La 16e édition du festival international de films Fantasia prendra son envol le jeudi 19 juillet prochain, et ce, jusqu’au 9 août. Pendant cette période, de nouvelles œuvres formidables de maîtres tels que William Friedkin, Takashi Miike, Quentin Dupieux, Harmony Korine, Bill Plympton et Noboru Iguchi seront projetés au grand plaisir des cinéphiles friands de cinéma de genre.
Lors de cet événement plus de 125 réalisateurs, producteurs et acteurs provenant des quatre coins du monde seront présents pour présenter leurs films, dont plusieurs gros noms de la pop culture tels que Mark Hamill (Star Wars), Tony Todd (Candyman), Michael Bienh (Aliens, The Terminator) et Casper Van Dien (Starship Troopers).
Comme toutes les années, le cinéma asiatique occupe une place prépondérante, dont une part importante proviendra des Philippines, dont le cinéma est en pleine renaissance. Le cinéma occidental n’est pas en reste pour autant avec des films provenant de l’Australie, des Pays-Bas, des États-Unis… et de la Scandinavie. En fait, il y sera présenté plus de 160 films provenant de plusieurs dizaines de pays.
En cette 16e édition, de nouvelles sections s’ajoutent à l’importante offre de ce festival, dont Axis, qui est consacré au cinéma d’animation international et qui rivalise avec le prestigieux Festival d’Annecy et qui salue les talentueux artistes qui continuent de créer de nouveaux mondes plan par plan. Et d’autres reviennent encore plus fortes dont Documentaries From the Edge, Camera Lucida (où les dix œuvres sélectionnées portent un regard sur le film de genre, puis le détruit pour mieux le reconstruire) et la quatrième édition du Fantastique week-end du court-métrage québécois.
Soulignons que le Jury Compétition long-métrage sera présidé par le cinéaste québécois Gabriel Pelletier (Karmina, La peur de l’eau) et secondé par Jay Baruchel, Michael Bienh, Sylvain Krief (musicien de jazz qui a accompagné certains des plus grands artistes et un très grand cinéphile de genre fantastique) et par la critique de cinéma Maggie Lee (Variety).
C’est le film japonais For Love’s Sake, réalisé par Takashi Miike, qui ouvrira le festival. Il s’agit d’une adaptation du manga Ai To Makoto qui raconte l’histoire d’amour entre une jeune femme riche et bien élevée et un voyou plus que fauché.
Finalement, le film de clôture sera rien de moins que PARANORMAN, un film de stop-motion 3D provenant du studio d’animation LAIKA qui avait offert auparavant Coraline. Notons que ce film raconte l’histoire d’une ville assiégée par les zombies; Norman, un jeune garçon incompris qui a le don de parler aux morts, les combattra tout comme des fantômes, des sorcières et, pire encore, des adultes [!]
Voyez une sélection de quelques-uns des films à voir, après le saut.
Une légende chinoise aux épanchement mélodramatiques revue et corrigée à grands coups de poing par Yuen Woo-ping. Le crépuscule des samouraïs revu et corrigé par Miike qui nous fait enfin un authentique chambara. Le 7ème les a vu l’un après l’autre. La juxtaposition était appropriée et étourdissante: si les films sont drastiquement différents dans leur approche, leur dessein est sensiblement le même: montrer comment la légende est le vecteur des changements de l’histoire . Les héros sont tragiques. Le méchants sont d’une cruauté inouïe. Les femmes sont laissés derrière. Les combats sont d’une violence démesurée mais ils sont aussi traversés de poésie. La même recette, deux sauces: de l’aigre-douce dans ton coeur VS du Wasabi dans ton âme.
Vous êtes familiers avec Yuen Woo-ping? Même si c’est le cas, faisons un petit exercice vous voulez bien? Sans être exhaustif, considérons l’importance de ce que l’homme a donné au cinéma depuis quelques décennies.
Pour une poignée d’occidentaux férus de films de kung-fu, Yuen Woo-Ping est celui à qui l’on doit la véritable introduction des arts martiaux chinois dans la cinématographie américaine. La découverte de Jet Li, de Jackie Chan, du Kung-fu drunken Style, les chorégraphies des Matrix etdes Kill Bill; le vieux maitre a exalté plus que quiconque les canons d’une mythologie typiquement chinoise, pour le grand bonheur des néophytes et des exégètes. Avec le succès planétaire de Crouching Tiger, Hidden Dragon , il a également contribué à la prolifération subséquente des Wuxia pians, les films de capes et d’épée chinois où les combats sont des ballets aériens. Même Kung-fu Panda 2 est truffé de référence directes à ses films et son style de chorégraphies (ne riez pas: Kung-fu Panda 2 est un hommage vibrant et hautement intelligent à Sammo Hung et aux premières réalisations de Woo-Ping, The magnificent butcher en particulier).
