J’ai collectionné Bone de Jeff Smith, patiemment, amoureusement, à partir du jour même de la sortie de son premier numéro jusqu’à la fin, près de 12 ans plus tard. Quand je dis « collectionner », je propose en fait un terme plus fort: j’ai toutes les apparitions de Bone dans d’autres comics, tous les comics illustrés par Smith qui n’ont rien à voir avec Bone, des figurines, un t-shirt, une sculpture de Great Red Dragon…j’ai même eu avec mon pote Jim, du 7ème antiquaire, un buste gonflable du dragon rouge collé sur le mur de notre appartement, comme une grosse tête d’orignal.
Jeff Smith est un grand qui n’a plus à faire sa marque, surtout en ne perdant pas de vue que l’artiste fait de la bédé indépendante. Il est traduit en plus de 26 langues et on ne compte plus les ré-éditions de son opus magnus. C’est bien pour cette raison qu’il pouvait se permettre une aventure aussi risquée que celle de son comix adulte RASL. Il savait éperdument bien que tous ses fans maniaques comme moi l’auraient suivi peu importe ce qu’il aurait tenté. Cela dit, rien ne pouvait nous préparer à sa nouvelle série.
Mature et inquiétante, elle est faite sur mesure pour une adaptation au cinéma: on y parle d’un voleur d’œuvre d’art qui peut se glisser dans des mondes parallèles, en tout point semblables aux nôtres, en utilisant une combinaison spéciale de sa confection. Autant Bone était touchant et féérique, autant RASL est déstabilisant. On se retrouve dans une ambiance se rapprochant d’un film de sci-fi scénarisé par Christopher Nolan qui serait réalisé pas Jim Jarmush. À défaut d’avoir le film de Bone, annoncé depuis près de 10 ans, nous aurons droit à une adaptation de RASL, gracieuseté de Lional Wingram, le producteur du dernier Sherlock Holmes. Jeff Smith sera producteur exécutif.