieux. C’est « Les Zombies attaquent l’Auberge du chien noir » sans que l’on voit un seul zombie. La lenteur et l’indifférence finissent par faire sourire le spectateur qui craignait de s’ennuyer quelques minutes plus tôt. Même la bavarde trame sonore de synthétiseur rappelant les films de zombies italiens fini par faire rire tellement elle est juxtaposée à des scènes anticlimatiques. 
Fantasia, c’est aussi ça: un petit film argentin de fin du monde où le couple joue au battleship en regardant le monde crever. Et vous savez quoi? Après les virus et les cannibales Mccarthien, les gens qui se suicident et violent des bébés, je ne serais pas surpris que les survivants de notre monde ressemblent à Pipi et Coco…un couple qui s’emmerde. Ha ha.

-FRANCIS OUELLETTE