Même les cinéphiles les plus curieux ont souvent commencé avec ses films pour ensuite se familiariser à rebours avec les grands classiques de la Shaw Brothers , allant de Liu Chia Liang à Chang Cheh pour ensuite découvrir le souverain du genre, King Hu. Avant lui, les occidentaux en général ne pouvaient à peine faire la différence entre le karaté et le kung-fu, Shaolin et le Mont Wu tang et la Chine était régulièrement envahis par des ninjas. Allez voir le dvd français de Legend of the drunken master avec Jackie Chan juste pour rire: on a traduit drunken Style pour « le Karaté saoul »!
Pour tous ses accomplissements, il manquait à Yuen Woo-Ping son film-somme, un long métrage poussant au paroxysme toutes ses obsession stylistiques, thématiques et même spirituelles. True legend est précisément ça. Il remonte aux sources des mythes fondateurs sans aucun soucis de crédibilité ou de cohésion narratives. Les scènes de combats parlent d’elles mêmes. Elles sont nombreuses, bruyantes, improbables et elles cognent dure, très dure. Ce sont des surhommes qui se battent ici, des super héros chinois capables de défier les lois de la physique et de faire du breakdance de combat. Le film nous raconte l’histoire de Beggar So, héros de guerre tragique qui sera happé par la folie et le démon de la bouteille. Créateur du drunken fist, cette forme de combat où les mouvements émulent l’état d’ébriété, on verra ce personnage au cinéma des dizaines de fois, particulièrement dans des comédies. Le véritable créateur du drunken fist, bien qu’il soit une forme de combat existante, est nul autre que Woo-Ping. Il est directement responsable des plus belles séquences de combat en état d’ébriété. True legend nous fourni enfin l’origine « complète » de ce touchant personnage, joué à plusieurs reprises par le maitre lui même.
Dès les premières minutes du film, on se croirait dans une adaptation de bédé américaine. Le film fonctionne est sensiblement une version asiatique de Thor: Beggar Su semble provenir d’un Valhalla chinois traversé de combat exagérément épique et à la limite du surnaturel, où il est le fils favoris. Dans ce rôle ,Man Cheuk Chiu donne la meilleur performance de sa carrière depuis The Blade.
DansTrue Legend, les hommes côtoient les dieux pour apprendre les secrets du combat. Le légendaire Gordon Liu reprend le rôle classique du vieux sage aux longs sourcils Pai mei et Jay Chou, le Kato de Green Hornet, est le dieu du WuShu. Le frère de Beggar su est le perfide Yuan Li, sorte de nécromancien possédant les secrets des styles de combat « venimeux ». Superbe vilain gavé jusqu’à la moelle de clichés, il porte des costumes mauves (comme tous bon vilains de comic-book), il a la peau livide et elle est greffée d’une armure.
Les geeks lui trouveront quelques ressemblances avec un des grands vilains du comic-book, Master Darque, le nécromancien qui sévissait jadis dans les pages de la compagnie Valiant.
Yuan Li est ostensiblement le Loki de cet univers: jaloux de son frère et cherchant à se venger de son père adoptif, l’assassin de son vrai père. Dans sa folie meurtrière, il possède quand même un sens tordu de la filiation, comme les meilleurs méchants du genre. Les ressemblances entre Thor et True Legend ne s’arrêtent pas là. Les deux films oscillent entre la fantaisie de comic book et la tragédie Shakespearienne: le jeu ampoulé des acteurs et leur prononciation modulée du mandarin s’en chargent. Les mythes scandinaves et chinois font assez bon ménage. Le film finlandais Jade Warrior présenté à Fantasia voilà trois ans avait tenté un mariage de fortune en transposant le mythe de la Kalevala dans un wuxia pian classique…et ça fonctionnait.
True legend est un fantasme mythologique pure, entre la tragédie et le mélodrame. Il n’est aucunement question de conférer quelconque crédibilité à l’histoire. Le canevas est vieux comme le monde: trahison du frère usurpant le pouvoir, exil et déchéance du héros, les scènes obligatoires d’entrainement et de découverte spirituelle de même que la vengeance finale.
Mais ça ne s’arrête pas là. Faisant preuve d’une audace peu commune dans le genre, Yuen Woo-ping ne nous permet pas de déterminer si l’histoire se passe à une multitude de niveaux dans la psyché d’alcoolique du personnage (il faut voir ses combats avec le dieu du Wushu sur les flancs d’une statue!) ou s’il est tombé d’un monde parallèle (à la manière de Thor, justement). Un inexplicable jump-cut de plusieurs décennies ajoute à la confusion, pour notre plus grand plaisir. Cepedant indice demeure: le plus grand combat que mène Beggar Su est contre lui même. Les art martiaux, plus que jamais chez le vieux maitre, sont des danses illustrant le combat intérieur. TRUE LEGEND est parfois larmoyant, déchirant et particulièrement loquace dans la démonstration des prouesses physiques …et c’est parfait ainsi. Tout est dit dans l’oxymore du titre .
13 assassins maintenant.
Enfin.
Enfin, un véritable chambara pour Takashi Miike. Un Miike tout en retenu (!) qui ne perd rien de la cruauté et l’humour qui font sa signature. Enfin. Un chambara qui se permet d’être presque chinois dans son verbiage martial. Enfin, un film de guerre asiatique qui m’a autant satisfait dans sa sauvagerie que Bang Rajan. Enfin, le jidaigeki que les maniaques attendaient depuis des lustres.
Qu’on se le disent. Dans la démonstration des arts martiaux, les Japonais n’ont rien à voir avec les Chinois. Économie de moyens, mouvements brefs et parfaits, tension à couper au Ginsu. Le samouraï est au haïku ce que le guerrier chinois est à la poésie épique. C’est le propre d’un vrai chambara: les combats ne sont jamais au centre de l’histoire. Ils sont d’incisives ponctuations. Admettons le: vous attendiez un film de samouraï où les combats ont une place prépondérante depuis longtemps non?
Jouons avec les chiffre: Il a beau être un remake du film Eiichi Kudo de 63 portant le même titre, 13 assassins est le versant sombre de 7 samourais et le frère d’arme de 47 ronins, auxquels il fait par ailleurs souvent référence. Même les chiffres des titres se miroitent; le lucky seven et les héros humanistes de Kurosawa en opposition au 13 de malheur des kamikazes assoiffés de justice de Miike. 13 assassins offre une variante du grand classique de Kurosawa en capitalisant volontiers sur des scènes de combat à l’énergie bien contemporaine. Il en devient en quelque sorte l’inversion. Mais il est aussi une relecture de 300 à la manière nipponne. Faites le calcul: 47 X 7 -13= presque 300. ha HA!
N’ayez crainte: ça fonctionne à merveille. Miike s’était déjà prêté à l’exercice, (de manière beaucoup plus expérimentale), en faisant IZO, une suite informelle et Jodorowskienne du classique d’Hideo Gosha TENSHU (cliquer ici pour écouter notre émission sur à ce sujet) Si 7 samourais se passait à l’apogée d’une période de guerre, 13 assassins se déroule à la toute fin de leur règne, en temps de paix. Les 7 samouraïs protègent un village d’une attaque de brigands. Les 13 assassins doivent débarrasser le japon de son plus dangereux tyran. Dans le rôle duleader du groupe, Koji Yakusho, en voie de devenir le comédien japonais le plus important de sa génération, continue de devenir l’héritier spirituel de Takashi Shimura (faut le voir lui rendre hommage dans le magnifique Dora heita). S’il est le même personnage, il est cependant une sombre inquiétante de Shimada, satisfait de pouvoir enfin mourir au combat.
La réponse à Kyuzo, le bretteur virtuose au visage stoïque est Hirayama Kujūro. Deux personnages inoubliables interprétés par deux comédiens (et escrimeur) de grand talent, tout en finesse, en élégance et en furie guerrière.
Dans le rôle du rônin joueur et désabusé, le surprenant Takayuki yamada (qui jouait les trois personnages principaux de Milocrorze: a love story) devient la conscience du groupe. On a aussi droit au jeune guerrier voulant se tester au combat, au samouraï bedonnant et jovial et à l’assistant général qui reprend du service. Il fallait forcément que le personnage de Kikuchiyo, le fermier courageux et opiniâtre avec une très grosse épée (et comedy relief), campé avec brio par Toshiro Mifune, ait un remplacement à sa mesure.
C’est chose faite avec Kiha Koyata, interprété par Yūsuke Iseya.
Personnage typiquement Miikéen, Kiha est à la fois un comedy relief et le personnage insaisissable. Hommage évident à l’animalité de Mifunedans le film de Kurosawa, Kiha n’est pas un samouraï; c’est un homme des bois, un chasseur habile qui a lui aussi un tempérament opiniâtre et une…très grosse épée. Il y a fort à parier que Kiha ne soit pas un être humain: pour ma part, je me plais à croire qu’il est un Tanuki, un esprit animal de la forêt qui a pris forme humaine (les ratons laveurs avec des grosses bittes dans le Pompoko de Miyazaki, pour les non-initiés) Miike est passé maitre dans l’art d’inventer des personnages qui sont des experts de la cruauté. Il a probablement inventé son plus beau monstre en la personne du sadique souverain Matsudaira Naritsugu . Un enfant de pute comme on en fait plus. Si le vilain de True Legend est admirablement suranné, celui de 13 assassins à des psychopathologies Ô combien modernes.
Déviant et obsédé par la mort, le souverain n’a pas son pareil pour infliger la souffrance. Il est sans aucune morale, complètement insensible et il est au centre des scènes les plus Miikéennes du film (une d’elle est particulièrement éprouvante et inoubliable). Vous allez vraiment vouloir voir le salopard souffrir.
Presque parfait dans son exécution, 13 assassins culmine sur une scène de combat final exemplaire en tout point. Longue de presque 30 minutes, elle aurait fait bander Sun Tzu comme un cheval. Dans un village transformé en machine de guerre, nos treize assassins deviennent des vikings doublés des salopards de Western spaghettis. C’est la fin de Sword of doom d’Okamoto multiplié par 20. Miike continue de prouver qu’il est une magnifique tache de sang et de merde en forme de papillon sur la face du soleil levant. Il nous enfin donné le chambara qu’on attendait de lui.